Construire une politique « post-covid » du Grand Âge : d'abord la prévention
La crise sanitaire que nous avons traversée a mis en avant les fragilités de la société française, en particulier un centralisme bureaucratique particulièrement peu efficace et une difficulté à prévoir les menaces. Dans le secteur de la santé, les fragilités furent encore plus criantes : opposition délétère entre le secteur sanitaire et le médico-social, culture focalisée sur l'hôpital public, manque de moyens humains pour accompagner les personnes les plus fragiles, invisibilité des professionnels, des aînés, des aidants...
D'une certaine façon, la crise sanitaire s'est doublée d'une crise morale.
Reste que cet épisode dramatique, dont les effets sur la santé -physique, morale, psychique- de la population comme des professionnels, vont se faire sentir durant des années, peut aussi apparaître comme un « moment care », comme l'an I de la prise en conscience de la Séniorisation de la société et de l'importance de tenir compte de la parole des personnes concernées. La création, en plein confinement, des Etats Généraux de la séniorisation de la société, avec la docteur en psychologie Véronique Suissa et le chirurgien Philippe Denormandie, entraînant un collectif de 60 acteurs, élus, personnes engagées et/ou anonymes, fut l'expression de l'émergence d'une société civile désireuse de (re)trouver du pouvoir d'agir.
La « découverte » de l'importance du soin et du care, la visibilité des métiers de l'accompagnement (enseignement, santé...), la mise en route du « Ségur de la santé », l'annonce de la création d'une cinquième branche de protection sociale pour le risque grand âge, la relance d'un projet de Loi Grand Age, sont autant de signes qui peuvent laisser penser que, en dépit de la crise écologique, sociale, culturelle et économique, nous allons peut-être collectivement construire une politique « post-covid » du Grand Âge.
La prévention à 360
Cette politique du Grand âge, impose de penser d'abord en termes de prévention. La prévention concerne la santé, mais aussi et tout autant, l'habitat, la formation, l'alimentation, l'activité physique, le lien social, la préparation à la retraite... Une politique de prévention concerne l'ensemble des générations et doit intervenir à tous les âges de la vie, à travers le parcours scolaire, l'entreprise, la commune, le bailleur social...
La prévention c'est aussi favoriser le vivre à domicile, qui reste une demande sociale ultra majoritaire. Cela impose autant d'accompagner l'amélioration de l'habitat que de développer des solutions de logement souples et adaptées à des besoins qui évoluent, à des désirs différents selon les seniors. Mais le vivre à domicile implique des services à la personne accessibles financièrement comme en termes d'usages. La prévention c'est un tout !
Serge Guérin
Professeur à l'Inseec GE, Directeur scientifique du Pôle Santé, Inseec MSC&MBA Auteur Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et, en co-direction, Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019.