" Difficile mais possible "
Si elle fut décrite pour la première fois quarante ans avant l'introduction des antibiotiques, la colite pseudomembraneuse reste une complication majeure associée à leur usage. Initialement attribuée à Staphylococcus aureus, après un cas fatal ayant suivi l'usage de streptomycine en 1948, on lui préféra dès 1960 l'étiologie Clostridium difficile. Appelé au départ, Bacillus difficilis, en raison de la difficulté à l'isoler, il devint trois ans plus tard le C. difficile que l'on connait désormais.
Un peu tombée dans l'oubli, car moins recherché en cas de diarrhée, cette bactérie anaérobie est revenue sur le devant de la scène grâce à son clone épidémique 027. Plus virulent, plus transmissible et plus pathogène avec ses deux toxines A et B cette souche de C. difficile a touché le continent Nord-Américain à partir de 2003. L'ampleur de l'épidémie au Québec conduit les autorités sanitaires à rendre obligatoire et public les taux mensuels d'infection dans chaque établissement ce qui contribua fortement à impliquer les acteurs dans la maitrise du phénomène. Identifié en 2005 en Europe du Nord, la France se préparait à affronter ce nouvel ennemi lorsqu'il débarqua de façon massive et impromptue dans le Nord Pas de Calais en mars 2006. En deux ans 515 cas issus de 41 établissements furent répertoriés. Cette première vague épidémique, touchant beaucoup de patients n'ayant pas pris récemment d'antibiotiques, mis en lumière l'importance de la transmission croisée de C. difficile, dimension jusque là très sous estimée. On apprit à gérer des unités de " cohorting " avec du personnel dédié et il en fallu pas moins de 14 dans 11 établissements pour mener le combat.
Les EHPAD ne furent pas épargnés et lorsqu'une aide soignante de nuit devait faire face seule à plusieurs résidents atteints et à la gestion parallèle des autres on comprit vite qu'il fallait changer de paradigme de prise en charge. Des moyens humains et matériels additionnels furent alloués à certains EHPAD pour gérer leurs cas en interne et on organisa aussi le transfert rapide vers un secteur de " cohorting " opérationnel. En septembre 2006 une circulaire fut diffusée aux établissements pour personnes âgées afin de préciser les principes de prévention dont le recours à l'ancestrale eau de javel. Son retour est lié à l'aptitude avancée de cette bactérie sporulée à survivre dans l'environnement avec une étude ayant identifié dans une chambre la même souche de C. difficile un an après la sortie du patient infecté. En ajoutant que l'on retrouvait la bactérie sur 59 % des mains des soignants venant de donner un soin à un patient infecté on mesure l'importance du port des gants et de l'hygiène des mains dans cette situation.
Si notre système de soins et d'hébergement a montré son aptitude à maitriser un tel phénomène infectieux, toute victoire n'est que temporaire car la bactérie est plus coriace que l'humain, avec un potentiel marqué pour la récidive.
Et-vous, avez-vous toujours le risque Clostridium en tête ?