Il est tout frais tout beau, sorti pendant que vous étiez peut-être les pieds en éventails au soleil, l'arrêté du 1er août 2018 paru au JORF n°0183 du 10 août 2018 portant approbation de l'avenant n°6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie. Dit comme ça, c'est un peu lourd, mais concrètement, c'est ce qui officialise la fin des expérimentations de financement des actes de téléconsultation et de télé-expertise et le basculement de la prise en charge dans un financement de droit commun. Zoom sur les éléments relatifs à la télémédecine : Qui ? Quoi ? Comment ? Combien ?
Généralisation de la télémédecine : détails de la mise en place et modalités de remboursement
Qui ?
Après de nombreux débats, l'avenant n° 6 est signé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et la Fédération française des médecins généralistes (MG), le syndicat « Le BLOC », la Fédération des médecins de France (FMF), le Syndicat des médecins libéraux (SML) et la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
La téléconsultation sera ouverte à l'ensemble des patients au 15 septembre 2018.
Quoi ?
Est-il bien nécessaire de rappeler que le déploiement de la télémédecine constitue un enjeu clé pour l'amélioration de l'organisation du système de santé et l'accès aux soins pour tous sur le territoire ?
Oui, et c'est ce que fait le préambule de cet Arrêté. Le recours aux actes de télémédecine devrait :
- Faciliter l'accès aux soins
- Prévenir certaines hospitalisations et ré-hospitalisations
- Diminuer le recours aux urgences
- Favoriser le partage d'informations et d'avis entre les professionnels de santé (Téléexpertise)
C'est bien sur ces axes que tous ces acteurs travaillent désormais de concert, dans le cadre du parcours de soins coordonné.
Comment ?
Comme indiqué ci-dessus, la téléconsultation est ouverte à l'ensemble des patients au 15/09/18.
Concernant la téléexpertise, le calendrier de déploiement à l'ensemble des patients sera défini avant la fin de l'année 2020.
Afin de favoriser l'accès aux soins des patients à des soins spécialisés aux tarifs opposables et réduire le reste à charge, les partenaires conventionnels poursuivent la mise en oeuvre de la classification commune des actes médicaux (CCAM) en ajustant de façon progressive les honoraires de certains actes compte tenu de l'évolution des techniques.
Enfin, quelques modifications techniques tenant compte notamment d'un certain nombre d'évolutions législatives et réglementaires sont également réalisées.
Ces modifications portent notamment sur le dispositif de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP).
Conditions de remboursement
Afin de prétendre au remboursement d'un acte de télémédecine, l'arrêté détaille plusieurs conditions à respecter pour les patients et médecins :
- Patient orienté initialement par le médecin traitant (la téléconsultation n'est pas réalisée avec ce dernier)
- La téléconsultation n'est pas réalisé par le médecin traitant. Il oriente son patient vers cette solution.
- Patient connu du médecin téléconsultant, c'est-à-dire ayant bénéficié au moins d'une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents
Il y a cependant des exceptions au parcours de soins qui s'appliquent aux téléconsultations :
- Patients âgés de moins de 16 ans ;
- Accès direct spécifique pour certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie)
- Le patient ne dispose pas de médecin traitant désigné
- Patient dont le médecin traitant n'est pas disponible dans le délai compatible avec son état de santé
Dans ces deux dernières situations, le médecin téléconsultant de premier recours n'a pas nécessairement à être connu du patient.
Le patient doit être informé des conditions de réalisation de la téléconsultation et, après avoir reçu ces informations, avoir donné son consentement préalablement à la réalisation de l'acte.
Conditions de réalisation
La téléconsultation est obligatoirement réalisée par vidéotransmission, et dans des conditions :
- D'équipement,
- D'accompagnement
- D'organisation
Adaptées aux situations cliniques des patients permettant de garantir la réalisation d'une consultation de qualité.
Elle doit également être réalisée en respectant :
- La confidentialité des échanges entre le patient et le médecin consultant (lieu adapté) ;
- La sécurisation des données transmises (confidentialité, protection des données personnelles, etc.)
- Traçabilité de la facturation des actes réalisés, dans les conditions respectueuses des référentiels de sécurité et d'interopérabilité concernant la transmission et les échanges de données.
Compte-rendu de la téléconsultation
Le compte rendu de téléconsultation est :
- Obligatoire
- Établi par le médecin téléconsultant
- Transmis au médecin traitant et au médecin ayant sollicité l'acte.
Lorsque le médecin assurant la téléconsultation n'est pas le médecin traitant du patient, il doit transmettre ce compte rendu dans le dossier médical partagé (DMP) du patient lorsqu'il est ouvert.
Combien ?
Rémunération du médecin téléconsultant
Les actes de téléconsultation sont valorisés dans les mêmes conditions que les consultations dites "en présentiel". Les majorations associées à ces consultations s'appliquent dans les mêmes conditions y compris pour la majoration pour le suivi des personnes âgées (MPA).
Rémunération du médecin associé à la téléconsultation
Dans le cas où un médecin assiste le patient au moment de la réalisation de la téléconsultation auprès d'un confrère / consoeur, ce médecin peut facturer une consultation dans les conditions habituelles, parallèlement à la facturation de la téléconsultation par le médecin téléconsultant.
Modalités de facturation de l'acte de téléconsultation
Dans le cadre des téléconsultations, le patient étant en principe connu du médecin téléconsultant, les données administratives nécessaires à la facturation sont enregistrées dans le logiciel du médecin.
Si ce n'est pas le cas ? Lorsque le médecin téléconsultant ne connaît pas le patient, les données administratives du patient sont transmises par le médecin traitant au médecin associé à la téléconsultation.
En l'absence du patient au moment de la facturation de l'acte par le médecin téléconsultant, une alternative technique devant être implémentée par les éditeurs logiciels (web service ADRi) sera réalisé, afin de récupérer les données de droits actualisées du patient et ainsi de fiabiliser la facturation.
Le médecin téléconsultant doit mentionner, le cas échéant, dans la feuille de soins, le numéro d'identification du professionnel de santé éventuellement présent auprès du patient.
En l'absence de possibilité de lire la carte vitale du patient, la facturation peut être réalisée en mode SESAM "dégradé" sans vitale.
Dans ce cadre particulier, le médecin est exonéré de l'envoi des pièces justificatives papier, parallèlement au flux électronique.
Un groupe de travail associant l'UNCAM, l'UNOCAM et les syndicats signataires de la convention se réuniront, avant le 15 septembre 2018, afin de préciser les modalités de facturation et de remboursement des actes de téléconsultation.
Financement des équipements
Une aide forfaitaire a été négociée pour aider les professionnels à se doter des équipements nécessaires pour pratiquer la télémédecine (appareils connectés, abonnement à un service de téléconsultation sécurisé, etc.).
Elle passe par l'ajout au "Forfait structure" de deux indicateurs, valorisés jusqu'à 525 euros.
Le forfait structure, introduit dans la convention médicale d'août 2016, a succédé au volet de rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) consacré à l'organisation du cabinet, issu de la convention de 2011.
L'article 20 de la convention nationale, intitulé « La mise en place d'un forfait structure » indique :
« Ce forfait structure est basé sur un total de 250 points pour l'année 2017, 460 points pour l'année 2018 et 735 points pour l'année 2019. La valeur du point est fixée à 7 euros. ».
L'investissement financier global pour la prise en charge de la télémédecine est de 40 millions d'euros et permettra principalement de valoriser les actes de téléexpertise.
"Les actes de téléconsultation, venant se substituer aux consultations de visu, seront sans incidence économique", a assuré la Cnam.
Et la gouvernance dans tout ça ?
Le texte exclut la prise en charge des actes via des plateformes commerciales, qui proposent une autre façon de pratiquer la médecine, fondée sur des prises en charge ponctuelles sans notion de suivi global et d'orientation dans le système de soins.
La prise en charge de la télémédecine va progressivement s'étendre à d'autres catégories de professionnels de santé (infirmiers, pharmaciens, paramédicaux, etc.).
C'est un petit pas pour la e-santé mais un grand pas pour le territoire Français...
Cependant, nous pouvons ici constater ce qui fait souvent défaut dans notre système de (e-)santé : le manque de gouvernance nationale sur les obligations logicielles (de bon sens).
Les éditeurs logiciels ont, pour certains, de nombreuses heures de travail à mettre en oeuvre.
Pour respecter les prérequis définis par cet arrêté, certes, mais surtout pour rendre les logiciels, simples, performants et surtout faciles à déployer...
Logiciels simples, performants et surtout faciles à déployer : à quand un référentiel avec certification ?
A quand un référentiel national sur ces sujets avec certification à la clé ?
Sans référentiels ou obligations à ce niveau, nous allons voir fleurir de nombreux logiciels avec leurs propres technologies et spécificités, imposant la mise en place d'innombrables interfaces à maintenir...