Président de l'ADF, Dominique Bussereau est un fervent défenseur de la décentralisation. Alors que vient de s'achever le Congrès des Départements de France, il revient pour Géroscopie sur les nombreux enjeux à venir. Interview.
« Il faut confier le plein exercice du bloc médicosocial aux Conseils Départementaux »
Quels sont les grands enseignements du 89e Congrès des Départements de France ? On parle de « Serment de Bourges » ?
Le Congrès a mobilisé plus de 800 personnes autour des projets innovants que les Départements développent au quotidien pour leurs habitants en matière d'accueil familial, d'attractivité pour la jeunesse, la prévention des risques et la mobilité. Le principal enseignement est de voir que les Départements incarnent la France de la proximité et de la solidarité. Mais les déceptions vis-à-vis des annonces gouvernementales sont nombreuses. En particulier, la mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale telle qu'annoncée (à savoir le transfert de la part départementale du foncier bâti vers les communes) qui mènera à l'asphyxie financière des Départements. Et sans moyens, ce sont toutes les politiques de solidarité sociale, à l'égard notamment des publics fragiles, les investissements pour l'entretien des routes ou des collèges ou encore le déploiement du numérique qui se trouveront détériorés.
Quelles sont les attentes des départements en matière de décentralisation ? Certains vont jusqu'à évoquer la dévitalisation des départements... Pourtant il y a bien un enjeu de projet de loi à l'horizon 2020...
Notre modèle centralisateur est aujourd'hui inadapté à une France devenue une société complexe, multiple et aux aspirations contradictoires. La seule solution est d'adapter la décision aux situations locales, souvent très différentes d'un Département à l'autre. Cela nécessite une véritable subsidiarité et une politique de décentralisation franche et résolue. Mais les voix qui demandent la dévitalisation des Départements se sont éteintes. Nous apparaissons aujourd'hui, aux côtés des autres collectivités locales comme les acteurs incontournables du lien territorial et social.
Vous demandez de revoir la lettre et l'esprit du pacte de Cahors pour en sortir les nouvelles dépenses... Est-ce réaliste et acceptable par le Gouvernement ?
Il faut que le Gouvernement retrouve de la cohérence dans la mise en oeuvre de ces pactes. L'État ne peut pas inciter les Départements, d'un côté, à dépenser toujours davantage et de l'autre, les sanctionner.
Les Départements partagent naturellement l'objectif de redressement des comptes publics de la France, comme en témoignent leur engagement depuis longtemps dans la maîtrise de leurs dépenses. Nous n'avons pas attendu le pacte de Cahors pour être vertueux ! Toutefois, l'État doit arrêter de transférer dans les comptes des collectivités des dépenses qui relèvent de sa compétence, et contraindre dans le même temps celles qui relèvent des compétences propres des collectivités.
Quelle place proposez-vous pour les départements dans l'accompagnement du vieillissement de la population ?
Il faut que les Départements soient réassurés dans leur chef de filât des politiques en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes âgées1. Cela implique une planification coordonnée de l'offre sociale, médicosociale et sanitaire.
L'action des départements dans le secteur médico-social est prépondérante. Comment lutter contre les inégalités de traitement d'un département à l'autre ? Et maintenir un niveau correct de prestation ?
Dans le cadre d'une nouvelle phase de décentralisation, l'ADF a transmis au Gouvernement un certain nombre de propositions. Elles sont fondées sur un postulat clair : si l'on veut clarifier et rendre plus efficace l'action publique consacrée aux solidarités sociales, il faut confier le plein exercice du bloc médicosocial aux Conseils Départementaux.
Cette exigence de clarté doit permettre de simplifier les procédures et de rapprocher encore la décision publique de nos concitoyens les plus fragiles. Cela ne sera possible qu'en octroyant aux Départements des ressources dynamiques, capables de faire face aux besoins concrets des personnes en situation de vulnérabilité : bénéficiaires de minima sociaux, jeunes adultes en voie d'insertion, personnes en situation de handicap, personnes âgées en perte d'autonomie.
Vous aviez évoqué la création d'agences départementales des solidarités. N'est-ce pas ajouter une nouvelle strate au millefeuille administratif ?
C'est tout le contraire. En effet, cette proposition, votée unanimement par le Bureau de l'Association des Départements de France (ADF), dans le cadre d'un « new deal départemental » a vocation à simplifier le millefeuille actuel. Il s'agit de réunir, au niveau local le plus approprié à chaque territoire, l'ensemble des parties prenantes. La mise en place d'un réseau unifié d'accueil et d'orientation constituera le premier projet phare des Agences Départementales des Solidarités. Ce réseau permettra à chaque personne de bénéficier d'une offre harmonisée d'accueil, d'information, d'orientation et d'appui aux démarches vers l'ensemble des droits, aides et dispositifs des solidarités. Il s'appuiera sur les structures existantes, réunies autour d'un label reposant sur des engagements de services. C'est donc une avancée, moderne et soucieuse de simplifier le maquis institutionnel actuel.