Alors que la FHF est sur le point d'expérimenter son 1er Santexpolive, Frédéric Valletoux, son président, revient sur l'année écoulée et les nécessaires mutations à venir. Interview.
"Ce qui a changé certainement avec la crise, c'est le regard qu'on porte aujourd'hui sur ces structures qui accueillent un public particulièrement fragile".
Comment les Ehpad supportent-ils cette crise majeure ?
Il faut d'abord rappeler que nous ne sommes pas sortis de la 2ème vague et de nombreux EHPAD se battent actuellement contre le virus pour l'empêcher de rentrer dans les établissements. Comme l'hôpital, cela fait près d'un an que les EHPAD sont sous tension et fonctionnent en « mode dégradé » grâce à la mobilisation et l'engagement exceptionnel des soignants. Ce n'est pas nouveau pour ceux qui y exercent mais ce qui a changé certainement avec la crise c'est le regard qu'on porte aujourd'hui sur ces structures qui accueillent un public particulièrement fragile. C'est pour cela qu'il est indispensable de doter partout les EHPAD d'un socle minimum de ressources médicales et paramédicales, d'organiser l'accès à l'expertise gériatrique et, comme la FHF le réclame depuis des années, de renforcer significativement le taux d'encadrement de ces établissements. C'est un enjeu majeur pour améliorer les conditions de travail et l'accompagnement des résidents.
Comment anticiper une 3e vague en mars/avril ?
Il est d'abord nécessaire de maintenir partout un très haut niveau de vigilance dans l'application des mesures de protection et des gestes barrières. Il faut aussi poursuivre la coopération avec le secteur sanitaire, la mobilisation de tous les dispositifs d'appui hospitalier (astreintes téléphoniques gériatriques, équipes mobiles de gériatrie ou d'hygiène hospitalière). Il faut maintenir aussi tous les dispositifs de renforts en ressources humaines, car les professionnels sont épuisés et les ressources internes sont insuffisantes dans certains établissements. Enfin, il faut mettre en place la vaccination le plus efficacement possible en EHPAD.
Qu'attendez-vous de la campagne de vaccination qui démarre et dans quels délais ?
La FHF partage et soutient tout d'abord la priorité qui a été donnée aux résidents d'EHPAD, qui présentent la fragilité la plus élevée au virus et ont payé un très lourd tribut à la crise (près de la moitié des décès). S'agissant des EHPAD, la campagne de vaccination se met en place comme cela été prévu, après un temps de préparation indispensable, lié notamment à l'organisation des consultations prévaccinales et au recueil du consentement. L'enjeu est bien sûr d'aller le plus vite possible, en EHPAD et au-delà, et nous avons exprimé dès décembre l'objectif d'accélérer.
La filière gériatrique accompagne-t-elle les Ehpad de manière satisfaisante ?
Avec la médicalisation des structures, c'est aussi le niveau d'intégration des EHPAD dans les filières gériatriques qui a été un marqueur fort de leur capacité à anticiper, à faire face à la crise et à ne pas rester isolés. Pour les structures qui étaient déjà dans une logique de coopération territoriale et de partenariat, les principes de l'instruction ministérielle sur l'appui des dispositifs hospitaliers aux EHPAD dans la crise (astreinte gériatrique, recours EMG, HAD, filières d'admission directe...) étaient déjà mis en oeuvre ou ont pu être anticipés. Il faudra pérenniser et amplifier ces dispositifs. La FHF soutient depuis longtemps le développement des filières gériatriques qui doivent être généralisées sur l'ensemble du territoire. Au-delà du contexte de crise, la mise en place de ces filières et la généralisation des dispositifs comme les astreintes gériatriques ou la création de filières d'admission directe pour les personnes âgées au sein des hôpitaux, sans passage par les urgences, sont essentiels pour améliorer et fluidifier le parcours des personnes âgées, tant du point de vue des EHPAD que de l'hôpital.
Confirmez-vous un réel décloisonnement santé/médico-social du fait de la crise ?
Oui. D'une manière générale, la crise a été un accélérateur des coopérations entre le secteur MS et le secteur sanitaire : équipes mobiles de dépistage qui se sont déplacées dès le printemps dans les EHPAD, plateformes territoriales d'appui, mise en place de téléstaff depuis les centres hospitaliers et à destination des EHPAD...
Dans certains territoires il a fallu créer ces dispositifs. Dans d'autres où les filières gériatriques étaient déjà en place et bien structurées, il a été possible d'aller plus loin encore dans la collaboration entre les établissements, notamment sur les renforts en ressources humaines.
Que pensez-vous des mesures financières destinées aux professionnels ?
Ces mesures étaient d'abord nécessaires, tant pour l'attractivité que pour la reconnaissance de l'utilité sociale des métiers du soin et de l'accompagnement que la crise a encore révélé.
La revalorisation socle du Ségur est certes significative mais constitue dans les faits plutôt une mesure d'ajustement ou de rattrapage. Sur le secteur du grand âge, ces mesures salariales ne doivent pas masquer l'absolue nécessité de renforcer les effectifs.
La FHF regrette également le périmètre retenu au sein de la fonction publique hospitalière pour la création du « complément de traitement indiciaire » (les 183 €) qui ne bénéficie donc pas aux agents publics qui exercent en SSIAD ou dans le secteur du handicap. Cette différence de traitement entre agents de la FPH n'est pas justifiée et doit être corrigée rapidement.
Et des conclusions du Ségur ?
Le Ségur de la santé devait être un moment de vérité pour l'hôpital. Il ne l'a été que partiellement, c'est un rendez-vous en demi-teinte et on a reporté certaines réformes de fond. Le Ségur a apporté des réponses dans l'urgence, notamment sur la question des revalorisations salariales qui sont significatives (mais avec des oubliés !) et de l'investissement, mais il est temps désormais d'amorcer la refonte structurelle du système de santé, ainsi que nous la défendons dans notre « New Deal ».
Où en est la très attendue loi Grand âge ? On ne voit toujours rien arriver...
La FHF non plus ! Près de trois ans après la promesse présidentielle d'une réforme d'ampleur sur le sujet, nous manquons de visibilité sur les intentions réelles du gouvernement comme sur le calendrier. Cette réforme très attendue a pourtant été documentée par de nombreux rapports qui font consensus et proposent des pistes intéressantes dont beaucoup restent à mettre en oeuvre. Malgré la création de la branche autonomie, il reste notamment à préciser son financement à moyen et long terme et sa capacité à faire face dès aujourd'hui à des besoins dont la croissance est inéluctable et exponentielle. A ce jour, aucune piste de financement à hauteur du besoin, de l'ordre de 10 milliards d'euros, n'a encore été avancée et les concertations avec les fédérations du grand âge n'ont pas été organisées sur la base d'un projet de texte et de propositions claires. En tout état de cause, si projet de loi il doit y avoir, il devra répondre à certains impératifs :
- un plan pluriannuel de renforcement des effectifs, en établissement comme à domicile ;
- une réforme des autorisations qui permette une évolution du modèle des EHPAD, le développement d'une offre territoriale innovante (plateforme de services) et la structuration de l'offre médico-sociale publique ;
- une réduction du reste à charge pour les usagers avec la mise en place d'un « bouclier hébergement » permettant à l'ensemble des usagers de ne pas se voir durablement facturer un reste à charge supérieur à leur « reste à vivre ».
Vous êtes sur le point d'inaugurer une édition inédite de Santexpo en ligne. Quelles en sont les spécificités ?
Notre salon Santexpo devient « Santexpolive » pour respecter les contraintes sanitaires liées à la Covid-19. Nous avons souhaité maintenir ce rendez-vous en 100% digital, convaincus que dans cette période, l'écosystème santé a plus que jamais besoin de se réunir et d'échanger. L'évènement permettra à la fois d'assister à des conférences mais aussi à des séquences en direct pour un maximum d'interactions avec les intervenants. Des possibilités de networking seront aussi offertes pour retrouver l'esprit salon et la convivialité de ce rendez-vous annuel. Nous avons fait le choix de conserver le thème de l'« Attractivité » qui nous paraît plus que jamais d'actualité dans cette période où l'hôpital et le secteur du grand âge peinent à recruter à la hauteur des besoins.