Alors que s'ouvre le débat citoyen sur la fin de vie, Agnès Firmin Le Bodo se voit chargée d'orchestrer les concertations avec les médecins, les soignants, les patients et les parlementaires. Pour Géroscopie, elle livre calendrier et méthodes.
« De plus en plus de Français s'interrogent sur la fin de vie. Les attentes qu'ils expriment requièrent pédagogie et engagement. »
Comment recevez-vous le nouvel avis du CCNE publié le 13 septembre dernier ?
L'avis du Comité consultatif national d'éthique a été remis au président de la République. Il livre des éléments précieux qui viennent à l'appui des travaux que je conduis en lien avec Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Comment installer un débat national et garantir une réflexion sereine sur un sujet aussi complexe ?
Différents temps de concertation citoyenne et de consultation des parties prenantes vont se déployer. Ils ont vocation à s'enrichir pour assurer une mobilisation large de nos concitoyens. Le but est de leur permettre de s'ouvrir et laisser librement parler leur coeur sur un sujet qui touche chacun d'entre nous.
La sensibilité de la communauté nationale à l'accompagnement des personnes en fin de vie a été brutalement ravivée dans le contexte de la crise sanitaire. La fin de vie concerne tous les Français. Les questions relatives à la mort sont encore largement tues mais de plus en plus de Français s'interrogent sur la fin de vie et, les attentes qu'ils expriment sur ces questions, qui touchent à l'intime, requièrent pédagogie et engagement. La fin de vie ne concerne pas que les personnes âgées mais est majoritairement associée à la vieillesse. Vous le savez, les personnes âgées de 75 ans et plus représentent près de 10 % de la population française (+ 11 % au cours de ces huit dernières années) et celles âgées de 90 ans et plus représentent 1,4 % de la population (+ 41 % au cours de ces 8 dernières années). Le vieillissement de la population française est un des éléments à prendre en compte dans le débat qui s'ouvre. Nous sommes tous concernés, à des degrés divers, soit directement soit en tant qu'enfants, aidants. Il est donc important d'aborder la question, notamment en informant mieux sur les éléments déjà prévus par la loi, qui ne sont pas suffisamment connus.
Mais avant tout, notre enjeu est d'avancer sur l'ensemble des questions posées, de manière bienveillante : en veillant au respect des positions de chacun, en assurant la tenue de débats apaisés, en coconstruisant avec l'ensemble des acteurs.
Le gouvernement souhaite trouver les conditions pour assurer la meilleure qualité de vie des personnes en fin de vie et de leurs proches aidants. Répondre à la souffrance, la soulager au maximum, est bien l'objet de la démarche palliative intégrée et précoce dans le parcours de soins des patients qu'il nous faut rendre accessible à tous, à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile, avec le souci permanent de la solidarité envers les plus vulnérables.
Quel est le calendrier envisagé ?
Les temps de concertation (citoyenne et de consultation des parties prenantes) vont se déployer. Ils ont vocation à s'enrichir pour assurer la mobilisation la plus large possible.
Je souhaite conduire des échanges très ouverts avec l'ensemble des acteurs et des experts ayant un intérêt à agir dans un calendrier coordonné avec celui de la convention citoyenne, d'ici la fin mars 2023.
C'est dans cet objectif que je viens d'engager une série de consultations avec les représentants de la société civile dans toutes ses composantes. Peuvent être ainsi évoqués, sans que cela soit exhaustif : les représentants des professionnels de santé, du social, du médico-social ; les représentants des associations d'usagers et d'aidants ; les chercheurs, philosophes, représentants des cultes, sociétés savantes, think tanks qui se sont exprimés sur ces questions ; des juristes, notaires...
Je souhaite également mener des échanges réguliers avec des représentants - députés et sénateurs - des différents groupes politiques présents à l'Assemblée nationale et au Sénat pour mener avec eux, de manière concertée et transpartisane, la réflexion et le suivi des travaux. C'est dans cet esprit que je viens de solliciter les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les présidents de chaque groupe parlementaire.
Nous aurons ensemble la responsabilité d'envisager tous les aspects, parmi lesquels : l'accès des résidents aux soins palliatifs, quel que soit leur lieu de résidence ; leur qualité de vie et celle des proches, des aidants ; le parcours de soins ; l'aide active à mourir ; la qualité de vie au travail des professionnels et la place des bénévoles dans l'accompagnement des personnes.
Au-delà du groupe parlementaire annoncé, je compte également m'appuyer sur un groupe de travail réunissant des professionnels de santé, mais je mènerai également une démarche auprès d'usagers et d'associations d'usagers.
Le CCNE ouvre la voie à une assistance au suicide pour des malades dont le pronostic vital est engagé à moyen terme, et?non plus à court terme. Qu'en?pensez-vous ?
Votre question confirme l'intérêt de disposer, dans le cadre du débat qui s'ouvre, d'une évaluation des effets de la loi Claeys-Leonetti afin d'apprécier justement les avancées déjà réalisées tout en disposant d'éléments objectifs quant aux freins et aux difficultés auxquelles il faudra répondre.
Il serait prématuré de répondre à votre question aujourd'hui, puisque c'est tout l'enjeu du débat qui s'ouvre. Prenons le temps d'échanger, de discuter et de débattre.
Comment continuer de développer les soins palliatifs en France, dans tous les services ?
Nous avons beaucoup avancé en France sur les questions relatives à la prise en charge de la douleur et à l'accompagnement à la fin de vie. Des travaux de grande ampleur ont été menés ces 20 dernières années, et l'offre en soins palliatifs continue de se développer sur le territoire français, notamment grâce au soutien des différents plans nationaux de développement des soins palliatifs et d'accompagnement de la fin de vie. Ainsi, près de 80 % des départements sont dotés d'Unité de soins palliatifs (USP). Tous les départements hormis Mayotte disposent de lits identifiés en soins palliatifs (LISP), et l'ensemble des départements d'équipe(s) mobile(s) de soins palliatifs (EMSP).
Tout dernièrement, la mise en place d'un 5e plan national de développement des soins palliatifs et de la fin de vie - doté de 170 millions d'euros dont 60 millions d'euros de mesures nouvelles - est venue rappeler l'attention du gouvernement à cet égard. Les soins palliatifs sont au centre de notre dispositif.
Il nous faut poursuivre et aller plus loin pour répondre aux inégalités territoriales qui demeurent. L'ensemble des départements dispose de ressources pour accompagner les patients en fin de vie, avec une offre en LISP souvent bien développée. L'ambition du 5e plan est d'aller plus loin en dotant l'ensemble des départements d'au moins une USP.
J'aurai l'occasion, dans le cadre du débat qui s'engage, d'évaluer les mesures qui pourraient s'avérer nécessaires pour compléter celles déjà prévues par le 5e plan.