Le programme de recherche Aupalesens montre que la lutte contre la dénutrition des résidents en EHPAD nécessite une plus grande variété alimentaire et le retour du plaisir de manger. Explications de Claire Sulmont-Rossé, docteur en sciences de l'alimentation à l'INRA de Dijon.
« Augmenter le plaisir autour du repas »
Quel était l'objectif du programme Aupalesens ?
Les recommandations actuelles s'appuient sur l'aspect nutritionnel mais ne prennent pas en compte les leviers sensoriels pour prévenir la dénutrition chez la personne âgée. Une bonne alimentation consiste non seulement à satisfaire les besoins nutritionnels, mais aussi à augmenter l'attrait des repas en optimisant les propriétés sensorielles, le goût, l'arôme, la texture, des aliments. L'objectif d'Aupalesens était de pouvoir proposer à l'issue du projet des plats adaptés aux goûts spécifiques des personnes âgées. Le plaisir de manger reste le même quel que soit le niveau de dépendance de la personne âgée. En revanche, la satisfaction, c'est-à-dire l'appréciation des repas, baisse avec la perte d'autonomie.
Quelles sont les conclusions du projet Aupalesens ?
Une modification simple et peu coûteuse de l'environnement des repas en EHPAD peut suffire à augmenter le plaisir et/ou la prise alimentaire des résidents. il est démontré que les personnes âgées mangent mieux dès lors qu'elles sont associées à l'élaboration de leur repas. L'implication des résidents, par exemple à partir d'ateliers « peluche des légumes », est un des leviers efficaces pour redonner l'envie de manger. L'amélioration de la qualité gustative et de la variété entraine une augmentation des quantités consommées et de l'appréciation du repas. L'étude Aupalesens a mis en évidence que l'appétit revenait aux résidents d'un EHPAD lorsque ceux-ci pouvaient assaisonner leurs plats à l'aide de condiments (sel, poivre, aromates, herbes, rondelles de citron) mis à leur disposition sur la table. C'est un moyen pour eux de se réapproprier les repas. Par ailleurs, la présence de deux légumes plutôt qu'un seul dans l'assiette augmente la consommation de viande d'environ 32 %. En revanche, nous avons aussi constaté que lorsque les résidents se servent seuls, les « petits » mangeurs choisissent une portion identique à leur habitude tandis que les « gros » mangeurs sous-estiment les quantités prises habituellement et diminuent involontairement leurs apports.
La population des résidents est hétérogène. Comment répondre à la problématique de chacun ?
Ce point est en cours d'étude dans le cadre du projet RENESSENS. L'objectif est d'améliorer le rendement alimentaire des seniors dépendants, en développant des solutions permettant de « personnaliser » leur prise en charge.
Il s'agira de développer notamment, pour 2017, un outil de diagnostic permettant aux professionnels en EHPAD de déterminer le profil de mangeur d'un résident (petit mangeur, gros mangeur, mangeur difficile...). Cette typologie permettra aux professionnels d'adapter l'alimentation en fonction de chaque profil. Ces stratégies incluront des recommandations (conseils nutritionnels, plan alimentaire...) et des solutions (suggestions d'aliments, de techniques culinaires, de services...).