Si votre sens de l'ordre et de la symétrie a souvent fait impression, vous savez aussi ce qu'il vous coûte au quotidien en vérification, répétition et comptage.
" Charité bien ordonnée "
Si on y ajoute ces envies impérieuses de dire des choses incongrues que vous canalisez et ces petits mouvements que vous contrôlez plus ou moins bien, comme vos clignements d'yeux incessants, cela fait un quotidien qui vous intrigue parfois.
Rassurez-vous la France est le pays idéal pour la libre expression des tics de toute nature allant du plus simple au plus complexe.
On doit à Jean-Marc Gaspard Itard, médecin né à Oraison-en-Provence en 1774, la première description séméiologique très aboutie de ce mal qui nous taraude plus ou moins. En l'occurrence on est ici dans le plus avec la jeune marquise de Dampierre qui à l'âge de 7 ans fait l'émerveillement de son thérapeute. Itard décrit en 1825 ses mouvements étranges et ses vocalises plus ou moins associées à des remarques obscènes. Mais il faudra encore attendre 60 ans pour voir un autre français reprendre cette description et la compléter pour devenir le maitre du genre.
Le petit Georges (Albert Édouard) Brutus Gilles de la Tourette pousse son premier cri le 30 octobre 1857 à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers dans la Vienne où coule paisiblement la Veude. Gilles est le premier enfant de Théodore de la Tourette un marchand issu d'une famille qui a déjà engendré de nombreux enseignants et médecins. A Châtellerault, le petit Gilles est un élève rebelle mais brillant et c'est dès l'âge de 16 ans qu'il débute à la Faculté de Poitiers ses études de médecine qu'il va achever avec la même virtuosité et personnalité affirmée.
L'école de la Salpêtrière
C'est en rejoignant un autre éminent neurologue à la Pitié-Salpêtrière, à savoir Jean-Martin Charcot, que Gilles de la Tourette va entamer la trajectoire qui le rendit célèbre. Adepte de l'hypnose pour étudier ses malades hystériques il va se spécialiser dans l'étude des comportements atypiques. En 1885, il publie dans les archives de neurologie son papier princeps intitulé : " Etude sur une affection motrice accompagnée d'écholalie et de coprolalie ".
Il ajoute au cas de la marquise celui non moins étonnant d'un danseur monomane capable de se hisser, chapeau sur la canne, sur la scène du Moulin Rouge et d'y aller et venir, de reprendre à sa place comme si de rien n'était à l'arrêt de la musique et de recommencer dès la première note suivante.
Si l'altération cérébrale fit sa fortune, elle causa aussi sa perte. En effet en ce matin du 6 décembre 1893 une femme de 36 ans habillée de noir nommée Rose Kemper fait le siège de son domicile. Quand il revient de ses consultations à Cochin elle le presse vers son domicile et lui réclame 50 francs pour les dommages de sa prise en charge selon elle ratée. Il lui propose en échange une nouvelle hospitalisation mais reçoit en retour une balle de révolver à la base du crane. Schizophrénie paranoïde sera le diagnostic médical pour Rose mais Gilles, lui, ne se remettra jamais de la blessure et mourra aliéné en 1904.
Et vous, êtes-vous bien maître de vos envies ?
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