Olivier Véran rencontrait l'Association des journalistes de la presse sociale (AJIS) quelques heures seulement avant que ne démarrent les débats du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en séance plénière. Pour Géroscopie, il revient sur les grands enjeux de ce texte.
« Il faut développer des indicateurs dans le médico-social. Et pour en avoir, il faut les exiger dans la loi », explique Olivier Veran, devant l'AJIS.
La commission des Affaires sociales a examiné le PLFSS la semaine dernière. Plus de 1 000 amendements ont été déposés, 466 jugés recevables et 66 adoptés en commission, dont celui de non compensation de l'État à la sécurité sociale pour les mesures dites « Gilets jaunes ».
Olivier Véran : Cet amendement a été voté contre mon avis, alors justement que la Sécurité Sociale devait atteindre l'équilibre voire retrouver des excédents, une situation inconnue depuis longtemps. Le gouvernement avait délégué à deux hauts fonctionnaires la rédaction d'un rapport pour envisager dans ce contexte l'évolution des relations entre l'État et la Sécurité Sociale. Ses grandes lignes prônent plutôt un « chacun chez soi », c'est à dire que « celui qui est impacté doit supporter la note ». J'ai toujours contesté ce rapport. On avait consenti dans un contexte plutôt favorable des exonérations sociales non compensées par la Sécurité Sociale et décidé de reprendre les dettes de la COS et de la CADES. Il s'est donc passé plusieurs choses. Compte tenu du téléscopage de diverses réformes, nous avons enregistré une augmentation du nombre de départs à la retraite. Cela a augmenté les prestations versées et réduit le nombre de cotisations. Dans le même temps, nous avons connu une baisse des rentrées fiscales, qui a dégradé un peu le solde. Les non compensations enfin sont venues s'ajouter pour entraîner un déficit de la Sécurité sociale. Nous nous retrouvons donc cette année avec un déficit supérieur à 5 milliards d'euros, sans possibilités de retour à l'équilibre d'ici la fin du quinquennat.
J'ai été rapporteur de mesures d'urgence, que je ne renie pas car je les juge toujours nécessaires. Sur la question des non compensations, certains points devraient être clairement compensés, d'autres sont plus discutables. Le taux intermédiaire de CSG est une mesure structurelle qui va peser longtemps sur le budget de la sécurité sociale par exemple. Il y a aussi les heures supplémentaires, le forfait social, les jeunes entreprises innovantes... qui sont autant de mesures appelant des compensations intégrales. Je ne suis donc pas d'accord avec cette décision de ne pas compenser.
Le groupe a t-il compris les enjeux ?
Olivier Véran : Je crois que oui mais il y a une confusion très forte entre les questions de non compensation et l'hôpital, tant sur la forme que sur le fond. Elle touche aussi bien le parlement que les acteurs de la société civile, le monde hospitalier. Or il n'y a pas de lien entre la non compensation et l'ONDAM hospitalier. On pourrait très bien proposer une compensation intégrale et conserver le même niveau d'Ondam. Pourtant un certain nombre de gens retiennent que l'État « vole l'argent de la Sécurité Sociale ». Ce qui est parfaitement faux.
Vous avez dit avoir trouvé des marges de manoeuvre sur l'hôpital...
Olivier Véran : L'Ondam hospitalier atteint 2,1 %. Les volumes se sont ralentis parce qu'on sort du papy boom. De moins en moins de personnes âgées polypathologiques arrivent à l'hôpital. L'activité en volume se réduit (0,7% de croissance). Nous garantissons aujourd'hui aux hôpitaux une hausse des tarifs pour la 2è année consécutive. Il va aussi y avoir un mécanisme de pluri-annualité pour l'hôpital. Nous allons annoncer un financement sur trois ans pour leur permettre d'améliorer leur pilotage, leur visibilité et leur lisibilité, sous réserve que cette mesure soit validée et qu'elle puisse être présentée en débat. Mais j'espère qu'elle arrivera en séance cette semaine. Cet Ondam ne doit pas faire rougir. Le contexte de l'hôpital est complexe. Entre les erreurs de management liées à la loi HPST entraînant une grave crise de sens, les fermetures de lits qui ont privé les hôpitaux de places, les personnels soignants à la traîne en matière de salaires depuis 50 ans, l'effondrement du taux d'investissement dans les années 2010 avec des bâtiments vétustes, tous les ingrédients sont réunis pour créer un malaise grave. Je ne sais pas s'il y aura des annonces fortes cette semaine mais je suis sûre d'une chose, la prise de conscience au plus haut niveau de l'État est totale. Il y aura des choses fortes dans les semaines à venir. En matière de gouvernance, j'ai notamment proposé de nommer des médecins et des soignants à la tête des grands hôpitaux français. Les médecins ont trop intégré la contrainte médico-économique. Il faut remédicaliser la gouvernance. Cela devrait aussi être le cas pour les ARS.
Qu'en est-il de la question médico-sociale...
Olivier Véran : Des amendements ont été déposés sur le forfait santé et la qualité. Le sous Ondam médico-social est à 2,8 %, ce qui est un bon taux. Il y a déjà une rallonge de 50 millions d'euros sur le secteur du domicile, de l'argent d'investissement dans le champ de la dépendance. On tire conséquences des grilles dans le champ des EHPAD, le congé proche aidant. On note un vrai effort de la puissance publique cette année. C'est d'ailleurs reconnu dans les auditions, et ce d'autant que les politiques savent que cela préfigure une grande réforme de la dépendance en décembre. Il y a donc beaucoup de velléités des collègues parlementaires qui sont un peu freinés par le fait qu'un projet de loi sera voté dans 2 mois et que la question de la perte d'autonomie sera traitée dans ce cadre. Le médico-social aura donc sa grande année ! Il n'empêche qu'il fallait faire un geste sur les aides à domicile et qu'il faut aller plus loin. 22 euros par heure d'aide à domicile, ce n'est pas possible. Il va falloir augmenter tout cela. Pour autant, j'ai pris un amendement sur la question de la qualité et sur la reconnaissance des arbitrages forfaitaires dans le médico-social mais j'attends les débats en séance.
Que dit cet amendement ?
Olivier Véran : II dit qu'il faut prendre en charge la qualité. Il n'y a pas de raison qu'on ne propose pas un financement dans le médico-social alors qu'on intervient dans le médical. Il faut pour cela développer des indicateurs. Et les exiger dans la loi.
Sinon sur le financement de la dépendance, j'ai fait une proposition qui devait dégager 3 milliards cette année via la Cades.
A noter qu'un geste d'un demi milliard a été réalisé dans le PLFSS. Cela va au-delà des annonces faites par la ministre il y a un an. Je note aussi la réaffirmation que le projet de loi sur la dépendance sera présenté par le Gouvernement en décembre. Maintenant concernant le financement, je n'ai pas de solution à l'heure où je vous parle. Et ce n'est pas faute d'avoir plaidé la cause.