Philosophe et éthicien, Fabrice Gzil s'est vu confier une mission par Brigitte Bourguignon sur l'accompagnement éthique des personnes âgées pendant la pandémie. Pour Géroscopie, il dresse le bilan éthique d'une année de crise. Interview.
« Il va falloir retisser du collectif, peut-être justement sur les valeurs et le projet d'accompagnement »
Dans quel contexte s'est inscrite votre mission ?
Depuis toujours, les professionnels des Ehpad questionnent leurs pratiques sur un plan éthique : recueil de la parole et des préférences, accueil des familles, gestion des modifications de comportement, des refus de soins, des liens affectifs qui peuvent se créer entre résidents... A ces interrogations factuelles s'est ajouté un contexte de tension et de pénurie, de moyens comme de personnels, dans des temps contraints. Cela a généré un malaise ou un inconfort éthique, car les professionnels perçoivent un écart entre l'accompagnement qu'ils pensent devoir offrir aux résidents et ce qu'il leur est matériellement possible de réaliser. Un troisième élément est venu s'ajouter avec la crise. Les mesures adoptées pour limiter la propagation du virus (restrictions des activités, des visites, des sorties...), bien que nécessaires, ont été perçues comme à l'exact opposé de tout ce que le secteur essaie de promouvoir : une approche globale de la personne, de tous ses besoins, et pas seulement de ses besoins en santé ; un effort constant pour faire des établissements des lieux de vie et pas seulement des lieux de soins, pour ouvrir les établissements, y accueillir les familles, les bénévoles... D'un point de vue éthique mais aussi professionnel, s'est immiscé un risque de perte de sens. Brigitte Bourguignon nous a alors missionnés, non pas pour...