Dans le n° 153-octobre 2023  - Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles  16103

« Je crois profondément à la participation des personnes concernées dans l'élaboration des projets. Rien pour nous, sans nous »

Récemment nommée ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé livre ses premières intentions aux professionnels du Grand âge, dans un entretien exclusif à Géroscopie.

Comment pensez-vous articuler le PLFSS avec la PPL qui par principe n'exige pas de nouveaux moyens financiers ?

La ligne de partage est claire : la proposition de loi est une brique essentielle. Essentielle pour la société, car elle répond à des problématiques concrètes. Essentielle aussi car elle soutient les professionnels. Le PLFSS, lui, consacre la hausse sans précédent des moyens consacrés à l'autonomie. Ce sont 10 milliards d'euros supplémentaires en 5 ans pour atteindre 42 milliards, ce qui est inédit ! Rien que pour les Ehpad, ce sont 13 milliards d'euros qui y sont consacrés, et cette dotation va continuer à augmenter avec près de 10 % supplémentaires d'ici 2026.

Les Ehpad commerciaux ont été massivement contrôlés. Certains (Bridge) ont été placés sous administration provisoire, puis ces placements ont été désavoués par la justice elle-même. L'État n'a-t-il pas été trop vite ? Avez-vous voulu faire des exemples ?

Le rôle de l'État est de garantir la sécurité et le bien-être de toutes les personnes vulnérables, et des personnes âgées en particulier. C'est pourquoi nous devons créer une culture du contrôle, c'est-à-dire garantir la sécurité de nos familles. La culture du contrôle ne doit pas être une culture de la défiance ou du soupçon vis-à-vis de nos professionnels. Je sais qu'ils font un travail difficile avec un engagement remarquable. Ils ont toute ma reconnaissance et ma confiance. Je ne faillirai pas sur ce sujet et je rendrai publics les résultats de ces contrôles.

Vous avez annoncé que les revalorisations salariales (nuit et dimanche) pour les infirmières et aides-soignantes dans les hôpitaux publics seraient étendues aux Ehpad publics. L'associatif a réagi et demande un traitement équitable. On n'a donc rien appris du Ségur ?

J'ai annoncé et obtenu l'arbitrage pour l'extension aux ESMS de la fonction publique hospitalière, pour assurer une équité au sein de la fonction publique hospitalière. Ce sont donc 40 millions d'euros dévolus à plus de 110 000 personnels soignants. C'est une première étape. Pas une étape finale.

Quelle est votre feuille de route aujourd'hui ?

Je l'ai dit : le temps des constats et des concertations était nécessaire et, désormais, il est terminé. Maintenant, c'est le temps des preuves et des actions concrètes. Je présenterai en octobre la feuille de route « bien vieillir », dont le président de la République a rappelé la nécessité. L'enjeu est clair : adapter notre société au vieillissement. Nous devons l'intégrer dès la conception de nos politiques publiques, de la transformation de nos villes, de nos transports, de nos logements ou de l'exercice de nos droits culturels. Je crois profondément à la participation des personnes concernées à l'élaboration de ces projets. Comme le dit l'association Old up, « rien pour nous, sans nous ».

Je souhaite que l'on déconfine enfin le grand âge et nos personnes âgées ! Très concrètement, je souhaite par exemple développer les interventions de personnes âgées dans les écoles, ou encore la création de crèches dans nos Ehpad. Je crois aussi à la montée en puissance du service civique solidarité seniors, pour des jeunes de 16 à 25 ans qui rendent visite à des personnes âgées isolées ou effectuent des animations collectives en établissement. Plus d'humanité et de solidarité intergénérationnelles en somme et c'est toute la société qui en bénéficiera.

Comment atteindre les 50 000 recrutements d'ici 2027 ?

La pénurie de professionnels... engendre la pénurie de professionnels. C'est un cercle vicieux qui dégrade leur qualité de vie au travail, les épuise et leur fait perdre le sens de leur métier. Nous devons y mettre un terme. Et pour cela, il faut renouer avec l'attractivité de ces métiers. Cela passe par des revalorisations salariales, mais aussi par une meilleure reconnaissance des métiers, davantage de formations et de mobilité professionnelle ainsi que de meilleures organisations de travail.

La très attendue loi Grand âge a-t-elle vraiment un avenir ? À quelle échéance ?

Arrêtons avec la loi Grand âge comme si nous ne faisions rien ! Mon ambition n'est pas d'inscrire mon nom sur une loi mais de changer la donne concrètement ! Et elle change ! Nous structurons le secteur que ce soit avec le virage domiciliaire, la création des services autonomie ou la transformation des Ehpad. Et PLFSS après PLFSS, nous le finançons massivement permettant de créer et préparer la 5e branche.

La situation économique et sociale des Ehpad a changé depuis le rapport Libault. Comment soutenir les professionnels soumis à l'inflation, aux difficultés de recrutement, aux impossibilités d'emprunter pour rénover les établissements ?

Le secteur est en souffrance, il ne s'agit pas de le nier. Pour autant, rappelons-nous que jamais aucun Gouvernement n'a autant investi pour le grand âge. Par ailleurs, dès ma prise de fonction, consciente du problème, j'ai obtenu le déblocage de 100 millions d'euros pour venir en aide aux Ehpad et aux services à domicile en difficultés financières. Je tiens à le dire clairement : aucune structure ne sera laissée sans solution.

Que dire de la disparition du terme Autonomie dans votre ministère ?

Avec les Solidarités et les Familles, la question de l'Autonomie est au coeur de mon action ! Non seulement parce que toutes les familles sont confrontées d'une manière ou d'une autre à la perte d'autonomie, mais aussi parce qu'être solidaire, c'est protéger et accompagner les plus fragiles, notamment les personnes âgées. Je suis fière d'être à la tête de ce ministère qui est celui du quotidien de tous les Français, à chaque étape de leur vie, de la petite enfance et ses 1 000 premiers jours, au grand âge en passant par la parentalité et ses nouveaux enjeux.

Que pensez-vous des déshabilitations à l'aide sociale dans les Ehpad publics et associatifs pour redonner une capacité d'agir aux établissements ?

En tant que ministre des Solidarités et des Familles, je suis très sensible à l'accessibilité financière des Ehpad publics et associatifs, et donc je ne soutiens pas les volontés de déshabilitations, heureusement aujourd'hui très minoritaires. C'est donc la mission du groupe de travail dédié que nous avons lancé sur le modèle économique des Ehpad. Les questions du financement des établissements et le maintien de tarifs accessibles et justes, en particulier dans l'offre habilitée à l'aide sociale, sont posées. Je serai très attentive aux conclusions.


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