Au rang des 175 propositions du rapport Libault remis le 28 mars à la ministre des Solidarités et de la Santé, la hausse de 25 % du taux d'encadrement en EHPAD d'ici 2024, soit 80 000 postes supplémentaires. Réaction des quatre syndicats de directeurs d'EHPAD de la fonction publique hospitalière.
Ratio en EHPAD : les syndicats de D3S commentent le rapport Libault
Emmanuel Sys (Syncass-CFDT)
« Placer le ratio comme un élément constitutif majeur de la qualité »
« Le rapport Libault arrive à trouver un bon compromis entre une vision globale, transversale, bien étayé, bien documenté sans pour autant tomber dans l'excessivité des chiffres. La maturité de ce rapport tient au fait qu'il arrive à dépasser les visions très segmentées d'autres rapports et qu'il aborde de front les questions financières à court terme, à moyen terme et à long terme. Nous attendons à présent que le volontarisme politique soit au rendez-vous, que les propositions de ce rapport rentrent dans le champ législatif rapidement. La proposition du rapport Libault qui vise à intégrer dans la loi des ratios a minima dans les EHPAD, ce qui n'existe pas à ce stade, va dans le bon sens car cela permet de placer le ratio comme un élément constitutif majeur de la qualité de la prise en charge. A l'exclusion du PSGA [Plan Solidarité Grand âge] qui avait évoqué cette question, le ratio avait toujours eu tendance à être balayé par les pouvoirs publics considérant que la qualité ne pouvait pas être liée exclusivement au ratio. Ce rapport inverse la tendance en considérant que l'on ne peut pas parler raisonnablement de qualité de la prise en charge des résidents sans faire du ratio un élément central. Pas exclusif mais central. La question qui reste posée est celle du curseur. L'augmentation de 25 % en 5 ans proposée par le rapport Libault ne tient pas compte du niveau du GMP du PMP. Est-ce que les outils existants [Grille AGGIR et Pathos] à ce stade vont toujours être utilisés dans l'allocation budgétaire de demain et donc venir pondérer potentiellement les ratios en fonction des établissements ? C'est possible mais rien n'est fixé à ce stade. »
Pascal Martin (CH-FO)
« Un ratio identifié, opposable, déclaré »
« Il y a une urgence à traiter la question du vieillissement, des EHPAD et du domicile. La manière dont la société regarde et prend soin de ses aînés est capitale à plus d'un titre. Le rapport Libault a le mérite d'exister mais le CH-FO considère qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Il est important de voir désormais comment le ministère va digérer, accaparer, traduire politiquement ces propositions. Est-ce que le rapport Libault n'est qu'une déclaration de bonnes intentions ou est-il une première base pour fournir des réponses rapides, à la hauteur des besoins, et installées dans le temps ? La crédibilité de la parole de l'Etat est en jeu. L'intersyndicale [du secteur de l'aide aux personnes âgées] l'a rappelé, le 4 avril, après avoir été reçue à l'Elysée, il y a une urgence à traiter la question du vieillissement, des EHPAD et de la dynamique des soins à domicile dès maintenant. Il faut une réaction de court terme sur trois éléments fondamentaux : premièrement, la question des ressources pour que les EHPAD publics autonomes puissent agir leurs missions. Deuxièmement, la question du ratio identifié, opposable, déclaré, installé, politiquement correct et syndicalement négocié pour avoir du personnel qualifié en nombre pour rendre soin de nos aînés. Et troisièmement, une valorisation des métiers du grand âge. »
Frédéric Cecchin (SMPS)
« 1, 2 milliard ne suffira pas, il en faut 5 ou 6 fois plus »
« Est-ce que la montagne va accoucher d'une souris ou est-ce qu'il y aura vraiment une loi ambitieuse pour la prise en charge d'une population française de plus en plus vieillissante avec des attentes et des besoins auxquels il faut répondre ? Le rapport Libault comprend des propositions qui ne qui coûtent rien, des mesures déjà mises en place à certains endroits et qu'il est bon de généraliser et d'autres qui paraissent difficilement réalisables. Le rapport propose une hausse de 25 % du taux d'encadrement en EHPAD d'ici 2024, soit 80 000 postes supplémentaires auprès de la personne âgée, pour une dépense supplémentaire de 1,2 milliard d'euros sur cinq ans. Avec 16 000 postes la première année, 32 000 la deuxième année, 48 000 la troisième année et 64 000 la quatrième et 80 000 la cinquième année, cela représentera donc 240 000 salaires à payer sur cinq ans avec 1,2 milliard d'euros. Ce qui représente 5 000 euros par an et par poste alors qu'un poste d'aide-soignant est déjà à au moins 25 000 euros avec les charges et un poste d'infirmier est à 30 000 euros avec les charges. 1,2 milliard ne suffira donc pas il en faut 5 ou 6 fois plus. Si on nous donne 5000 euros par an et par poste, nous ne parviendrons pas à embaucher et cela restera lettre morte. »
Yves Richez (Ufmict-CGT)
« Avec un ratio de 0,75 en 2024, on est loin du compte »
« La proposition du rapport Libault d'augmenter les effectifs de 25 % d'ici à 2024 par rapport à 2015 n'est pas du tout à la hauteur des enjeux et ne tient pas compte du vieillissement de la société. Aujourd'hui le ratio est de 0,6 si on l'augmente d'1/4 on arrive à 0,75 on est encore très loin du ratio de 1 pour 1 du Plan Solidarité Grand âge. Nous chiffrons le besoin à 200 000 professionnels de plus dans les EHPAD dès aujourd'hui. Il est aujourd'hui très compliqué de recruter et de fidéliser du personnel soignant en particulier dans les EHPAD compte tenu à la fois des conditions de travail et de l'insuffisance des salaires. Le besoin de revalorisation des salaires des aides-soignants, des infirmières et des agents de services hospitaliers (ASH) est de l'ordre de 25 à 30 %. Si la ministre des Solidarités et de la Santé ne s'attaque pas à la question des ratios de personnel en EHPAD et à celle des salaires, elle pourra faire tous les discours qu'elle veut, ce sera du vent. »