Récemment nommée à la Direction Générale France du Groupe Colisée, Anne-Catherine Péchinot est une spécialiste des réseaux et de la digitalisation. Mais ce qui prime avant tout, c'est le bien-être de l'humain dans l'organisation. Rencontre avec une femme de coeur.
« Il n'y a pas de clients heureux sans collaborateurs heureux, ou l'inverse »
Qui êtes-vous Anne-Catherine Péchinot ?
Dirigeante d'entreprises depuis plus de 20 ans, j'ai exercé dans des secteurs très variés, du self stockage aux Gîtes de France, en passant par la location de voitures. Tous ont un point commun : une organisation en réseaux d'établissements ou d'agences, avec des spécificités locales ou géographiques. Ma compétence est de savoir gérer des réseaux et les faire grandir, d'accompagner la digitalisation et le développement de nouveaux outils. Je crois surtout beaucoup à la symétrie des attentions, à la satisfaction du résident et des collaborateurs. Il n'y a pas de clients heureux sans collaborateurs heureux, ou l'inverse. Les entreprises qui intègrent cette philosophie sont capables de durer. J'ai beaucoup travaillé sur cette question chez Rent A Car notamment, où nous avons fait un réel saut qualitatif grâce à la mise en oeuvre de ces deux piliers. La grande puissance du digital quand il fonctionne est de permettre la réduction des irritants dans le quotidien des équipes pour libérer du temps de travail qualitatif et donner de la reconnaissance métier.
Pourquoi avez-vous rejoint le groupe Colisée ?
Tout a commencé par une belle rencontre avec Christine Jeandel, sa présidente. Derrière toutes les histoires, il y a des hommes et des femmes. J'ai eu envie de rejoindre ce groupe parce qu'il se développe, dans le respect de vraies valeurs. Colisée est devenu une « entreprise à mission », avec une forte politique RSE, une volonté de se développer en créant un sillon positif. Cela m'a vraiment intéressée.
J'ai sûrement été choisie parce que je ne suis justement pas du sérail, et que je peux aider le groupe à s'ouvrir vers l'extérieur, tout en bénéficiant de la grande compétence opérationnelle des équipes en place. Le secteur du grand âge est en mouvement, sur l'Ehpad du 21è siècle, la médicalisation croissante, la satisfaction, les RSS, le soin à domicile... Beaucoup de start-up arrivent sur le marché avec des initiatives passionnantes. Comment innover, et se développer en donnant du sens quand on est un groupe privé après l'année que nous venons de traverser ? Enfin et c'est un élément important, Colisée est un groupe français, qui s'est beaucoup développé en Europe. Il nous semble important aujourd'hui de mettre en place des directions dans chaque pays. Je vais donc représenter la France.
Quelle est votre feuille de route ?
Développer le marché français, sur le secteur de l'Ehpad bien sûr, où nous avons finalisé 5 acquisitions en ce début d'année, mais aussi les résidences services. Nous travaillons sur un projet d'une trentaine de petites résidences, plutôt dans des villes dites secondaires. Enfin, accompagner les soins à domicile à travers Onela, une filiale avec laquelle il nous faut accentuer les synergies pour couvrir l'ensemble des besoins. En France, comme dans tous les pays, le groupe s'est donné des objectifs ambitieux de baisse de l'empreinte carbone, de réduction des déchets, de formation et de satisfaction des équipes comme des résidents et de leur famille... Devenir une entreprise à mission est un enjeu majeur. Cela définit une raison d'être, précisant que la croissance de l'entreprise ne peut se réaliser au détriment du reste de l'écologie, du bien-être des équipes, des bénéficiaires. Nous avons déterminé des engagements forts, notamment l'atteinte d'un NPS (net promoting score) de 30. Chaque trimestre, nous interrogeons les familles et les résidents. Deux fois par an, nous sollicitons les salariés, avec un objectif de progression d'une fois sur l'autre. Chaque comité de direction de chaque établissement fait ensuite une restitution aux salariés, en s'engageant sur des actions concrètes. Il peut s'agir de réduire le nombre de psychotropes utilisés par les résidents, ce qui est un vrai sujet après la Covid, d'organiser des actions locales (économie circulaire, réduction des déchets...). L'idée est de mobiliser les acteurs, et de partager les bonnes pratiques, pour éviter que les organisations fonctionnent exclusivement du haut vers le bas.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Sur la partie RSE en tant que telle, nous avons identifié des leaders RSE volontaires, qui partagent toutes les « bonnes » initiatives de leurs régions, avec des documents diffusés à l'ensemble du réseau. Nous utilisons également Workplace, un Facebook d'entreprise qui permet aux utilisateurs d'informer de leurs actions, pour que l'information circule facilement. Nous avons aussi mis en place des interventions régionales avec des organisations spécifiques. Nous développons enfin des temps d'échange par métier car après la période aiguë de Covid, il faut sortir du mode « commando » et travailler davantage sur la question du lien.
Nous sommes en tension actuellement sur certains métiers, d'infirmiers et de médecins notamment, pour lesquels nous avons du mal à recruter. Pour l'instant, c'est à peu près maîtrisé mais ces tensions vont durer. Il faut développer l'apprentissage et les possibilités de stages, mais aussi inciter IDEC et IDE à promouvoir leurs professions. Nous valorisons enfin le développement de carrières, en faisant grandir nos talents. Pour preuve aujourd'hui, mes 5 directeurs régionaux sont issus de promotions internes. Il est urgent de développer les passerelles de métiers comme de pays. On constate toutefois que la valorisation des métiers dépend aussi de la politique des établissements, de leurs possibilités d'accueillir et d'accompagner des stagiaires en formation.
Où en est Colisée de sa transformation digitale ?
Le groupe s'est mobilisé vis-à-vis des familles. Beaucoup de choses existaient et se sont révélées très efficaces durant le premier confinement. Cela a permis de communiquer rapidement et de manière globale ou personnalisée avec chaque famille. Au plus fort de la crise, on a enregistré jusqu'à 20 000 posts mensuels. On a également beaucoup investi dans les outils de communication à distance pour permettre aux résidents de visionner des photos ou communiquer avec leurs proches. Les interactions sont faciles, le son de très bonne qualité, et la prise en main est aisée. On avait au début de la crise 5 ou 6 « dispositifs-chariots » par établissement. On est en train d'en livrer une trentaine par Ehpad. Cela devrait permettre de répondre aux besoins. On y ajoute actuellement des livres audios, enregistrés par de jeunes comédiens français. Cela fonctionne très bien auprès des résidents.
C'est plutôt sur les méthodes de commercialisation et sur la conduite du changement que nous devons progresser aujourd'hui. Mais les professionnels sont impliqués et n'hésitent pas à s'engager quand les projets ont du sens.
Si vous aviez un voeu...
J'en ai au-moins trois. Une année plus sereine. Susciter des vocations : nos métiers sont vraiment porteurs de sens, et il est dommage de ne pas pouvoir les exercer dans des conditions optimales par manque de personnel. Et continuer à mener de beaux projets pour que la vie reparte dans les établissements.