Le Haut conseil à la vie associative, instance consultative placée auprès du Premier ministre publie un rapport sur « l'impact de la concurrence lucrative sur le modèle économique associatif et sur la multiplication des exclusions » dont les premières pages sont consacrées à l'aide à domicile et aux Ehpad.
Un rapport du HCVA sur l'impact de la concurrence lucrative sur l'associatif
Au fil de ses travaux et rapports, la concurrence est apparue au Haut Conseil à la vie associative (HCVA) « comme un facteur important de perturbation du modèle économique des associations et, par répercussion, comme un accélérateur d'exclusion sociale des plus pauvres mais aussi de personnes pas assez pauvres pour bénéficier pleinement des aides publiques et des mécanismes de répartition sociale et pas assez riches pour accéder aux prestations associatives dont elles auraient pourtant impérativement besoin » écrit-il en introduction d'un rapport adopté le 30 septembre en séance plénière de consultation sur « l'impact de la concurrence lucrative sur le modèle économique associatif et sur la multiplication des exclusions ».
Tout l'associatif est concerné, mais l'introduction note aussi que le phénomène est particulièrement significatif dans le secteur médico-social où les associations gérant par exemple des Ehpad « se sont trouvées confrontées à l'apparition d'opérateurs mercantiles plus soucieux de capter une clientèle rémunératrice que de préserver l'intérêt général ». Le HCVA cite les prix médians d'une étude de la CNSA datant de 2016 : 1 801 euros alors par mois dans les Ehpad publics, 1 964 euros dans les Ehpad du secteur solidaire et de 2 620 euros dans les Ehpad du secteur commercial.
L'instance consultative consacre d'ailleurs les 10 premières pages de son rapport à deux thématiques :
- l'instauration de la concurrence et ses conséquences dans l'aide à domicile ;
- la marchandisation du secteur des Ehpad : vers une fragilisation de l'offre envers les personnes vulnérables.
Aide à domicile : la notion de SIEG
Pour le secteur à domicile personnes âgées, le HCVA note que « les analyses nationales n'ont que très peu de sens » tant « le type d'employeur fournissant l'APA varie fortement d'un département à l'autre ». Si le paysage résulte aussi des dynamiques historiques de construction du champ, des zones géographiques (urbaines, rurales...) ou encore des revenus des usagers, « l'incidence des politiques départementales est forte ».
Le HCVEA cite des exemples. Ainsi la Lozère, l'Orne, le Lot-et-Garonne n'ont pratiquement que des opérateurs associatifs. Dans la Somme, ce sont surtout des particuliers employeurs parce que ce département a choisi de verser l'APA en Cesu, comme dans les Pyrénées-Atlantiques. Les Landes ont fait le choix des centres intercommunaux d'action sociale, et du coup, un quart des agents du département sont des aides à domicile...
Pour ces activités à 80% sur fonds publics et compte tenu d'une finalité de réduction des disparités territoriales, le HCVA propose « de relancer le débat sur la notion de service d'intérêt économique général (SIEG) au lieu de soumettre ce secteur à la libre concurrence de l'ordonnance services. L'existence de tarifs différenciés en fonction des zones et des publics pourrait tout à fait se justifier».
Ehpad : le principe du libre choix mis en mal
« Si le développement de la concurrence peut contribuer à la dynamisation de l'offre des Ehpad, il a des répercussions non négligeables sur les opérateurs du secteur associatif, en fragilisant l'offre d'hébergement aux personnes les plus vulnérables pour lesquelles « le principe du libre choix » se trouvera restreint », constate le HCVA.
Il note que si le secteur public et le secteur associatif ont encore une part prépondérante de respectivement 45% et 31% des 7 367 Ehpad présents sur le territoire métropolitain en 2020, il n'en demeure pas moins que le secteur lucratif qui effectue également des opérations de regroupement, gagne chaque année des parts de marché supplémentaires : les groupes Korian et Orpéa gérant autant de lits à eux seuls que les 15 plus grands groupes associatifs ».
Les différences de valeurs et d'objectifs entre le secteur associatif et le secteur commercial, solidarité vs rentabilité, risquent, à terme, d'impacter l'offre pour les personnes les plus vulnérables, relève-t-il surtout dans un contexte d'évolution des besoins où les Ehpad lucratifs accueillent déjà` moins que les autres opérateurs de personnes en très grande dépendance. « Ainsi l'institutionnalisation du « principe du libre choix » instaure? comme droit pour les personnes dépendantes d'être en mesure de choisir un hébergement adapté à leurs besoins, serait mis à mal par l'impact de la concurrence dans ce secteur », résume le rapport.
Pas de proposition concrète pour y remédier, le HCVEA se contente de clore le chapitre sur les défis à relever : principe du libre choix, des « lieux de vie et d'exercice de la citoyenneté, anticiper les besoins et revaloriser les métiers du grand âge....