Le stress est aujourd'hui encore omniprésent. Si la pandémie a particulièrement impacté les équipes soignantes, comprendre les phénomènes du stress est un enjeu pour les managers. Explications.
Faire de la gestion du stress une priorité managériale
Indispensable au fonctionnement de l'organisme, le stress permet de s'adapter à l'environnement, d'affronter les situations difficiles. Il représente pourtant 75 à 90 % des motifs de consultations en médecine et 60 à 80 % des accidents du travail. 28 % des travailleurs européens se disent touchés par le stress, soit 41 millions de personnes.
On observe ainsi un déséquilibre majeur de perception entre les contraintes imposées par l'environnement et les ressources disponibles pour y faire face.
Bien qu'étudié depuis de nombreuses années, le stress souffre pourtant d'un déficit de consensus , tant dans sa définition que dans ses tentatives de prises en charge.
Qu'en est-il spécifiquement des soignants ?
Ce public confronté chaque jour à la maladie et la souffrance présente un terreau propice au stress, majoré par des facteurs individuels : un besoin de reconnaissance, une conscience ou inconscience de ses propres limites, un altruisme caractéristique d'une identité professionnelle choisie par vocation mais qui présente des risques de collusion avec la sphère personnelle.
Comment gérer son stress ou celui de ses équipes ?
Il est important d'en comprendre le fonctionnement et l'intégralité des symptômes.
On distingue deux sortes de stress. Le stress aigu est un peu le « One shot » de notre organisme, qui réagit en immédiateté lorsqu'un événement survient. La perception du stress dépend des ressentis de chacun, de son expérience de vie, de sa personnalité et des facteurs protecteurs qu'il peut mobiliser. Le stress chronique, quant à lui, est plus modéré en terme d'intensité , mais plus durable dans le temps.
A ces fonctionnements de survie et d'adaptation, il faut ajouter la faculté de l'individu à imaginer des scenarii, bien souvent négatifs. C'est sa répétition qui déclenchera du stress aigu ou du stress chronique. Cette faculté de projection temporelle va créer des ruminations, des zones de stress sur des éléments irréels. En somme, l'intégralité des expériences demande une adaptation, génère des émotions susceptibles de stresser, parfois jusqu'à l'épuisement.
Le stress peut se manifester par des symptômes physiques (tensions musculaires, problèmes digestifs, troubles du sommeil ou de l'appétit, maux de tête, vertiges..), cognitifs (agitation, irritation, indécision, inquiétude, anxiété, tristesse..) et comportementaux (perception négative de la réalité, désorganisation, absentéisme, isolement, consommation excessive de médicaments, tabacs, écrans, drogues, évitement de situations...).
Comment gérer son stress au quotidien et au travail ?
Pour limiter le stress, il sera important de considérer l'intégralité des champs d'impact. Un être humain ne peut se limiter à ses comportements ou ses phénomènes physiologiques, il doit aussi tenir compte de son fonctionnement cognitif et de son environnement.
- le physique
Pour réduire les symptômes physiques (liés à une hyperexcitation du système sympathique), ce n'est pas, contrairement à ce qu'on pense, en restant calme qu'on s'apaisera. L'hyperexcitation est provoquée par une augmentation des hormones de stress, l'adrénaline et le cortisol. Pour se sentir mieux, il faut les évacuer et libérer une hormone de bien-être, l'endorphine, par la pratique de sports cardiaques comme la marche à pied, la course (bonne marche active), la natation, le vélo durant 40 minutes au minimum tous les deux à trois jours. L'endorphine peut également être secrétée par le chant, les activités manuelles. A cela s'ajoute une bonne hygiène de vie (boire un litre d'eau par jour, manger suffisamment à chaque repas , en évitant les produits transformés qui stressent l'organisme) et réaliser des exercices de respiration (inspirer 4 secondes par la bouche - marquer 1 seconde de pause - expirer 4 secondes par la bouche).
- Le cognitif
Les facteurs de stress cognitifs au travail sont aussi source de symptômes physiques. Ils sont divers : les tâches à accomplir ou leurs interruptions répétées, les interactions avec certaines personnalités, la gestion des conflits, l'intensité du travail, l'exigence émotionnelle, le manque d'autonomie, la souffrance éthique... Pour supporter ce stress, 3 grands axes sont à retenir : l'engagement, le sens que l'on donne aux événements et le contrôle posé sur les situations. Il faut pour cela développer ce que Albert Bandura nomme le "sentiment d'auto-efficacité personnelle ", grâce à une maîtrise personnelle des tâches à effectuer, la modélisation des comportements d'autrui et une lucidité face à ses états émotionnels et psychologiques. Il faut mettre des justes limites (vie pro/vie perso, demander de l'aide..) et s'atteler à résoudre les problèmes... Tout ceci devrait conduire à une diminution de la surcharge mentale. Et pour développer davantage son sentiment d'auto-efficacité , le partage d'expérience est fondamental par l'analyse de pratiques, les réunions à thème... et enfin se fixer des objectifs réalisables.
- le comportement
Le comportement est souvent impacté par des fortes zones de stress. Il se traduit par un désinvestissement, de l'absentéisme, un accident du travail, le turn-over des équipes, un écart de qualité de soins...
Il est difficile d'évoquer le stress sans aborder les risques psychosociaux de manière générale, comme le risque d'épuisement professionnel, car ils exposent l'individu à des situations environnementales de stress et nécessitent des prises en charges plus complètes. L'organisation doit elle-même s'interroger sur la place qu'elle occupe dans le stress des équipes. Les protocoles mis en place sont-ils cohérents ? Le travail prescrit (fiche de poste) est-il en adéquation avec le travail réel fourni par les équipes ? Le management exercé, libère-t-il la parole et se base-t-il sur l'empathie ? Y a-t-il équité de traitement ? soutien social ? Beaucoup de facteurs sont ainsi à interroger pour vérifier que l'espace de travail est suffisamment épanouissant.
Gwendoline Didier
Psychologue