C'est ce que révèle l'étude de cohorte réalisée par OpenHealth pour France Assos santé, 60 millions de consommateurs et Santéclair auprès de 155 000 personnes âgées de 65 ans et plus suivies pendant 3 mois en pharmacies de ville.
14 médicaments quotidiens pour les seniors
Les seniors prennent au-moins 7 médicaments chaque jour
Si l'étude a sélectionné des personnes consommant au moins 7 médicaments différents par jour, la réalité est toute autre. Ce ne sont pas 7 mais plus de 14 médicaments différents que les seniors consomment quotidiennement.
Un facteur de risque en soi
Nombre de médicaments répondent aux pathologies du grand âge, mais cette polymédication représente pourtant en soi un facteur de risque. " On méconnait les effets des interactions à partir de 4 médicaments, explique Frédéric Cosnard, responsable scientifique de Santéclair. Or lorsque le patient avale 14 médicaments différents, il est impossible d'ignorer les risques de iatrogénie. "
L'étude révèle d'ailleurs que 9 patients sur 10 sont confrontés à au-moins trois situations potentiellement à risque. En effet, psychotropes, antihypertenseurs, antidiabétiques oraux ou anti-thrombotiques (prescrits pour prévenir ou traiter la formation de caillots sanguins), largement prescrits dans le traitement des maladies chroniques, sont souvent impliqués dans la survenue d'accidents graves.
Un dosage inadapté aux personnes âgées
Et c'est sans compter la question du dosage de chaque traitement, souvent mal adapté à la physiologie de la personne âgée car le métabolisme change avec l'âge. Les essais cliniques sont réalisés sur des adultes, souvent bien-portants. Jamais sur des personnes âgées, dont la fonction rénale s'use et ne permet plus d'éliminer les médicaments correctement. Aucune étude n'est par ailleurs réalisée sur le problème spécifique des interactions médicamenteuses.
Un enjeu de santé publique
Selon la CPAM, 130 000 hospitalisations annuelles seraient dues à une polymédication, qui occasionne également 7500 décès, difficiles pourtant à répertorier, chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Chutes, accidents hémorragiques... On parlera plus aisément d'un arrêt cardiaque que de l'effet d'une sur médication.
60 à 80 % des réadmissions après un séjour à l'hôpital seraient aussi provoquées par des effets indésirables liés à la prise de médicament, révèle la Haute Autorité de Santé (HAS). Des accidents évitables si les ordonnances étaient régulièrement réévaluées et qu'une meilleure coordination était mise en place. Car l'étude révèle que 2,6 médecins en moyenne prescrivent. A noter que près de 50% des prescriptions analysées proviennent de trois médecins différents.
Des pistes d'amélioration
Grâce aux enseignements de cette étude, plusieurs pistes d'amélioration sont évoquées.
- Supprimer les médicaments dont le Service Médical Rendu est considéré comme faible. Plus de 65 % d'entre eux ont été prescrits et représentent pas moins de 4 millions d'euros.
- Améliorer la coordination des soins et renforcer le rôle du médecin traitant en lui proposant des outils concrets. Car le médecin traitant dit se sentir " seul et désemparé " face à ces problématiques. Il ne dispose pas d'outils détaillant ce problème et proposant des alternatives. Pourtant le " Blue Bottom " existe. Cet outil propose de télécharger pour chaque patient, l'intégralité des traitements délivrés. Cette technologie, complétée des données d'Ameli, n'est pas mise en place en France mais fonctionne parfaitement en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.
- Adopter la méthode STOPP qui invite chaque médecin, gériatre, à s'interroger sur le bénéfice risque de chaque médicament. Et la méthode Start, qui propose pour chaque patient de vérifier qu'il n'existe pas un médicament plus efficace.
- Réviser le renouvellement automatique en accompagnant l'analyse de bilans biologiques. Ces informations permettent aux médecins traitants de connaître précisément l'état de santé de leurs patients.
- Toujours se poser 5 questions :
- Pourquoi ce médicament a t-il été prescrit ? Cette prescription est-elle toujours valable ?
- Ce médicament se positionne t-il correctement en matière de bénéfice/risque ?
- Une alternative non médicamenteuse existe t-elle ?
- Le médicament est-il bien dosé pour ce patient ?
- La fonction rénale du patient a t-elle changé ?
Même si la polymédication est souvent justifiée chez les sujets âgés, les accidents liés à la prise de nombreux médicaments ne sont pas une fatalité. Un accompagnement personnalisé du médecin traitant semble être une piste à privilégier à condition de lui fournir des outils et une méthodologie pour accompagner les seniors dans cette prévention.