Le nouveau monde c'est maintenant... Le réveil de la pandémie dans nos sociétés modernes, hypertechnologistes et productivistes, marque le retour du tragique... et de la modestie.
Coronavirus et société du soin
Nous sommes dans une société qui veut toujours avoir raison, avoir raison tout de suite... Avec le coronavirus, les certitudes vacillent, l'anxiété augmente et ce qui hier apparaissait impossible devient possible et nécessaire.
Sur un plan de politique globale, le coronavirus remet en cause des fondamentaux idéologiques qui se voulaient immuables : on ferme les frontières à l'extérieur et à l'intérieur de l'Europe, ou encore, on sort de la règle sacro sainte des 3% de déficit budgétaire, on évoque la (re)nationalisation de certaines entreprises, une limitation des licenciements, le président reparle de l'État Providence, etc. Sans oublier l'abandon de la réforme des retraites qui était présentée comme une urgence absolue... Ce n'est pas rien ces retournements et cela laissera des traces pour ensuite.
Est-ce le retour du care ?
D'un seul coup, la question de la santé redevient une question de santé... Pas juste une question budgétaire... Le président Macron, dans ses allocutions, a insisté dès le début sur le « quoi qu'il en coûte » pour lutter contre le virus délétère. On découvre la nécessité d'un personnel soignant hyper impliqué et la nécessité vitale de disposer de forces humaines compétentes et en nombre. Sans doute que les Français et les professionnels du soin s'en souviendront lorsque la grande crise sera passée. Il s'agira aussi de penser une autre organisation moins administrative, des normes moins rigides, des équipements en santé mieux adaptés, des personnels de soin et d'accompagnement mieux soutenus et plus nombreux...
Pour revenir aux effets de long terme, l'exemple de ces assouplissements qui sans doute resteront, sous certaines conditions, comme par exemple la possibilité de se faire délivrer un médicament sur ordonnance en pharmacie sans repasser par le médecin à chaque fois.
Mais beaucoup plus largement, le changement concernera la question du care . La saturation des services de réanimation montre bien que le cure a besoin d'être soutenu - et reste un enjeu majeur d'une politique de santé publique. Pour autant, la (re)découverte du rôle majeur des professionnels du soin ou la prise en compte du nombre de personnes âgées fragilisées devant être protégées, marque le retour d'une culture du care. Une culture qui passe par des moyens nouveaux et- plus encore- une considération renforcée pour les métiers du soin et de l'accompagnement. Une considération, y compris pécuniaire, pour les activités et actions concernant la santé et le bien être des personnes.
Plus encore, l'incitation d'abord, l'obligation ensuite, d'attention à soi pour ne pas contaminer les autres, renvoie directement à cette éthique de la sollicitude, qui peut être une définition de l'esprit du care. Le care, c'est aussi la notion de « soin mutuel ». Être attentif à soi, c'est bien ce qui a été demandé à chacun pour combattre à son niveau la propagation du virus. D'une certaine manière, la pandémie en imposant la conscience de l'autre, recréé du commun, donne, au moins à une partie de la population, le sentiment d'un destin collectif. Et si la pandémie allait nous permettre d'inventer ensemble la société solidaire de l'attention bienveillante ?
Serge Guérin
Professeur à l'Inseec SBE directeur de MSc « Directeur des établissements de santé ». Auteur de Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-directeur de Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019