La crise de la Covid aura remis en valeur et en actualité les questionnements autour du care. Mais pour quelle politique de la longévité ?
Covid, care, virage domiciliaire : quand une transition en cache une autre (I)
La visibilité nouvelle des soignants, les questionnements sur la crise de l'hôpital, la situation des Ehpad, la pénurie aggravée des ressources humaines ont été tout en haut de l'agenda politico-médiatique. Le Ségur de la santé a voulu prendre en compte ces réalités. On peut discuter des masses financières et des allocations choisies, on peut surtout regretter le manque de vision globale et l'absence d'une politique de la longévité.
Une des pistes à interroger et à investiguer reste celle du care, en la situant aussi dans la perspective de la préservation de la planète et dans la réflexion sur l'évolution des besoins en compétence professionnelle autour de la santé au sens global, de la prévention et de l'attention à la qualité de vie.
Rappelons d'abord que le care ou l'éthique de la sollicitude renvoie à une approche du monde qui met en avant les liens et les interdépendances. Il s'agit d'une morale de l'attention. Emmanuel Levinas évoquait la « non-indifférence du prochain » pour exprimer les liens de proximité qui unissent les êtres humains. C'est le « nous sommes » de Camus. Cet essai se centre sur une société en mouvement qui ne fonctionne pas seulement sur la victimisation, l'individualisme communautaire, la recherche d'un intérêt égoïste, mais qui se mobilise, y compris dans les espaces marqués par la précarité, le regroupement des classes populaires et la fragilité économique, sociale, culturelle ou de santé. Mais son ressort provient de la conviction que la société est le produit d'un « processus d'institution symbolique d'un espace d'appartenance et d'un monde commun(1) ».
De l'individuel au collectif
Penser un monde commun revient à s'obliger à s'inscrire dans une logique de prise en soin des fragilités des personnes, de faire de la prévention un principe central. Les fragilités, la prévention sont des sujets individuels et collectifs. Ils prennent en compte les questions de santé mais aussi celles de l'environnement, de la lutte contre le réchauffement climatique... La santé de l'individu n'est pas indépendante de la santé de la Terre. Bien au contraire. Le réchauffement climatique, la montée des eaux, la multiplication des catastrophes environnementales sont autant de menaces - déjà bien réelles - qui pèsent sur les êtres humains, et d'abord les plus fragiles, les moins protégés et les plus pauvres. Sur ce plan, le logement est à l'intersection des enjeux : acteurs de la prévention et de la santé des habitants, acteurs de la lutte contre le réchauffement et la pollution au bénéfice de l'ensemble des habitants de la planète...
Le détour par une pensée du care relève d'une démarche qui prend au sérieux et comme réalité concrète et tangible nos interdépendances qui obligent, dans un même mouvement, au souci de soi et aux soins des autres. Nées de réflexions de féministes américaines, les théories du care ne sont pas une morale de femmes, mais une marque de l'attention, pour reprendre un terme de Simone Weil. Il s'agit de la recherche de l'articulation de la dimension éthique de la prise en compte de la fragilité, dans sa globalité, et de la dimension sociale et politique de la précarité, dans son entièreté. Si le care n'a pas été pensé comme une attention à l'écologie, on peut faire un lien entre les deux : une double attention à la personne et à son environnement car les interdépendances sont aussi celles entre l'être humaine et son milieu. C'est la notion de care environnemental qui se développe sur un plan théorique comme dans les expériences menées sur divers terrains, comme celui du logement social. Sur ce plan, la notion de « one health » qui entend, en particulier pour lutter contre les menaces virales, prendre en considération médecine, médecine vétérinaire, écologie et sciences humaines, pourrait être féconde.
À condition de partager une vision commune de la connaissance.