Le débat sur la dépendance, voulu par le Président de la République, a jeté une lumière nouvelle sur le secteur des EHPAD. L'heure est à la discussion sur les chiffres, l'économique. Or les chiffres ne sont pas bons. En 2010, la clôture des comptes de la CNSA marque l'épuisement des réserves de l'Institution. De manière générale, les comptes sociaux de la France ont été négatifs en 2010 (24 milliards d'euros) et le seront en 2011 (plus de 20 milliards), alors que notre voisin allemand prévoit un excédent de 4,5 milliards d'euros en 2011... et que ce budget inclut celui de la dépendance ! En France, la branche de l'Assurance-maladie finance la moitié de la politique en faveur des personnes âgées dépendantes (11 milliards sur 21,6).

En 2009, la dépendance mobilisait 1,1 % du PIB. L'évolution démographique avec l'arrivée de la génération des babyboomers en 2030 dans les tranches d'âge les plus élevées devrait porter cet effort à 1,5 % du PIB, avec une projection de 1,5 million de personnes dépendantes.

Pour répondre (schématiquement) à ce vieillissement de la population, il y a une alternative : le maintien à domicile ou l'entrée dans un établissement.

Il y a aujourd'hui 680 000 places en EHPAD pour environ 10 600 établissements. La moitié des maisons de retraite est publique, le secteur privé commercial et le secteur privé associatif se partageant l'autre moitié des établissements. Dans le secteur privé commercial, les 10 premiers acteurs représentent les 2/3 de ce secteur. Seulement quatre acteurs sont cotés en bourse. On est bien loin du schéma de l'or gris. D'ailleurs la lecture des bilans des sociétés montre que la rentabilité de l'activité d'hébergement proprement dite est faible. L'intérêt des investisseurs résident dans le patrimoine immobilier, dans la visibilité et la récurrence de l'activité. Il est important de bien l'expliquer. Dans le grand public et dans la presse généraliste la perception est que la majorité du secteur est privée et " à la bourse " !

Dans ce dossier que nous avons essayé de rendre le plus lisible possible nous aborderons plusieurs points :

Avec Nicolas Bouzou (p24), économiste, la problématique de la dépendance et de son financement est abordée sous un angle original qui permet d'envisager le débat au-delà de la simple question idéologique : pour ou contre le financement privé. Si comme l'indique notre expert certaines projections estiment le poids du financement de la maladie et de la dépendance à 20 % du PIB en 2050, il est effectivement urgent de bien réfléchir à toutes les hypothèses possibles.

Nous avons demandé à deux experts (p26-30) bien connus du secteur, Serge Guérin et Jérôme Pelissier de nous éclairer sur ce mystère de la mauvaise image de marque des maisons de retraite. Comment est-il possible que le niveau de qualité ne cesse de monter dans les établissements, que la formation des professionnels soit sans cesse améliorée et que paradoxalement tous ces efforts n'aboutissent qu'à une défiance grandissante de l'opinion publique vis-à-vis de notre secteur ? Serge Guérin nous donne un élément de réponse " on est passé d'une absence de regard à un regard très appuyé mais extrêmement négatif ".

Jérôme Pelissier ouvre la réflexion avec un regard sociologique et historique tout à fait passionnant ; À lire d'urgence par tous : professionnels, familles et journalistes de la presse grand public. Ce débat est une source d'arguments dont nous devons tous nous imprégner.

Avec Jean Autexier (p32) nous abordons de manière dépassionnée l'autre marronnier de la presse grand public : la maltraitance. Il existe aujourd'hui les outils pour la protection des personnes vulnérables, c'est la prise en compte de ce phénomène par l'ensemble de la société qui est le gage de sa maîtrise. N'oublions pas que les deux tiers des appels sur le numéro vert de la maltraitance signalent des maltraitances... à domicile !

Nous ne pouvions pas faire un dossier sur les maisons de retraite sans parler du maintien à domicile (p34). La nouvelle donne fiscale bouscule le modèle économique. Désormais " L'aide à domicile demande de l'aide " ! Or le domicile a de forte de chance dans le futur d'être un champ d'action des plates-formes d'intervention mises en place par les EHPAD.

Ce dossier donne la parole aux Fédérations et syndicats professionnels pour répondre à trois questions : Quels sont les changements constatés depuis 3 ans ? Pourquoi le secteur des EHPAD est-il si mal vu ? Quelles sont les perspectives du secteur dans les 30 ans à venir ? À court terme, ces décideurs sont concentrés sur l'épineuse question du financement, à plus long terme se dessinent l'importance de la place du domicile et son articulation avec l'EHPAD.

Enfin, last but not least, nous vous proposons le témoignage d'un parent d'une personne âgée en établissement. Avec un argument qui porte " J'ai été déchargé de toute la partie administrative, logistique ; j'ai eu du temps pour l'essentiel : parler ".

Belle conclusion pour la raison d'être de notre profession !