Alors que s'approche le 21 septembre, date de la Journée mondiale Alzheimer, Benoit Durand, Directeur délégué France Alzheimer, fait le point pour Géroscopie sur les attentes et besoins du secteur. Entretien.
« Beaucoup de signes indiquent que la lutte contre la maladie d'Alzheimer n'est plus une priorité de santé publique » s'indigne Benoit Durand.
La maladie d'Alzheimer continue de progresser en France. Quelles problématiques se posent aujourd'hui ?
On estime à 1,2 million le nombre de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ou maladies apparentées. Et ce chiffre devrait atteindre 2,3 millions d'ici 2050. Une augmentation liée certes au vieillissement de la population mais aussi à un accroissement des diagnostics de personnes malades jeunes (âgés de moins de 60 ans). Malheureusement, nous ne sommes pas préparés à les accueillir car il n'existe quasiment pas de structures adaptées. L'association France Alzheimer essaie d'innover et d'identifier des actions pertinentes mais c'est encore totalement insuffisant.
Quelles actions pouvez-vous mettre en place ?
Nous ne sommes pas censés gérer de structures mais il se trouve que nous pouvons en cogérer à travers des haltes-relais ou des plateformes de répit qui peuvent nous accorder des demi-journées par semaine pour accueillir des aidants et des personnes malades. Le proche aidant a ainsi la possibilité s'il le souhaite de réaliser un atelier conçu spécifiquement pour lui.
Que savent les Français des causes de la maladie ?
Ils pensent à 40 %, selon un récent sondage, que la maladie est héréditaire. Ce qui est loin d'être le cas en l'état actuel des connaissances. Cela révèle qu'il y a encore beaucoup de travail à réaliser pour informer et sensibiliser le grand public. Le caractère héréditaire de la maladie est aujourd'hui relevé dans 1 à 2 % des cas. La génétique en revanche existe. Un dépistage de la maladie peut être réalisé par des neurologues. On ne connait pas précisément les causes de la maladie d'Alzheimer mais les critères d'hygiène de vie restent fondamentaux en termes de prévention.
Une mission flash, menée par Sandrine Josso et Laure Lavalette, pointe une mauvaise connaissance des maladies neuro-dégénératives. Y a-t-il un déficit de formation ?
Oui absolument et depuis trop longtemps. Il faut impérativement communiquer davantage et informer le grand public. On voit des gens s'affoler parce qu'ils oublient leurs clés ou cherchent leurs lunettes. Ils ne sont pas forcément malades. Il peut juste s'agir d'inattentions ou d'un effet du vieillissement. Mais pour se rassurer et en prévention, ils peuvent prendre l'habitude de consulter un gériatre ou un neurologue.
Le réel problème porte sur la prévention du grand public qui n'est pas réalisée. Or ce n'est pas aux associations de la prendre en charge. Nous pouvons relayer les campagnes mais le Gouvernement doit engager une action, car il s'agit d'un vrai sujet de santé publique.
Vous vous sentez abandonné par le gouvernement ?
On ne perd pas espoir mais beaucoup de signes indiquent que la lutte contre la maladie d'Alzheimer n'est plus une priorité de santé publique. Les chiffres montrent que la maladie progresse vite, et qu'on commence à dégringoler dans la qualité de la prise en charge. Le plan Alzheimer 2008-2012 était remarquable, composé de mesures appropriées et financées. Le plan suivant, dit maladies neuro-dégénératives, intégrait d'autres pathologies dont la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques. Bien qu'il semble effectivement intéressant de mutualiser nos compétences, on s'est vite rendu compte que les accompagnements et spécificités différaient. Nous nous sommes retrouvés un peu noyés. Et ce d'autant qu'il y avait trois fois plus de mesures et deux fois moins de financement... L'évaluation s'est faite attendre, suivie de plusieurs feuilles de route qui sont restées lettres mortes... Nous avons aujourd'hui besoin d'un plan et de financements dédiés.
Un récent rapport Igas pointe la prise en charge insuffisante dans les Ehpad et recommande une transformation globale de tous les établissements. Comment faire au vu de l'augmentation programmée du nombre de personnes atteintes ?
C'est un vrai chantier. Nous n'avons eu de cesse pendant le confinement d'alerter sur la situation dans les Ehpad, où 80 % des résidents présentent des troubles cognitifs. On entend toujours parler des aînés, mais ce sont surtout des personnes, souffrant de troubles, qu'il faut accompagner correctement, en formant les aidants professionnels et en adaptant les structures.
Le besoin non couvert est réellement apparu à ce moment-là. L'enjeu réside dans l'adaptabilité des structures (ergonomie, emplacement, environnement...), la formation et l'accompagnement du personnel. Commençons par là. Laissons place ensuite à l'innovation, déployons les expérimentations en fonction des besoins des territoires. Et appliquons les propositions des rapports, dont celles du rapport Libault.
Qu'avez-vous prévu pour le 21 septembre, la journée mondiale ?
Nous avons voulu rebondir sur le succès de l'année dernière. Nous avions proposé à nos 101 délégations départementales de réaliser un événement festif et destigmatisant. Ils avaient la possibilité d'organiser des bals sur les places de village. Cela a très bien marché car le grand public a largement participé.
Pour bien montrer que France Alzheimer accompagne au quotidien personnes malades et proches aidants, nous avons choisi de surfer sur l'actualité des Jeux Olympiques. En complément des bals, nous allons proposer partout en France, des séances d'activité physique adaptée.
Au plan national, le RDV est fixé les 16 et 17 septembre, au Bois de Vincennes. Nous allons organiser pour la première fois deux courses. Une course de 5 km le samedi matin, une autre de 10 km, la MemoRun, marrainée par Marie-Josée Perec, le dimanche matin. Durant tout le week-end, au coeur d'un village dédié, des démonstrations et ateliers de yoga, danse, handiboxe, tennis, tennis de table seront proposés pour montrer les bienfaits du sport adaptés....
Enfin le 20 septembre, nous débattrons à la Maison de la Chimie à Paris, des questions de prévention primaire sur le thème « Sport et traumatismes : quelles conséquences sur le cerveau ? ».
Pour s'inscrire à la Mémo Run, c'est ici
Mini bio
Benoit Durand exerce depuis près de 25 ans dans le milieu associatif. Il a effectué un cursus universitaire « droit et gestion » avant d'exercer son premier métier dans le marketing au sein d'une entreprise de restauration collective. Il intègre ensuite le service contentieux d'un office HLM avant de diriger une association caritative de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Il est depuis plus de 9 ans, Directeur délégué de l'Union FRANCE ALZHEIMER et maladies apparentées, une structure qui fédère, anime, et coordonne 101 associations départementales afin de venir en aide aux familles et malades d'Alzheimer.