L'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a souvent été présenté comme un levier majeur pour encourager l'innovation. La philosophie du dispositif repose sur le décloisonnement des pratiques professionnelles grâce à l'instauration de nouvelles modalités de financements entre la ville, l'hôpital et le médico-social.
Innover grâce à l'article 51
Intégration de solutions numériques, plateformes de formation en ligne, nouvelles démarches de prévention..., les expérimentations que l'article 51 autorise doivent avoir pour objet d'« améliorer le parcours des patients, l'efficience du système de santé, l'accès aux soins ou encore la pertinence de la prescription des produits de santé ».
En 2018, 374 projets régionaux ont été formalisés auprès des agences régionales de santé (ARS). Si l'accompagnement des maladies chroniques arrive en première position (37% des cas), les dossiers concernant les personnes âgées représentent 15% du total, le porteur du projet étant dans 9% des cas un établissement ou un service médico-social (ESMS).
A l'ARS Nouvelle Aquitaine, Nathalie Derozier, cheffe de projet parcours et référente « Article 51 » a identifié deux grandes catégories de projet : « D'une part, les Ehpad dits hors les murs ou Ehpad de demain ou Ehpad du futur qui pourraient être développés dans notre région mais aussi au niveau national par la Croix-Rouge Française, et d'autre part, les solutions en sortie d'hospitalisation avec l'objectif de maintenir la personne âgée dans les meilleures conditions possible, au domicile ou en hébergement temporaire, le temps de trouver une solution pérenne ». En Nouvelle Aquitaine, près de 20% des projets « article 51 » concernent les personnes âgées ou handicapées.
Une démarche « vertueuse »
Si la Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne privés non lucratifs (Fehap) s'est emparée du dispositif en priorisant l'accès aux soins des personnes handicapées, « la transposition au champ des personnes âgées est tout à fait envisageable, explique Jean-Christian Sovrano, Directeur de l'autonomie et de la coordination des parcours de vie. L'article 51 permet de déroger aux conditions de tarification et depuis 2019 1 aux conditions d'organisation et de fonctionnement des ESMS. Tout est permis dès lors que l'on justifie l'expérimentation et que l'on met en place un processus d'évaluation du bénéfice des actions. La démarche est vertueuse car si elle concerne plutôt au premier abord le champ sanitaire, elle permet aux établissements médico-sociaux de s'approprier la culture de la prévention en santé ». La Fehap a bâti une méthodologie en identifiant deux modules : le premier pour les établissements de santé, le second pour les professionnels du domicile. « Une lettre d'intention modélisée sera adressée à nos adhérents afin qu'ils puissent plus facilement porter leurs projets au niveau des ARS ». Dans le champ des personnes âgées, la Fehap envisage de se positionner sur deux thématiques majeures : la sortie d'hospitalisation et le domicile. « Si en 2019, l'Ondam médico-social prévoit 15 millions (environ 1.000 places) pour financer le surcoût du reste à charge de l'hébergement temporaire en sortie d'hospitalisation pour l'aligner sur celui du forfait journalier hospitalier (20€), nous pourrions aussi recourir à l'article 51 pour faciliter cet hébergement temporaire. Une autre de nos préoccupations concerne la nécessaire réassurance du domicile grâce à de meilleures coordinations entre professionnels du soin et de l'accompagnement et à des dispositifs de type « plateformes ».
Eric Fregona, Directeur général adjoint de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) porte également un regard positif sur le dispositif « qui permet d'expérimenter de nouveaux modèles de tarification et de nouvelles formes d'organisation. Prenons l'exemple des services de soins infirmiers à domicile financés par les ARS et des services d'aide et d'accompagnement à domicile financés par les départements. Pourquoi ne pas expérimenter un modèle de tarification unique, voire même d'autorisation globale ? Dans la continuité du rapport Libault, l'autorisation unique est d'ailleurs et fort heureusement en cours de réflexion pour les établissements territoriaux portés par un établissement ou un service d'aide à domicile ».
Parmi les thématiques les plus travaillées, Marie-Claude Marais, adjointe à la cheffe de bureau de la prévention de la perte d'autonomie et du parcours de vie des personnes âgées à la Direction générale de la cohésion sociale, cite les sorties d'hospitalisation des personnes âgées, le soutien renforcé au domicile et la télémédecine/télésurveillance dans les Ehpad. « Nous devrions assister à une montée en puissance des projets médico-sociaux grâce aux nouvelles dérogations introduites par l'article 39 de la LFSS 2019 qui concernent, au-delà de la tarification, les volets organisationnel et financier », complète Camille Brunat, chargée de mission au sein du même bureau.
Le 19 juin, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé a d'ailleurs annoncé devant la Commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale « une accélération des sorties des projets » après une « période de cadrage et de calage ». A ce jour, « cent projets sont accompagnés par les ARS » a précisé la ministre.
Notons enfin que récemment, un arrêté du 15 juin 2019 a autorisé pour une durée de quatre ans une expérimentation pour l'accompagnement et la prévention bucco-dentaire des personnes vivant en Ehpad. Proposé par l'Union française pour la santé bucco-dentaire et qui sera déployé dans trois régions - Pays de la Loire, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes -, le programme d'accompagnement et de prévention pourrait concerner jusqu'à 50 Ehpad et près de 4 000 résidents.