Directeur de la Fondation Recherche Alzheimer, Jean-Luc Angélis pose un regard enthousiaste et confiant sur les avancées de la recherche en France et en Europe. Entretien.
« Il est possible de se dire aujourd'hui que la recherche sur la maladie d'Alzheimer est entrée dans un cercle vertueux. »
Quelles sont les missions de votre fondation ? Ses moyens d'action ?
Les missions de la Fondation Recherche Alzheimer consistent à promouvoir les projets de recherche centrés sur la maladie d'Alzheimer mais également sur d'autres maladies, dites « apparentées », que nous préférons nommer chacune par leur nom car ce sont des maladies à part entière (maladie à corps de Lewy par exemple). Nous soutenons des projets de recherche clinique, pré-clinique, génétique, épidémiologique, et couvrons aujourd'hui l'ensemble des champs d'investigation. Nos moyens d'action sont d'abord la mobilisation de fonds pour doter les meilleures équipes de recherche, comme les centres d'excellence, des moyens nécessaires au financement de leurs projets. Nous finançons aussi régulièrement du matériel de pointe pour accompagner le développement des centres de recherche. Par exemple, nous avons permis l'acquisition du premier PET-IRM de France.
Il y a beaucoup d'acteurs sur ce secteur. Qu'est-ce qui vous distingue ? Travaillez-vous ensemble ?
L'histoire des associations liées à la maladie d'Alzheimer est riche d'une grande diversité. Notre spécificité est d'être né au plus près des équipes de recherche, à la Pitié-Salpêtrière, et d'avoir dès nos origines bénéficié des avis éclairés d'un conseil scientifique européen (pas un seul chercheur français n'y est présent) afin d'éviter tout conflit d'intérêt et de cultiver notre action en synergie avec la richesse de la recherche au sein de l'Europe géographique : la Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie, le Royaume-Uni et la Confédération helvétique... En France, nous finançons des équipes de pointe à travers des budgets conséquents et pluriannuels. Ainsi, nous sommes sûrs d'accompagner les grandes découvertes de demain. Exigence, ambition, excellence sont des valeurs auxquelles nos chercheurs et notre fondation adhèrent pleinement. Le secteur concentré sur Alzheimer se retrouve surtout en portant ou complétant le financement de projets. Premier financeur privé en montants investis chaque année dans la recherche sur Alzheimer, nous nous distinguons cependant par le volume de nos investissements.
Où en est la recherche contre la maladie d'Alzheimer aujourd'hui ?
Depuis une vingtaine d'années, les équipes ont réalisé de belles découvertes : en génétique (76 gènes de la maladie d'Alzheimer), dans le domaine des biomarqueurs (17 biomarqueurs identifiés), en imagerie (modélisation de l'évolution de la maladie dans le cerveau), etc. Grâce aux progrès réalisés sur les marqueurs biologiques de la maladie, on a pu tester de nouveaux traitements sur des patients dépistés tôt et dont on était certains qu'ils avaient une maladie d'Alzheimer : c'est ce qui a permis l'arrivée des premiers traitements et la validation de la « piste amyloïde ». Mais il est clair que ce n'est encore qu'une réponse partielle. Il faut garder à l'esprit que la recherche n'avance que lentement. Elle est comme la résolution d'un puzzle dont on n'aurait pas l'image : celle-ci se dessine peu à peu par toutes petites touches qui prennent sens en se rejoignant. Il faut donc conserver un esprit ouvert et ne négliger aucune piste. Il n'y aura peut-être pas de solution magique mais, comme pour le cancer, des progrès thérapeutiques passant par des approches multiples, plus individualisées, un repérage plus précoce et des actions préventives apporteront des réponses.
Quels types de projets financez-vous ?
Le cerveau est l'organe le plus complexe du corps humain. Nous couvrons l'intégralité des champs de la recherche aujourd'hui. Par ailleurs, par un financement soutenu de la filière des chercheurs à travers des bourses doctorales et post-doctorales, nous tenons à renforcer l'émergence des chercheurs de demain. Nous accordons aussi des financements d'années d'études à l'étranger (États-Unis, Canada, Europe) afin d'accompagner les futurs leaders de la recherche dans leur carrière. Enfin, nous continuons à informer le grand public à travers un cycle de conférences nationales unique en France sur la maladie d'Alzheimer et les autres pathologies neuro-évolutives.
Y a-t-il un espoir, des pistes de vaccins ? Ou de traitements ?
Les premiers traitements apparaissent, notamment avec le lécanémab (Leqembi®) et le donanemab. Leur autorisation de mise en vente sur le marché européen ne devrait plus tarder. Des essais thérapeutiques avec d'autres approches sont en cours. Ces traitements permettent d'observer non seulement la réduction de la plaque amyloïde mais aussi, pour la première fois, un ralentissement de la progression des signes cliniques de la maladie. Ce premier pas est très encourageant et pour la première fois dans l'histoire de cette maladie, l'espoir est là. Cependant, nous sommes loin d'avoir décrypté et résolu tous les mécanismes complexes de la maladie.
Pour autant, la recherche devrait désormais progresser plus vite. Quand apparaissent les premiers traitements, des hypothèses sont confirmées et de nouvelles découvertes en découlent. Il est possible de se dire aujourd'hui que la recherche sur la maladie d'Alzheimer est entrée dans un cercle vertueux.
C'est bientôt la journée mondiale. Comment vous positionnez-vous pour faire connaître votre action ou collecter des fonds ?
L'ensemble du secteur de la recherche, et pas seulement les associations concentrées sur la maladie d'Alzheimer, communique énormément sur la maladie d'Alzheimer le 21 septembre (Journée internationale). Dans ce concert, chacun va promouvoir les projets qu'il porte afin de collecter davantage de moyens pour la recherche. Plusieurs campagnes de communication se déroulent pour sensibiliser les Français à cette maladie qui touche 1,2 millions de personnes et impacte plus de 3 millions de Français (les aidants)... À titre de comparaison, l'ensemble des budgets des acteurs sur Alzheimer approche la trentaine de millions d'euros de collecte quand près de 300 millions sont collectés pour le cancer pour un nombre de malades presque équivalent. Il y a donc encore des marges de progrès.
Depuis 2011, vous financez le Grand Prix Européen de la Recherche. Quelles avancées a-t-il permis ?
Nous croyons dans l'Europe de la recherche. Aussi nous récompensons des chercheurs européens particulièrement talentueux par deux prix exceptionnels. Le Grand Prix Européen consacre chaque année la carrière exceptionnelle d'un chercheur qui a été à l'origine de progrès majeurs dans le domaine. Le Prix Européen « Jeune chercheur » encourage de jeunes talents émergents, si nécessaires à la recherche de demain.