Des robots dans notre vie quotidienne ? Des robots pour accompagner les seniors ? Quelle place le développement des savoirs et de l'intelligence artificielle va t-il occuper auprès des personnes très âgées ? Autant de questions soulevées lors du 6ème plateau de la Fondation Korian organisé jeudi 7 juin 2018 en présence d'experts remarquables.
Des Rob'objets pour les seniors ?
Si comme l'a justement souligné Sophie Boissard, présidente de la Fondation Korian pour le bien-vieillir, " la santé est en train d'entrer dans l'ère digitale, nous ignorons la manière dont les robots vont s'imposer dans le secteur médico-social. Peurs et fantasmes se mêlent encore aisément à l'image des fictions japonaises et loin des réalités concrètes de l'Ehpad. "
L'idée d'utiliser des robots pour pallier les déficiences humaines n'est pas nouvelle. Initiée auprès de personnes handicapées, elle s'impose progressivement dans le secteur du très grand âge. " Ce mouvement est inéluctable, indique Serge Guérin, président du Conseil scientifique de la Fondation. Il ne s'agit pas de se positionner pour ou contre les robots mais d'évaluer si ce progrès nous rapproche d'un idéal, améliore la qualité de vie des personnes âgées comme des salariés, et ce, bien au-delà de la performance technologique. "
De la performance à l'usage
Car c'est bien de cela dont il s'agit : l'adéquation des robots aux besoins réels des usagers.
Pour Frédérique Pain, directrice de l'innovation et de la recherche au sein de l'école Strate, école de design, " l'évolution des imaginaires autour de l'univers des robots a considérablement évolué en 5 ans. Notre ambition en tant que designers est de travailler à rendre le monde plus beau, plus simple, plus juste. Cela signifie d'abord donner du sens aux objets. Les robots par exemple peuvent devenir des médiateurs et sortir des dimensions simplistes que sont la santé ou la sécurité. Aujourd'hui il existe de nouveaux territoires d'intervention. "
Un robot pour créer du lien
C'est précisément ce qui ressort des diverses expérimentations menées en laboratoire ou dans les Ehpad volontaires. Le robot devient un outil de lien, avec le soignant ou la famille parfois en difficultés relationnelles notamment lorsqu'il y a des troubles cognitifs majeurs. L'expérience de Céline Gaffié psychomotricienne à l'Ehpad Korian Croix Périgourd (37) est doublement intéressante. Citons d'abord ce robot chat posé sur les genoux d'un résident de l'espace Aloïs. " Une femme n'arrivait plus à communiquer avec son mari. Le robot chat a calmé les troubles d'agitation et l'épouse a pu entamer une conversation autour de " l'animal ". Cet outil facilitateur permet d'installer des échanges de meilleure qualité. On remarque également que les soignants se positionnent différemment dans l'espace. Lorsque le résident est occupé avec le robot, les soignants se mettent en face de lui, sinon ils ont tendance à s'installer à côté. La qualité des interactions s'en trouve améliorée ". Au vu des évidents bénéfices, le robot chat va bientôt rejoindre le chariot flash de Korian.
Et améliorer la mobilité
Équipé du robot Kompaï, un robot d'aide à la marche, l'Ehpad Korian Croix Périgourd (37) a pu évaluer les réticences à l'intégration de nouvelles technologies dans l'établissement. " Après quelques instants d'hésitation, la curiosité a pris le pas auprès des résidents qui se sont rapidement lancés au bras de Kompaï. Ils n'ont bien sûr pas perçu l'aspect thérapeutique, mais nous étions persuadés qu'ils seraient technophobes. Or à notre grande surprise, ils se sont sentis très valorisés de marcher avec un robot ", explique Céline Gaffié. " Une dame nous a même demandé d'ajouter des cabas et des roues tout terrain pour qu'elles puissent aller faire ses courses. La projection est étonnante ". Les soignants, quant à eux, craignaient une déshumanisation des soins, soulevant de naturelles questions d'éthiques. Ils ont finalement réalisé que cet outil leur laissait plus de temps pour des relations de meilleure qualité. "
Des limites à ne pas franchir
Toutefois, le robot n'entre pas au pays des bisounours. Et les limites à ne pas franchir sont réelles. Le robot ne doit pas remplacer la capacité humaine, au risque de voir la perte d'autonomie s'accentuer. L'individu ne doit pas non pus avoir le sentiment d'être dupé. " C'est en cela que l'expérimentation est essentielle ", ajoute Frédérique Pain. " Aujourd'hui nous n'avons aucun référent. Il nous faut co-construire avec les usagers ".
Le travail en Ehpad est profondément humain. Intégrer le robot exige dès lors une démarche éthique implacable car les dérapages et intrusions dans la liberté individuelle sont aisés. Mais concevoir des robots demande du temps. " Nous ne sommes pas encore au point ", commente Rodolphe Gélin, concepteur de robots, responsable de l'innovation chez Softbank Robotics. " Une des limitations actuelles concerne la reconnaissance vocale et la place des micros sur les robots. Chaque détail doit être pensé, travaillé et adapté aux diverses situations d'utilisation. Cela laisse 4/5 ans avant les robots soient vraiment opérationnels ".
Un délai qui rassure Sophie Boissard, soucieuse d'intégrer cette démarche dans une réflexion globale et éthique préservant toujours la place et le libre arbitre du résident, de l'usager de manière générale.
Une voie d'avenir quoi qu'il en soit qui augure de belles avancées humaines et techniques.