DG France, DRH, directeur médical... Les têtes dirigeantes du bateau Korian réunies pour montrer patte blanche.
« Ca va devenir compliqué de recruter. On avait déjà du mal avant mais là on va devenir inaudible », s'inquiète Nicolas Mérigot, Directeur général de Korian France
Éclaboussé par l'ouvrage de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, l'équipe Korian s'est livré à un exercice de transparence ce jeudi 17 février devant une poignée de journalistes réunis pour l'occasion. Après avoir insisté sur le « choc de confiance dans une activité qui relève de la douleur, de la maladie, de la fin de vie », qu'impliquent ces révélations, Nicolas Mérigot est revenu sur les différents sujets d'accusation.
Les ressources, financements et utilisation des fonds publics
Avec 288 EHPAD en France, le groupe Korian réalise en 2020 un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros. L'hébergement représente 734 millions d'euros, soit 86 euros par jour et par résident, financés par le résident lui-même. 12% des places sont toutefois habilitées à l'aide sociale. Mais Nicolas Mérigot précise qu'en France, seules 15% des personnes hébergées ne payent pas l'hébergement.
481 millions d'euros, soit 60 euros par résident et par jour, proviennent du soin et de la dépendance. 45 euros concernent la prise en charge du soin, financée par la sécurité sociale via les ARS, 15 euros au titre de la dépendance, par les conseils départementaux. Ces besoins sont évalués par les médecins, selon des grilles, Aggir et Pathos,
En fonction du département, le montant alloué à la prise en charge de la dépendance varie.
« Sur les 532 millions de dotations reçues par Korian chaque année, 455 millions d'euros financent le personnel (médecins, aides-soignants, auxiliaires médicaux, infirmiers..., soit 51 euros par jour et par résident), 42 millions d'euros permettent d'assurer les charges de structure (amortissements, surcoûts covid, charges Ségur...) et 37 millions d'euros (6%) sont affectés aux achats de dispositifs médicaux et de protections », détaille Nicolas Mérigot. Depuis 2017, et la loi ASV, les sommes allouées et les dépenses sont décorrelées ». C'est ainsi que Korian déclare un déficit moyen sur les sections soins de 2 millions d'euros par an. « Certains départements ont des excédents, d'autres des déficits comme en Ile de France notamment du fait de rémunérations supérieures (7 millions d'euros en Ile de France).
Les comptes ERRD sont déposés aux autorités de tutelle dans le cadre d'un dialogue de gestion. Ce qui précise qu'ils peuvent dès lors être rejetés par les Ars ou les départements. Dans le cadre des cpom, il est également possible de reporter excédents ou déficits d'une année sur l'autre et /ou d'affecter un excédent à d'autres dépenses, de matériel par exemple. »
Concernant les sections soins et dépendance, les choses sont très claires et les listes d'affectation précises. Une fonction support comme celle d'un directeur de la qualité accompagne les établissements dans la gestion de leurs événements indésirables. Pourtant ces sommes ne peuvent être affectées à la section soin et dépendance des établissements. Idem pour l'informatisation des dossiers, éléments indispensables des transmissions ou du suivi des médicaments. « Cela représente 21 millions d'euros de charges complémentaires qui ne sont pas comptés dans les sections soins et dépendance mais sont donc financés par l'hébergement », ajoute Nicolas Mérigot.
Concernant la gestion des fournisseurs, sujet sensible de l'enquête de Victor Castanet, Korian sélectionne et définit une liste de produits référencés selon des conditions tarifaires dans une centrale, qui n'est pas une centrale d'achat mais une centrale de référencement, et qui se charge de gérer la relation sur les flux physiques, entre les établissements.
Le référencement se fait par appels d'offres. Si l'aspect financier intervient dans ¼ de la note, Nicolas Mérigot est formel, les trois quarts de l'évaluation portent sur « l'engagement RSE de nos fournisseurs, le lien de partenariat possible, notamment sur les transferts de savoir-faire pour développer les compétences de nos personnels (bon geste, bon matériel, adéquation avec les besoins de la personne). » Mais le DG France confirme que « les appels d'offres permettent d'obtenir des prix plus intéressants (-20% par rapport aux prix publics), dont bénéficient les établissements sans reversement de commission au siège. »
Pas question de RFA donc mais de contrats de prestation de service, comme il l'a déjà affirmé dans le livre...
Les ressources humaines
Pour Nadège Piou, Directrice des ressources humaines, l'enjeu est aujourd'hui de lutter contre la pénurie de salariés et développer l'attractivité des métiers du grand âge.
Korian compte 18 000 personnes CDI et 5 258 en CDD, soit un taux de CDD de 22 % incluant les remplacements de congés payés, maladies, accidents du travail...
Les équipes dans les établissements ont un taux d'encadrement de 7 personnes pour 10 résidents, soit un ratio de 0,76 contre 0,66 tous secteurs confondus.
Alors qu'Orpéa est accusé de tenir les syndicats avec « Arc en ciel », Korian affiche une politique de transparence. « Nous n'avons pas de syndicat maison », indique Nadège Piou qui détaille la représentation syndicale des 4 grandes centrales (UNSA 31,88%, CFDT 25,26% ; CGT 26,83% FO 16,03%).
Et pour aller plus loin, l'énergique DRH déroule le plan d'action Korian dont l'ambition est de mener un dialogue social au plus près du terrain et de valoriser les métiers. Les diverses négociations ont déjà permis d'aboutir à un accord national d'intéressement collectif, annexé sur l'absentéisme, un accord travailleurs handicapés, et récemment un ambitieux accord santé sécurité au travail. « C'est un sujet important car 1 accident sur 2 est lié au port de charges lourdes. Nous avons ainsi pu généraliser l'installation de rails de transfert, et la formation sur sites. »
En ce qui concerne les salaires, Korian fait évoluer ses grilles au-delà des minimums de branche depuis 2019. « Aujourd'hui un AS diplômé ne commence pas à moins de 1925 euros (hors intéressement, participation et heures supplémentaires), ce qui toutes primes ajoutées lui permet d'atteindre le plus souvent un salaire de 2300 euros ».
Un gros effort de formation est également entrepris depuis plusieurs années. En 2018, pas mois de 1426 aides-soignants diplômés d'État ont été recrutés, 1544 formés en interne. En 2021, c'est 1013 recrutements enregistrés et 1718 personnes formées en interne.
« Aujourd'hui on a levé le volet de quota sur l'apprentissage et développé la VAE. Mais on continue d'embaucher des faisant-fonction, des personnels infirmiers en formation qui ne sont pas encore diplômés. On n'en trouve pas assez. C'est un vrai sujet ».
Concernant la question des CDI, Nadège Piou est formelle. « Les salariés en CDD refusent souvent les CDI car ils ont déjà des contrats ailleurs et font des vacations pour augmenter leurs ressources. Il faut donc former davantage sur nos métiers en tension ».
La relation, au coeur du fonctionnement
Didier Armaingaud, Directeur médical éthique et qualité du groupe Kroupe, depuis 28 ans (voir interview dans Geroscopie), a fait de la démarche éthique son cheval de bataille. « J'ai depuis toujours deux obsessions : le bien être du résident et des collaborateurs, et la confiance des familles. Ce livre est un choc de défiance. Or rien ne peut fonctionner si on ne travaille pas en confiance. Nous avons choisi de placer le directeur au coeur du dispositif. C'est un décideur, et non un simple exécutant. Il ne peut agir sans les familles qui sont les clefs du dispositif. Il faut tout faire pour permettre aux familles d'exister, de venir dans les structures. Ce sont leurs critiques qui nous permettent d'évoluer.
Nous avons également créé des dispositifs pour faciliter les déclarations de dysfonctionnements pour améliorer le système. Tous nos collaborateurs peuvent y accéder (nominativement ou non). C'est ainsi qu'en 2021, 35 signalements d'événements indésirables graves (EIG) ont été enregistrés. Tout signalement fait l'objet d'une enquête. 3 ont été requalifiés, 4 n'ont pas été corroborés à la suite d'une enquête interne, mais 28 sur les 35 ont été confirmés. Parmi ces 28 situations, 19 ont été considérées comme suffisamment graves pour être signalées au procureur de la République ».
Ce qui est sûr en revanche, c'est que les contrôles externes sont insuffisants. Korian a enregistré 13 visites ARS en France en 2018, 10 en 2019, 7 en 2020 et 7 en 2021. D'où la nécessité, selon Didier Armaingaud, de réaliser des audits internes, avec un objectif de 100% des établissements audités tous les deux ans. Des auto-évaluations annuelles sont également réalisées autour de trois sujets majeurs : le circuit du médicament, l'hygiène, les soins. Le tout avec une volonté de relancer une dynamique de certification Iso 9001
A date : 41 ehpad sont déjà certifiés en France ;
Le médiateur, un nouvel outil au service des familles
Dès la fin 2020, Korian a créé un service de médiation externe destiné à proposer une ultime étape avant le contentieux. Le stress généré par certaines situations est un élément susceptible d'accentuer les incompréhensions. Chaque partie a besoin de retrouver un espace de dialogue et un lieu d'écoute. En 2021, 33 demandes de médiation ont été traitées, issues de 26 maisons de retraite et 7 cliniques. Le délai moyen de traitement est de 42 jours, et 83% des demandes ont obtenu un accord favorable.
Une piste d'amélioration et une volonté de dialogue et de transparence, c'est certain.