L'heure est à la rigueur budgétaire pour le conseil départemental du Nord : 100 millions d'euros à économiser. Yolaine Doncker, directrice de l'EHPAD Cloostermeulen à Steenvoorde a appris, comme ses collègues du département du Nord, la décision du conseil départemental du Nord de diminuer leur budget « hébergement » de 3 %. Une pilule difficile à avaler.
« Faut-il que les EHPAD redeviennent des hospices ? »
L'année 2016 devait bien commencer pour les 90 résidents et le personnel de l'EHPAD Cloostermeulen à Steenvoorde (Nord) avec un déménagement, en janvier, dans des locaux ultramodernes, passant de 2 000 à 5 000 m2. Deux ans et demi de travaux, réalisés pour près de 11 millions d'euros, dont une subvention du Département de 2,5 millions. Mais qui dit résidence flambant neuve, dit remboursement d'emprunt. 6 millions d'euros pour l'EHPAD Cloostermeulen... dans un contexte de baisse des dotations allouées par le conseil départemental de - 3%.
«Nous allons devant des contraintes budgétaires énormes pour un nouvel établissement avec de nouvelles charges. Nous avons trois ascenseurs au lieu de deux à entretenir, le coût de la détection incendie a triplé, le coût de la maintenance est plus élevée, les charges d'assurance. On ne nous donne pas les moyens de rembourser les nouvelles créances de remboursement d'emprunt », égrène la directrice avec inquiétude. Et d'ajouter « Quels choix avons-nous à l'horizon avec un budget au rabais ? Supprimer des postes ? Baisser la qualité ? Une baisse de 3 % correspondant à deux postes. Ce qui signifie qu'on ne pourra pas remplacer facilement les absences pour maladie, maternité et accident du travail. En cas d'absence, devra-t-on ne plus nettoyer les chambres des résidents ?"
Faire plus avec moins
« Les directeurs d'EHPAD ont toujours fait avec peu de moyens. Les établissements ont connu une augmentation des moyens grâce à la médicalisation mais on venait de très bas. Cet effort fait sur la qualité de l'accompagnement des personnes âgées risque d'être réduit à néant. Les responsables politiques souhaitent-ils que les EHPAD redeviennent des hospices ? On ne peut pas faire plus avec moins. Il y aura des seuils sous lesquels on ne pourra pas descendre à moins de déficits budgétaires ! », alerte Yolaine Doncker.
Dans ce contexte tendu, le conseil départemental du Nord plaide en faveur de la mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) ou la mutualisation du personnel entre EHPAD pour identifier les économies possibles. Autre suggestion pour les établissements : demander une « déshabilitation » partielle de l'aide sociale.
«Que va-t-on faire des résidents qui disposent de 700 euros de retraite. Leur dire d'aller trouver une place ailleurs ? En tant que service public, on se doit d'accueillir toute personne âgée, quelles que soient ses ressources !», insiste Yolaine Doncker. Du haut de ses 30 ans d'expérience dans le secteur, la directrice ne cache pas son vif agacement d'avoir entendu un responsable du Conseil départemental déclarer, pour couronner le tout, que « les EHPAD devaient sortir de la bulle dans laquelle ils étaient confortablement installés ».