Médecin coordonnateur une journée et demi par semaine, médecin généraliste pendant deux jours, expert auprès du juge des tutelles, coordonnateur d'un diplôme universitaire sur l'éthique à l'université Paris Descartes, chargé d'enseignement à la faculté de médecine de Rennes, évaluateur externe et formateur dans le médico-social, co-président de MCOOR association nationale des médecins coordonnateurs en EHPAD et du médico-social, l'emploi du temps de Gaël Durel est chargé.
" Il ne faudrait pas que le médecin coordonnateur devienne par défaut le médecin traitant "
Jusqu'où s'étend votre activité ?
J'ai la chance d'intervenir dans tout le champ de la gériatrie spécifique du médico-social : domicile, EHPAD, réseaux gérontologiques, MAIA et CLIC, enseignement et société savante (CA société bretonne de gérontologie et société Gérontologique de l'Ouest et du Centre) , et participation à des groupes de travaux ANESM HCSP HAS en tant que co-président de l'association des médecins coordonnateurs MCOOR créée l'été dernier.
Comment concevez vous le métier de médecin coordonnateur ?
Les décrets* encadrant le rôle du médecin coordonnateur ont bien défini nos missions en fixant notre rôle de management, de conseiller technique du directeur, d'encadrement de l'équipe soignante. Expert gériatrique de proximité nous pensons que le médecin coordonnateur peut élargir son expertise au delà de ses murs dans tout le domaine du médico-social. Ce rôle a été évoqué avec le Professeur Bruno Vellas responsable du Gerontopole de Toulouse que nous avons rencontré à l'occasion du Congrès National 2015 des Unités de soins, d'évaluation et de Prise en charge Alzheimer en décembre 2015. Il défendait l'idée de s'appuyer sur les compétences de terrain du médecin coordonnateur, quand il intervient à la fois sur les résidents d'accueil de jour, d'accueil temporaire et permanent, de manière à apporter son expertise gérontologique au-delà de l'EHPAD, dans le territoire gérontologique de proximité avec les équipes d'HAD, les CCAS, les auxiliaires de vie.
Pour connaitre les motivations et les souhaits des médecins coordonnateurs en place nous avons commencé à faire le tour des régions, afin d'envisager la rédaction d'un livre blanc du médecin coordonnateur de manière à pouvoir formuler nos inquiétudes auprès du ministère, des instances du médico-social et du Collège National des Enseignants en Gériatrie (CNEG). La mission 13** concernant les prescriptions rencontre nos premières inquiétudes. Cette mission précise que le médecin coordonnateur peut intervenir dans le cadre de l'urgence. En ayant élargi cette notion d'urgence au delà de l'urgence vitale, cela laisse libre court à beaucoup de possibilités: avoir une fièvre pendant 48 heures, une infection urinaire, une anxiété, l'attente d'un résultat d'examen, etc. On préférerait garder la possibilité de prescrire uniquement dans le cadre de l'urgence vitale qui est bien définie et a valeur juridique: toute affection qui peut laisser des séquelles et pour lesquelles le pronostic vital est en jeu, et de préciser que le médecin coordonnateur n'est pas là pour des prescriptions d'urgence qui sont du domaine de compétence des permanences de soins libérales et hospitalières, et des systèmes de régulation (15, SOS). Notre ministre, il y a 18 mois, avait évoqué la possibilité d'élargir les prescriptions du Médecin coordonnateur au delà de l'urgence en cas de carence du médecin traitant.
Il existe deux métiers différents: le médecin traitant prescripteur, ayant si possible une compétence en gérontologie, impliqué dans un réseau et une dynamique de projet individuel de soins au sein de l'établissement, et le médecin coordonnateur qui a un rôle de conseiller technique, de référent au sein des réseaux, de formateur, de coordonnateur, d'organisateur du projet d'établissement et du projet individuel. Lorsque je rencontre au cours des évaluations externes d'établissements mes collègues je me rends compte que le médecin qui a la double compétence voit son rôle de soignant éclipser tout ce qui est organisation, formation, réunions, élaboration des projets individuels... Tout passe en soins, en astreintes, en urgences. Il ne faudrait pas, sous prétexte de démographie médicale défaillante que le médecin coordonnateur devienne par défaut le médecin traitant.
Autre écueil : il doit exercer en toute indépendance. Cette indépendance doit exister aussi bien dans les groupes que par rapport à des directeurs qui vont lui donner des injonctions de résultat, notamment lors du renouvellement des conventions tripartites ou bientôt dans le cadre des CPOM, avec une obligation de résultat sur la défense du Pathos. Nous sommes là pour évaluer l'état sanitaire des personnes, pas pour obtenir des moyens financiers. De plus en plus de médecins rencontrent des pressions ou sont licenciés pour faute grave parce qu'ils n'ont pas obtenu les résultats attendus sur le Pathos... Un des enjeux de MCOOR est de défendre la fonction et l'évolution du métier de médecin coordonnateur sans avoir de rôle syndical et en dehors de toute considération politique.
La formation pose également un problème?
Oui, la capacité de gérontologie devrait disparaitre cette année ainsi que le DESC II. Une seule formation devrait donc exister à partir de 2017: le DES de Gériatrie. Le futur médecin coordonnateur qui aura exercé en tant que médecin généraliste ne pourrait plus devenir gériatre mais devra se former avec un nouveau diplôme qui reste à définir. Il est important que le médecin coordonnateur soit compétent en gérontologie et en management. Les diplômes universitaires proposés aujourd'hui n'atteignent pas toujours ces deux objectifs. Ce rôle de management exercé dans les EHPAD est identique dans les FAM, MAS, foyers de vie, SSIAD, et HAD. La coordination médicale nécessite également une compétence qui devrait être reconnue par un diplôme national.
Quels autres thèmes émergent dans le champ de votre activité?
Le milieu gériatrique a toujours porté des valeurs éthiques fortes sur le respect de la personne. Ce sont les termes proposés par la loi Leonetti : pas d'obstination déraisonnable et en même temps maintien permanent de la lutte contre la douleur, préservation de la dignité des personnes. Certaines lois et dérives inquiètent les médecins coordonnateurs car les moyens alloués aux EHPAD diminuent chaque année. Sans moyens, quel choix pour des résidents en fin de vie? Il y a une vraie réflexion éthique à mener sur ces évolutions.
Autre valeur : la liberté d'aller et venir mais aussi l'objectif zéro contention. Si la contention peut exceptionnellement être utilisée elle ne ne doit jamais être permanente même sous une forme chimique ou une surveillance électronique.
Nous défendons la spécificité du médico-social: préservation du lieu de vie, avec le choix, l'autonomie, le fait de pouvoir refuser un traitement, des explorations complémentaires, ce qui n'est pas le cas lorsque la personne est hospitalisée. Nous estimons que le résident est chez lui, c'est lui qui nous accueille pour faire un soin, pas le contraire. Le rôle du médecin coordonnateur ne s'arrête pas à proposer des soins de qualité mas à les intégrer au sein d'un projet d'établissement cohérent.
Pourquoi avoir créé MCOOR alors qu'existe la FFAMCO?
La FFAMCO avait réussi à faire reconnaitre la place du médecin coordonnateur auprès de toutes les instances nationales et à contribuer au développement de ce nouveau métier. Malheureusement son fonctionnement interne ne permettait plus de garder du lien avec les régions, d'ouvrir d'autres champs de compétence et de garantir une représentativité démocratique du territoire.
Trois raisons principales nous ont contraint à créer une nouvelle association dont les objectifs peuvent se résumer en six axes :
- Coordination régionale : MCoor veut donner la place aux régions avec une concertation permanente avec l'ensemble des associations qui oeuvrent en région. Pour cela chaque région est représentée au sein du Conseil d'administration et les décisions sont prises après interrogation des associations locales. Assurer une lisibilité auprès de toutes les ARS : désignation au sein de chaque région par les associations d'un représentant par région qui fait le lien entre le national et les associations locales auprès de chaque nouvelle ARS.
- Formation : L'enjeu de la qualité exige une formation qui associe à la fois une expertise de terrain et une haute rigueur scientifique pour l'ensemble des intervenants dans le secteur médico-social. MCoor veut proposer des modules de formation développés spécifiquement par des médecins coordonnateurs pour l'ensemble des professionnels du médico-social, sur toute la filière du domicile jusqu'à l'hôpital dans toutes ses déclinaisons. MCoor veut aussi contribuer à la réflexion concernant le devenir de la formation du futur médecin coordonnateur avec la disparition de la capacité de gériatrie
?- Référentiels : MCoor veut Concourir, en expertise concertée entre professionnels, à l'élaboration de référentiels de bonnes pratiques et d'évaluation gériatrique dans le secteur médico-social.
?- Recherche : MCoor veut apporter son concours aux programmes de recherche et d'études en gérontologie, coordonner et promouvoir des travaux et publications scientifiques concernant l'activité de soins dans le secteur médico-social.
?- Maîtrise du risque : Face à l'émergence de nouveaux risques dans le secteur médico-social, MCoor participera aux réflexions stratégiques de maitrise du risque lié aux soins dans le secteur médico- social.
?- Réflexion éthique : Le déploiement d'une démarche de questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux revêt un enjeu important au regard des situations d'interventions professionnelles et de la vulnérabilité des personnes bénéficiant des prestations et MCoor veut contribuer à la mise en place de réflexion permanente sur ces sujets.
notes
*code de l'action sociale eet des familles article D312-158 modifié n°2011-1047 du 2/09/2011
**Mission 13 : "Réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l'établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d'urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées"