Entretien avec Olivier Toma, porte-parole du Comité pour le développement durable en santé (C2DS) et fondateur de l'agence Primum non nocere.
« Identifier des solutions communes à l'échelle d'un territoire »
Une meilleure gestion des déchets en Ehpad répond-elle à des enjeux économiques ou écologiques ?
Au-delà de la protection de la planète dont tout le monde a aujourd'hui conscience, j'aimerais insister sur les impacts financiers, directs et indirects, de cette gestion et rappeler que la mesure des déchets est avant tout un indicateur de gaspillage. Prenons l'exemple des biodéchets : la moyenne par repas en Ehpad est de 200 grammes. Certains établissements affichent 60 grammes, d'autres 350. Être dans la moyenne signifie avoir des marges de manoeuvre, se situer dans la fourchette haute oblige à réaliser des économies et se positionner dans la fourchette basse ne peut qu'inciter les directions de ces structures à partager leurs bonnes pratiques. Aujourd'hui nous constatons que les établissements les plus vertueux sont ceux qui ont adapté leurs menus à leurs résidents, à leurs goûts, voire même à leurs pathologies. D'où l'importance de réfléchir en amont en termes d'achats et de qualité de la prestation. Des obligations réglementaires sur la tenue d'un registre des déchets ou encore le recours à des filières obligatoires existent, mais mesurer, c'est avant tout aider à identifier d'éventuels gaspillages. J'ai conscience qu'il est difficile de trier et de peser ses poubelles. Je conseille donc d'y consacrer une semaine par an en distinguant plastique, métal, bois, carton, biodéchets, changes...
Qu'en est-il ensuite du coût du traitement de ces déchets ?
Là encore, c'est leur mesure qui permettra d'identifier la bonne filière au meilleur prix. Dans certaines régions, comme en PACA, le traitement des Dasri a pu être négocié grâce à l'intégration dans un même marché des secteurs public et privé. La démarche de mutualisation des établissements leur a permis d'atteindre le tarif du traitement à la tonne le plus bas de France. Prenons un autre exemple : pourquoi les Ehpad d'une région ne se regrouperaient-ils pas avec des maternités et des crèches pour négocier le traitement des changes usagés ? Car seul le volume des déchets à traiter permet d'ouvrir la discussion sur les prix. N'oublions pas par ailleurs qu'à partir de 2023, le coût du traitement des ordures ménagères va être multiplié par trois ou par quatre dans toutes les agglomérations en application de la réglementation. D'où l'intérêt d'agir et d'identifier des solutions communes à l'échelle d'un territoire. Dans certaines villes, la mutualisation des déchets de couches a aussi permis de mettre en place des filières de transformation en combustibles, ce qui est préférable à une destruction pure et simple. Sans compter que cette démarche présente un autre atout majeur qui est celui d'encourager la création de filières locales de revalorisation, et donc d'emplois non délocalisables.
Quels conseils donner aux directeurs d'Ehpad ? Existe-t-il des guides méthodologiques sur le sujet ?
Les directeurs doivent prendre conscience que les déchets - indicateur important de l'activité - sont des « matières résiduelles » dans le sens où elles peuvent donner vie à d'autres matières. Aujourd'hui, des mobiliers de jardins sont fabriqués à partir de mégots de cigarette ou encore de masques jetables à usage unique. Ensuite, il est important de faire preuve de pédagogie. Demander à des cuisiniers de trier des déchets sans prendre le temps de leur expliquer les enjeux sera vécu comme une source d'embarras supplémentaire. Et ce message est souvent mieux compris et accepté lorsqu'il est porté par un expert.