Le gouvernement a tiré les leçons du huis clos strict imposé aux EHPAD au printemps dernier. Si la suspension des visites visait à ralentir la propagation de l'épidémie, le confinement doit s'adapter à la réalité des EHPAD, entre protection et liberté.
Du confinement en EHPAD au droit de visite des familles : entre protection et liberté
Le droit de visite en EHPAD : l'absence de mesure nationale contraignante
Le 11 mars 2020, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, annonçait la suspension des visites en EHPAD via les communiqués du CORRUSS (Centre Opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales appartenant au ministère de la santé[i]). L'arrêt des visites est donc le fruit de « recommandations » émises par le ministère et non d'un décret, comme cela a été la cas pour l'aménagement des libertés de déplacement[ii] des individus. Il n'a pas été pris pour les EHPAD de mesures contraignantes applicables sur tout le territoire.
La liberté d'aller et venir, protégée par la constitution[iii], ne peut se trouver limitée qu'en raison d'une menace réelle et circonstanciée pour l'ordre public. Il appartient alors au législateur d'assurer la conciliation entre la préservation de cette liberté et l'exercice des mesures de police sanitaire. Cela suppose que toute mesure contraignante restreignant les libertés de déplacement de la population soit nécessairement limitée dans le temps, proportionnée[iv], adaptée au public accueilli et soumise à contrôle du juge[v]. Pour les EHPAD, la mesure ne répondait à aucun de ces critères. Elle n'était juridiquement pas contraignante, et s'appliquait à toutes structures d'accueil pour personnes âgées dépendantes sans distinction, ni limitation dans le temps. Aujourd'hui encore, pour ce deuxième confinement, aucun décret limitant la liberté d'aller et venir des résidents ni l'encadrement des visites, pourtant protocolisées, n'a été publié.
Une atteinte à la liberté d'aller et venir du résident
Le confinement appliqué aux résidents d'EHPAD est une mesure collective qui entrave la liberté individuelle. Cette liberté d'aller et venir est ainsi limitée afin de protéger les résidents de contacts extérieurs défavorables[vi]. Pourtant, dans le cadre de la crise que nous traversons, il n'y a pas d'altération des facultés mentales ou d'autonomie insuffisante justifiant une restriction de la liberté individuelle. Cela signifie que l'on prend la décision à la place du résident, alors même que ce dernier n'a commis aucun agissement ou manquement de raison le mettant en danger. Si cette mesure semble pertinente et légitime au plan de la santé publique, elle questionne cependant sur l'effectivité des libertés individuelles des résidents en EHPAD, car elle est en contradiction avec la valorisation des droits des personnes vulnérables accueillies en établissement médico-social[vii].
Le maintien des visites en EHPAD : le nécessaire équilibre entre protection et lien social
Le premier confinement nous a appris que le risque d'isolement s'ajoute au risque épidémique[viii] et peut avoir des conséquences multiples pour les personnes âgées (perte de la mobilité, fort impact psychologique, dépression, dénutrition et syndrome de glissement etc.[ix]). Et les effets psychiques sont d'autant plus préoccupants pour les personnes présentant des troubles cognitifs. Il est donc essentiel de maintenir les liens affectifs des personnes vulnérables, et ce, même en situation de crise. Les visites protocolisées limitent les contacts avec l'extérieur, tout en préservant le lien social essentiel à la qualité de vie des résidents.
Anne-Sophie MOUTIER
Juriste Consultante Formatrice en droit de la santé et médicosocial