Alors que se tient le 22e congrès du SYNERPA à Strasbourg, son président, Jean-Christophe Amarantinis dresse pour Géroscopie un bilan des besoins du secteur.
« Il faut replacer l'éthique et la transparence au coeur de nos activités pour rétablir la confiance avec les Français »
Vous avez engagé un travail autour du renouveau du secteur et de ses pratiques professionnelles. Quels en sont les premiers enseignements ?
En janvier dernier, le SYNERPA et les acteurs privés du grand âge ont dévoilé une charte d'engagements pour replacer l'éthique et la transparence au coeur de nos activités. Ce travail inédit vise à mettre en oeuvre des mesures concrètes, durables et mesurables pour améliorer la qualité de l'accompagnement des personnes âgées, que ce soit en Ehpad, en résidences services seniors ou à domicile. Ces engagements vont au-delà des attentes des parties prenantes et permettent de restaurer le lien de confiance avec les publics hébergés au travers, notamment, d'un comité de suivi qui veille à la mise en place de dix engagements. En plus de la mesure et l'amélioration des pratiques, nous créons de nouvelles gouvernances ouvertes aux personnes âges, aux proches et aux équipes tout en leur permettant de renforcer la recherche et l'innovation au sein de nos entreprises.
Cette charte est déjà signée par 52 % de nos adhérents, soit 1 825 établissements et services, et nous nous sommes fixés pour objectif d'atteindre progressivement 100 % de nos adhérents signataires d'ici 2025. Cette mobilisation sans précédent des acteurs privés du grand âge témoigne de la volonté commune de rétablir le lien de confiance avec les personnes accompagnées, leurs proches, les personnels et toutes les parties prenantes des établissements et services.
Le SYNERPA a signé un accord salarial conditionné à un financement par les pouvoirs publics. Où en sont les négociations ?
La FHP, le CNETh et le SYNERPA ont signé en mars avec les partenaires sociaux un nouvel accord de branche relatif aux grilles de classification et de rémunération qui est une étape majeure pour renforcer l'attractivité des métiers du grand âge et la reconnaissance des carrières de nos salariés. Cet accord s'inscrit pleinement dans les engagements du SYNERPA puisqu'il défend l'amélioration des conditions et de la qualité de vie au travail des personnels.
Pour pouvoir être appliqué comme prévu au 1er janvier 2024, cet accord devra être financé par les pouvoirs publics, et nous veillerons donc à ce que les crédits nécessaires soient prévus dans les projets de loi de finance et de financement de la Sécurité sociale pour 2024.
Plus généralement, nous travaillons quotidiennement avec les ministères et administrations compétentes pour créer une véritable filière des métiers du grand âge et favoriser des mécanismes vertueux de financement qui tiennent compte de l'évolution du niveau de dépendance des personnes accompagnées et de leurs attentes.
Le SYNERPA a soumis 40 propositions pour améliorer la proposition de loi « Bien vieillir ». Avez-vous été écouté ? Avez-vous espoir de faire passer des mesures par amendements, la PPL ne figurant toujours pas à l'agenda de l'Assemblée nationale ?
Début avril, en amont de l'examen de la proposition de loi « Bien vieillir » par l'Assemblée nationale, le SYNERPA a présenté 40 propositions afin de renforcer la qualité de l'accompagnement des personnes âgées et d'adapter notre société au défi du vieillissement de la population. En effet, en l'état, notre politique en faveur du grand âge n'est pas en mesure de répondre à l'évolution de la démographie puisque la population française âgée de plus de 60 ans va augmenter de plus de 60 % en moins de 30 ans.
La suspension des travaux de l'Assemblée nationale n'a pas permis d'aller jusqu'au bout de l'examen de la proposition de loi mais nous espérons que celui-ci pourra reprendre avant l'été, et d'ici-là nous continuons d'échanger régulièrement avec les parlementaires et le Gouvernement pour leur apporter notre expertise, leur présenter nos solutions et améliorer ainsi les dispositions prévues par le texte.
Les résultats de notre classement indiquent une baisse des taux d'occupation l'an dernier. Cette tendance se confirme-t-elle en 2023 ? Quelles réponses sont privilégiées ?
En tant que syndicat professionnel, le SYNERPA ne dispose pas de données de ses adhérents sur leur taux d'occupation. Néanmoins, l'Ehpad répond aujourd'hui à des besoins spécifiques dans l'accompagnement des personnes âgées. D'autres solutions se développent pour des personnes autonomes ou moins dépendantes comme les résidences services seniors, les maisons partagées qui représentent une autre forme de domicile.
Observez-vous une tendance à la diversification des Ehpad privés ? Vers les résidences seniors ou d'autres formes d'accompagnement ?
L'accompagnement des personnes âgées doit continuellement évoluer, non seulement pour s'adapter au vieillissement démographique mais aussi aux attentes de la population qui souhaite de plus en plus vieillir à domicile ou dans des structures alternatives au modèle traditionnel des Ehpad. En effet, selon notre baromètre annuel réalisé avec l'IFOP en 2022, 81 % des sondés indiquent souhaiter que leurs proches, amis ou famille finissent leurs « vieux jours » à domicile, contre 75 % en 2019.
Dans ce contexte, les acteurs privés du grand âge et les établissements travaillent déjà à l'évolution de l'offre territoriale avec une meilleure coordination des différentes prestations de soins, d'aides et d'accompagnement afin d'offrir une véritable plateforme de services pour répondre au plus près du terrain à la perte d'autonomie. Dans ce cadre, le SYNERPA accompagne ses adhérents qui souhaitent expérimenter de « nouveaux domiciles » tels que les résidences services seniors et les maisons partagées, ainsi que de nouveaux modèles de services comme le principe d'Ehpad « hors les murs », en lien avec les ARS et les Conseils départementaux, pour proposer des services à toute une population tels que des crèches, des restaurants, des espaces de coworking ou encore des cabinets médicaux.
Quelles sont vos attentes pour le secteur en 2023 ?
Les attentes sont nombreuses. Le vieillissement démographique qui s'amorce va nécessiter le recrutement de plus de 300 000 personnes d'ici 2030. Mais en dépit des récentes annonces et mesures gouvernementales qui démontrent une prise de conscience, nous sommes très loin du compte.
Pour cela, il est indispensable de renforcer dès à présent l'attractivité, le recrutement, la formation et la fidélisation des professionnels. Il faut engager un plan massif pour l'emploi dans le secteur, notamment en créant et en finançant au moins 25 000 postes supplémentaires par an. Si les métiers du grand âge connaissent une forte tension, alors il est important de développer dès maintenant la formation continue, de réformer et faciliter la VAE pour les milliers de salariés qui exercent aujourd'hui en établissement, à domicile, comme les aides-soignants. Il faut également augmenter le nombre de places dans les écoles des professionnels de santé. Dès aujourd'hui, il faut pouvoir mutualiser les professionnels soignants entre plusieurs établissements, développer la télé-coordination des soins et il faut susciter de nouvelles vocations de médecins coordonnateurs en offrant des modalités d'exercices moins contraignantes en termes de présence effective sur site. Le secteur attend également de pouvoir développer de nouveaux postes sur les sections soins afin de décharger les équipes soignantes qui s'éloignent des résidents avec les tâches administratives.
Plus largement, il s'agit notamment de replacer l'éthique et la transparence au coeur de nos activités pour rétablir la confiance avec les Français, et en cela, la charte d'engagements que nous avons présentée marque une étape décisive. Il est nécessaire d'améliorer l'ensemble de l'accompagnement des personnes âgées, que ce soit en Ehpad, en résidences services seniors ou à domicile.