Organisatrice de Santexpo, la FHF a défendu « 30 ambitions pour la santé et l'autonomie en 2022 » dans le cadre des présidentielles et a de nouveau appelé à un service public du grand âge. Son président, Frédéric Valletoux, fait le point.
« Il nous faut simplifier radicalement les modalités d'autorisation »
L'Europe est-elle confrontée de la même manière à la problématique du grand âge ?
Oui, mais la question à se poser est : dans quelles conditions ces personnes vieillissent ? Selon l'étude Insee « Démographie en Europe » publiée en 2019 : au 1er janvier 2018, la part des 65 ans ou plus représentait 19,7 % de la population contre 17,1 % dix ans plus tôt. La France se situe juste dans la moyenne européenne.
Si on s'attache à l'espérance de vie à la naissance, elle était en 2017 dans l'ensemble de l'UE de 83,5 ans pour les femmes et 78,3 ans pour les hommes, avec un très bon classement pour les femmes vivant en Espagne (86,1 ans), en France et en Italie (85,2 ans).
Mais si la France garde une position enviable en termes d'espérance de vie « brute », l'espérance de vie sans incapacité n'y a que peu varié depuis quinze ans. La crise sanitaire a aussi été le révélateur de lacunes structurelles invitant à repenser la place de la prévention. Les chiffres révèlent un impératif pour l'avenir du grand âge : nos politiques publiques doivent fortement miser sur la prévention et le maintien en autonomie le plus longtemps possible de sa population. Un gain d'un an d'espérance de vie sans incapacité représenterait une économie de près de 1,5 milliard d'euros dans les dépenses de l'Assurance maladie, la FHF l'a rappelé dans ses « 30 ambitions ».
Les investissements Ségur vont-ils créer une nouvelle génération d'Ehpad ?
Le plan Ségur d'aide à l'investissement immobilier de 1,5 milliard jusqu'en 2025 offre une opportunité inédite pour les Ehpad d'engager des travaux de rénovation ou de reconstruction d'ampleur pour rendre leurs locaux plus attrayants et davantage tournés vers des offres polyvalentes, ouvertes sur la ville.
Dans le public, de nombreux projets particulièrement intéressants y ont trouvé un appui important. Je pense par exemple, en Occitanie, à l'Ehpad à spécificité psychiatrique La Baïse de Galan (65), qui sera reconstruit sur le site du centre hospitalier de Lannemezan avec une aide financière de 2 millions sur un chantier de 10, ou, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, au centre hospitalier d'Arles qui prévoit une opération de regroupement et de reconstruction de ses places d'Ehpad avec un projet hors les murs et un pôle d'activités et de soins adaptés - 4 millions d'aide à l'investissement sur 16 millions de travaux.
Ce soutien financier est indispensable pour aider l'offre médico-sociale publique, dont les tarifs, je le rappelle, sont beaucoup plus bas que ceux du privé.
Il constitue un levier supplémentaire aux subventions parfois accordées par les conseils départementaux afin de limiter l'impact sur le tarif hébergement des usagers. Mais il sera nécessaire de le poursuivre au-delà de 2025 et de le flécher vers les Ehpad publics, sans quoi ces derniers ne pourront pas engager les investissements nécessaires à la qualité de la prise en soins attendue.
Le régime actuel des autorisations est-il un frein à la diversification ?
Avec autant d'autorisations et de canaux de financement que d'activités, oui, il constitue un frein réel au déploiement de bouquets de services gérontologiques portés par un même gestionnaire alors que le virage domiciliaire est un souhait d'évolution partagé par tous.
Il nous faut simplifier radicalement les modalités d'autorisation pour aller vers un nombre global de places et un volume de financement correspondant à une activité prévisionnelle. Ce nouveau modèle aboutirait à une plus grande responsabilisation, en confiant à l'opérateur un nombre d'usagers à suivre.
Les choses vont néanmoins dans le bon sens et la création récente de la nouvelle mission de « centre de ressources territorial » que pourront porter les Ehpad contribue à cette diversification de l'offre.
Pour faciliter la transformation de l'offre, il existe enfin un consensus à simplifier la gouvernance des Ehpad et le pilotage des démarches qualité via le passage à une tarification binaire des Ehpad - ainsi d'ailleurs que des unités de soins de longue durée (USLD).
Où en sont ces USLD ?
En 2018, on comptait plus de 31 000 places d'USLD en France (dont plus de 90 % publiques), contre 600 000 places d'Ehpad. Le sujet de l'évolution des USLD est majeur. Il n'est plus possible d'entretenir ce statu quo qui existe depuis plus d'une décennie alors que les USLD sont de plus en plus confrontées à un problème d'identité et à une pression très forte sur leurs moyens, qui n'ont pas évolué depuis plusieurs années. Le récent rapport des Prs Jeandel et Guérin confirme ce constat. Il propose une requalification d'une partie des USLD en unités de soins prolongés complexes (USPC) à vocation strictement sanitaire et destinées à des profils pathologiques bien déterminés. La FHF partage cet objectif nécessaire pour sortir de la tarification médico-sociale inadaptée, en repositionnant ces USPC purement dans le champ sanitaire et en les dotant des moyens adéquats pour une prise en soin médicale continue et renforcée.
Un cahier des charges devra décrire le lien avec le plateau technique et les professionnels médicaux et paramédicaux nécessaires, en nombre et en qualification. Les USLD qui ne seraient pas requalifiées devraient en toute hypothèse bénéficier du maintien de leurs moyens.
La réforme des SSR va-t-elle avoir des incidences sur le parcours des personnes âgées ?
La réforme à venir sur le passage à la tarification à l'activité des soins de suite et de réadaptation pourrait en effet avoir un impact sur la fluidité du parcours des personnes âgées. Nous comptons aussi sur le développement des dispositifs d'articulation entre sanitaire et médico-social déployés lors de la crise Covid telles les équipes mobiles intervenant en Ehpad, les places d'hébergement temporaire en sortie d'hospitalisation, l'hospitalisation à domicile en Ehpad...
La montée en puissance à partir de 2022 de nouveaux dispositifs de soutien à domicile, tels que les centres de ressources territoriaux, nous semblent aussi être des éléments de réponse adaptés à la prise en soins des personnes qui en auraient besoin en sortie d'hospitalisation. L'enjeu est aujourd'hui de poursuivre ces déploiements pour rapidement couvrir l'ensemble du territoire national !
Où en est la labellisation des hôpitaux de proximité ?
On compte à ce jour 241 établissements ou sites géographiques labellisés dont 60 nouveaux. 87 % sont publics, 11 % privés à but non lucratif et 2 % privés commerciaux. Une nouvelle vague de labellisation va avoir lieu avec une estimation d'environ 300 établissements d'ici 2023.
La FHF est ainsi convaincue que les hôpitaux de proximité ont un rôle essentiel à jouer dans le maillage général de l'offre de soins des territoires et la mise en oeuvre du principe de responsabilité populationnelle en lien avec tous les acteurs de ville, hospitaliers et médico-sociaux. Ils ont vocation à devenir de véritables portes d'entrée dans la gradation des soins hospitaliers, en contribuant activement à la coordination et à la régulation de l'offre de santé et en développant la prévention.
Pourquoi la FHF demande-t-elle un plan de développement de prises en charge spécialisées ?
La FHF soutient en effet la poursuite du déploiement de ces dispositifs destinés à des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées avec des troubles du comportement. L'ensemble des Ehpad et USLD sont confrontés à la prise en soins de ces personnes âgées et ont besoin de leur proposer des dispositifs adaptés à travers des espaces dédiés, des activités thérapeutiques et des professionnels spécifiquement formés. À terme, tous les Ehpad devraient être dotés d'un Pasa ou pouvoir orienter leurs résidents vers un Pasa en proximité.
Un des corollaires indispensables à ce déploiement est la formation obligatoire de tous les intervenants à la formation continue d'assistant de soin en gérontologie, très qualitative et utile pour adapter les soins et l'accompagnement aux besoins des résidents.
Où en sont les coopérations ville/hôpital et hôpital/Ehpad ?
Les dispositifs qui font le lien entre l'hôpital et les Ehpad, équipes mobiles d'hygiène, gériatriques, en soins palliatifs, etc., sont devenus incontournables avec la crise Covid. Ils apportent une expertise sur des situations concrètes et contribuent à transmettre des savoirs aux équipes. Il s'agit maintenant de les pérenniser et de les développer largement.
De même, le lien avec les acteurs de la ville est tout aussi précieux, avec notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui se déploient, ainsi que dispositifs d'appui à la coordination (DAC) pour les parcours les plus complexes. À ce titre, la création prochaine de centres de ressources territoriaux sera l'occasion pour les Ehpad de mettre en valeur toutes les coopérations existantes avec leurs partenaires de proximité qui contribuent à assurer des parcours de santé les plus fluides possibles.
Les revalorisations Ségur ont-elles un impact en termes RH ?
Le secteur du grand âge souffre particulièrement d'un manque d'attractivité de ses métiers depuis plusieurs années, que la crise sanitaire n'a fait qu'accentuer. Les revalorisations salariales obtenues dans le cadre du Ségur de la santé (dont la FHF a soutenu l'extension à tous les agents publics) sont un signal positif adressé aux professionnels, de même que le récent plan national d'attractivité des métiers du grand âge porté par la ministre Brigitte Bourguignon, qu'il faut saluer.
Mais elles ne peuvent seules permettre de régler le problème de l'attractivité. Ce sont bien des mesures conjuguées sur la qualité de vie au travail et le renforcement absolument nécessaire des effectifs auprès des usagers qui permettront d'améliorer concrètement les conditions de travail et d'accompagnement. C'est aussi le prérequis pour changer le regard porté sur les métiers de l'accompagnement et du soin auprès des aînés et ainsi attirer de nouveaux professionnels.