Face à l'inflation et à la flambée des prix de l'énergie, les établissements essaient tant bien que mal de réduire leur consommation d'énergie. Quelques pistes et retours d'expérience pour diminuer durablement la facture.
Réduire sa consommation énergétique : repères malins
Avec la crise énergétique, réduire rapidement sa consommation devient une préoccupation majeure des établissements. Alors comment faire ? « Nous avons baissé le chauffage à 22 °C, contre 26 °C habituellement. Nul besoin d'être en t-shirt dans les couloirs l'hiver ! », estime Céline Bodart, directrice qualité et RSE du groupe associatif Univi, qui rassemble 80 Ehpad et résidences autonomie. Quand c'est possible, diminuer la température est une première mesure efficace de sobriété énergétique. Selon l'Ademe, un degré en moins génère 7 % d'économie. Sensibiliser aux écogestes est également une action rapide à déployer. Univi a ainsi formalisé une liste de bonnes pratiques pour ses équipes : éteindre les imprimantes et les ordinateurs en fin de journée, privilégier les escaliers, remplacer toutes les ampoules par des leds, dégivrer les réfrigérateurs et congélateurs dans les résidences...
La check-list avant l'hiver
Pour réduire sa facture en vue de l'hiver qui arrive, une web conférence récente de l'Anap (Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale) détaille les principales actions envisageables. « Il convient de préparer et de régler les équipements, de s'assurer que la température est conforme à vos besoins dans chaque type de salle, de vérifier le fonctionnement optimal et l'équilibre du réseau de chaleur, les paramétrages », détaille Olivier Penaud, expert développement durable à l'Anap.
Petits travaux rentables
À court terme, il peut être intéressant de consentir un budget pour certains menus travaux, rapidement rentabilisés. « Dans un petit établissement, le retour sur investissement d'un achat de leds, par exemple, est inférieur à un an. L'installation de détecteurs de présence dans les couloirs, permet de réaliser jusqu'à 30 % d'économie sur l'éclairage », analyse Olivier Penaud. De même, le calorifugeage des tuyaux d'eau chaude fait gagner jusqu'à 30 euros par an et par mètre de réseau isolé, quand les robinets thermostatiques font réaliser 20 % d'économie de chauffage.
Anticiper le décret tertiaire
À plus long terme, il faudra envisager des travaux plus conséquents. D'ici à 2030, les établissements de plus de 1 000 m² vont devoir réduire de 40 % leur consommation d'énergie pour se conformer au décret tertiaire. Alors que les premières déclarations de consommation énergétique démarrent tout juste sur la plateforme « Operat » de l'Ademe, aucune sanction financière n'existe pour l'instant. « Mais dans dix ans, si vous n'avez pas répondu à ces obligations, la facture pourrait être salée », prévient Cédric Alliès de l'agence Primum non nocere, spécialisée en développement durable.
Alice Moreau, directrice de l'Ehpad Château de Beaurecueil dans les Bouches-du-Rhône s'y est préparée. « Nous avons isolé l'ensemble des combles, des sous-sols et des canalisations grâce aux certificats d'économie d'énergie, à zéro euro », témoigne la directrice de cet Ehpad public autonome et communal de 97 lits.
En priorité, la toiture et les murs
Pour Jean-Philippe Arnoux, directeur silver économie et accessibilité chez Saint-Gobain, deux postes énergivores sont prioritaires : la toiture et les murs. L'isolation par l'extérieur des murs permet de réduire de 20 % les déperditions, et l'isolation de la toiture de 30 % en moyenne. « Différentes possibilités s'offrent selon le type de bâtiments : toiture végétalisée, laine de verre ou minérale à dérouler », explique cet expert.
À l'occasion d'un projet de nouveau bâtiment ou d'une extension, il faut absolument se tourner vers l'écoconception, estime Cédric Alliès : « Il est bien plus facile de réduire les déperditions à la base. » C'est le moment de penser à l'exposition, à l'implantation du bâtiment et au placement des circuits de chauffage. « L'exposition fait rapidement 4 à 5 degrés de différence. Les circuits doivent être pensés pour exploiter ces écarts de température, de part et d'autre d'un même bâtiment. »
Efficace et vieux comme le monde : le puits canadien
C'est aussi à la genèse d'un projet que l'on conçoit des ombrières ou encore des puits canadiens, « une technologie vieille comme le monde », estime Jean-Philippe Arnoux. Ce système enterré de captation des calories dans le sol est couplé à une ventilation interne. « Il permet de préchauffer l'espace l'hiver et de rafraîchir l'air l'été, et donc de limiter le recours au chauffage et à la climatisation », poursuit Jean-Philippe Arnoux pour qui l'Ehpad du futur sera aussi doté d'un système efficace et confortable de purification de l'air.
Piste de financement : les CEE
De nombreux travaux sont susceptibles d'être pris en charge par les certificats d'économie d'énergie. « Il existe des programmes très connus comme l'isolation, mais aussi des programmes sur-mesure qui peuvent être montés et présentés par des tiers à des obligés, comme Total ou EDF, par exemple, qui financent les CEE. Le kilowatt économisé à un cours et certains établissements, en plus d'être financés, peuvent générer des rentrées d'argent, dès lors que les aides sont supérieures au montant de l'investissement », explique Cédric Alliès.
Et le bouclier tarifaire ?
En attendant et malgré les efforts, les factures continuent de grimper. Le surcoût se monte à 1,7 million d'euros au sein du groupe Univi, au premier semestre 2022. Alice Moreau, directrice de l'Ehpad Château de Beaurecueil, a prévu 50 000 euros d'électricité et de fioul en 2022. « C'est un budget en hausse. Mais pour l'électricité, nous avons conclu un marché public qui nous met à l'abri des grosses augmentations pour trois ans », expose la directrice. Les plus pénalisés sont ceux qui ont renouvelé leurs contrats. « On leur annonce des augmentations faramineuses », déplore Pascal Champvert, président de l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Associations et fédérations appellent donc de leurs voeux, la mise en place d'un bouclier tarifaire pour l'énergie et l'inflation. Mais pour l'instant, rien ne semble acté. « Ce dont on est sûr, c'est que l'on ne sait rien », ironise Pascal Champvert.