Cofondateur d'Alenvi, entreprise à mission intervenant dans l'aide à domicile, la formation et l'habitat partagé, Guillaume Desnoës plaide pour que le médico-social devienne le premier secteur à mission.
« Elle n'est pas un brevet de vertu mais un cadre de transformation »
Fournir une aide de qualité à des millions de personnes à un coût supportable, tout en créant un cadre de travail épanouissant pour des centaines de milliers de salariés, sera toujours une gageure. Comme le dit l'un de ses concepteurs, le professeur en sciences de gestion Armand Hatchuel, la société à mission est un moyen pour « favoriser une dynamique inventive » en vue de répondre aux problématiques du métier. Elle n'est pas un brevet de vertu mais bien un cadre de transformation permanente.
Utilisé avec rigueur et exigence, le cadre de la société à mission aidera les acteurs à imaginer des réponses aux grands défis du secteur.
Le défi de la qualité. La société veut à juste titre prendre soin des plus fragiles. Ses exigences dans le domaine et sa demande de transparence se renforcent.
Le défi du coût. Le choc démographique va entraîner une explosion des besoins, sans garantie sur des moyens additionnels suffisants du fait des contraintes qui pèsent sur les mécanismes de solidarité.
Le défi de l'innovation. C'est elle que l'on convoque quand il faut faire mieux avec moins. Les attentes sont par exemple fortes sur la création de nouveaux lieux de vie ou une utilisation vertueuse des technologies numériques.
Le défi de l'attractivité et de la professionnalisation. Le rapport El Khomri sur les métiers du grand âge a estimé à 260 000 le nombre de professionnels à former pour répondre au choc démographique.
Le défi de la gouvernance et des liens avec pouvoirs publics et collectivités. Le statut des établissements médico-sociaux (public, associatif, privé lucratif) est un sujet récurrent du débat politique.
Le défi environnemental. Le secteur de la santé et du médico-social représente 8 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (Shift Project), et n'est pas en avance sur la prise en compte de cet enjeu dans ses pratiques.
En devenant le premier secteur à mission, le secteur médico-social peut inventer une nouvelle manière d'innover collectivement, en lien avec les pouvoirs publics. Les structures auront nécessairement des objectifs de mission qui concernent les grands enjeux sectoriels. Si elles y mettent les moyens, et jouent le jeu de la collaboration avec leurs confrères et les pouvoirs publics, ce à quoi la gouvernance de mission devrait les inciter, elles pourront contribuer à transformer le secteur. À titre d'exemple, on peut citer la manière dont le collectif L'Humain d'abord fait changer les normes managériales du secteur de l'aide à domicile en s'inspirant de la méthode Buurtzorg, sans nouveau cahier des charges, par de la coconstruction entre opérateurs de terrain, tous statuts confondus, et collectivités locales. Un secteur médico-social à mission verrait se créer des think/do tanks de ce type, animés par des professionnels de terrain, dotés de moyens importants par les organisations du secteur, et en lien avec les fédérations professionnelles. Les pouvoirs publics, comme c'est souvent leur souhait, aideraient les solutions éprouvées sur le terrain à passer à l'échelle supérieure. Des initiatives existent déjà, mais l'adoption de la société à mission peut amplifier fortement les dynamiques sectorielles « bottom up », que tout le monde appelle de ses voeux.
Guillaume Desnoës
co-fondateur d'Alenvi, membre du bureau de la Communauté des entreprises à mission, coauteur de La société du lien (L'Aube, 2021)