Des mouvements de grève en début d'année à une concertation nationale « Grand âge et autonomie » au dernier trimestre, 2018 aura été l'année qui requestionne l'avenir des EHPAD et l'accompagnement des résidents. Mais au-delà de la problématique de la dépendance, 2018 aura été aussi l'année qui interpelle et interroge la société sur la place qu'elle entend donner aux personnes âgées en tant que citoyens.
Ces mots qui ont marqué l'année 2018
Mobilisation nationale
Si l'année 2017 a été marquée par une centaine de grèves dans les EHPAD dont la plus médiatique fut celle de 117 jours des aides-soignantes de la résidence "Les Opalines", située à Foucherans dans le Jura, 2018 aura été l'année d'une forte mobilisation nationale des personnels en EHPAD et des services à domicile, à l'appel de l'intersyndicale CGT, CFDT, FO, CFTC, UFAS, CFE-CGC, UNSA, SUD, soutenue par l'AD-PA et des associations de retraités. Selon le ministère de la santé, 31,8% des personnels des maisons de retraite se sont mobilisés, le 30 janvier, pour réclamer davantage de moyens. Une nouvelle journée nationale de grève a suivi le 15 mars. Au rang des revendications : l'abrogation de la réforme contestée de la tarification, "un financement pérenne et solidaire de l'aide à l'autonomie", un ratio d'un personnel pour un résident en établissement, une revalorisation des salaires et de meilleures conditions de travail pour les soignants. Ce mouvement a reçu un large soutien de l'opinion publique et des familles de résidents. Lancée par des soignants, la pétition « Pour la dignité des personnes âgées et le respect des soignants, nous exigeons des moyens pour les EHPAD ! » a recueilli, mi-décembre, près de 700 000 signatures.
Ghettoïsation
Dans un avis sur les enjeux éthiques du vieillissement rendu public le 16 mai, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) alerte sur la « ghettoïsation » des personnes âgées et invite à « penser l'EHPAD hors l'EHPAD par le biais de constructions nouvelles à usage d'habitation, l'encouragement au développement de l'habitat intergénérationnel, d'habitations autogérées par les personnes âgées elles-mêmes ». « Leur exclusion de fait de la société, ayant probablement trait à une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse, la fin de la vie et la mort, pose de véritables problèmes éthiques, notamment en termes de respect dû aux personnes », écrit le CCNE.
Neutralisation
Décidée sous le quinquennat précédent et mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2017, la réforme de la tarification des EHPAD a très vite présenté des effets secondaires indésirables. Dans son rapport, Pierre Ricordeau (IGAS), désigné médiateur par la ministre des Solidarités et de la Santé a indiqué que les effets de la réforme « n'avaient pas été anticipés » dans son volet dépendance, et qu'ils impactent négativement « une partie minoritaire mais significative des établissements ». « Après la réforme, 20 à 25 % des établissements se retrouvent avec une recette nette en baisse», précise-t-il. « La part de perdants est plus forte dans le secteur public ». Opposée à toute idée d'abrogation de la réforme, Agnès Buzyn, au regard des constats établis par Pierre Ricordeau, a décidé la mise en place d'une « mesure de neutralisation », pour 2018 et 2019, des effets de baisse des recettes au titre de la dépendance. Cette mesure a été intégrée dans la circulaire budgétaire 2018.
Société inclusive
En juillet, le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) adopte son chapitre prospectif 2018 : « Vers une société inclusive, ouverte à tous ». La présidente du conseil de la CNSA va plus loin en parlant de « logique domiciliaire ». Ces travaux seront poursuivis en 2019 et 2020 selon deux axes complémentaires : l'approche domiciliaire et les modalités de financement d'un système de protection sociale inclusif. Dans cette optique, le Conseil de la CNSA apportera sa contribution à la concertation Grand âge et autonomie, fin janvier-début février.
EHPAD bashing
Dans un reportage d'Envoyé Spécial, « Maisons de retraite : derrière la façade » diffusé, le 20 septembre, sur France 2 puis par l'émission Zone interdite, « Maisons de retraite, maintien à domicile : le scandale des personnes âgées maltraitées » diffusée le 6 octobre sur M6, le secteur des EHPAD privés commerciaux a été sérieusement mis en cause. Le Synerpa est monté au créneau pour dénoncer ce qu'il qualifie de « maltraitance médiatique caractérisée ». Suite à ces multiples coups de griffe à l'image des établissements, un collectif de médecins et de professionnels exerçant tant dans le secteur public, privé associatif que privé commercial a lancé, fin octobre, la pétition « Fiers de soigner en EHPAD »1.
Âgisme
Du 1er octobre, date de la Journée mondiale des personnes âgées, jusqu'au 10 décembre 2018, qui marquait le 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme, la plate-forme AGE Platform Europe a mené la campagne « Ageing Egal », « Égaux à tout âge », 70 jours contre l'âgisme, la discrimination par l'âge. La Ligue des droits de l'Homme (LDH) et) et l'AD-PA ont soutenu cette campagne. D'après un rapport de 2017 de l'ONU sur le vieillissement : « bien que la Déclaration universelle des droits de l'homme proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux, il est évident que la jouissance de ces droits diminue avec l'âge, dû à la perception négative que les personnes âgées sont, d'une certaine manière, moins productives et moins utiles à la société et représentent une charge pour l'économie et les nouvelles générations ». Des études scientifiques montrent par ailleurs que l'âgisme a des effets nocifs sur la santé des personnes âgées : celles ayant des attitudes négatives vis-à-vis du vieillissement pourraient vivre 7,5 années de moins que ceux ayant des attitudes positives. A l'occasion de ce 70ème anniversaire de la Déclaration des Droits de l'Homme, L'Espace éthique de la région Île-de-France lance l'initiative nationale « Droits de l'Homme, les EHPAD s'engagent ! ». Cette démarche a vocation à devenir un rendez-vous annuel autour des questions de droits des personnes vulnérables au sein des EHPAD. « L'EHPAD doit être reconnu comme une institution qui honore les valeurs de notre démocratie, au coeur de la cité et non à l'écart, voire à ses marges », considère Emmanuel Hirsch, Directeur de l'Espace éthique de la région Île-de-France.