Alors que la loi sur l'Autonomie est en préparation, Pascal Champvert, président de l'AD-PA (Association des directeurs d'établissements et de services à domicile) formule les attentes des adhérents. La future loi devra à la fois clarifier le paysage, comprendre les besoins des personnes âgées et permettre à tous d'avoir un vrai domicile et des prestations adaptées. Au coeur du sujet, le délicat arbitrage entre rigueur économique et bien-être des citoyens fragilisés.
" Je ne crois pas à la spécialisation de l'Ehpad dans l'accueil des personnes très fragiles "
Quelle est aujourd'hui la position de l'AD-PA dans le paysage gérontologique ?
L'AD-PA compte 2000 adhérents qui sont directeurs de maisons de retraite, de services à domicile et de coordination gérontologique. Les problématiques que nous abordons sont larges et nous sommes présents sur tout le territoire. Certes il y a des disparités : nous comptons 100 adhérents dans le Morbihan mais sommes peu présents en Champagne-Ardenne...
En 20 ans, l'AD-PA a vu reconnaitre sa légitimité. Elle est entendue par les pouvoirs publics, a de très bonnes relations avec les organisations de services à domicile et avec la FNADEPA (Fédération nationale des associations de directeurs d'hébergement et services pour personnes âgées). La FNADEPA et l'AD-PA sont d'accord sur le fond et c'est fondamental pour les professionnels et les personnes âgées.
Le premier des axes de travail de l'AD-PA est l'augmentation du nombre de professionnels en établissement et à domicile. Le second est l'accompagnement des directeurs dans leur métier, dans leur fonctionnement au quotidien : colloques à Paris, réunions départementales ou régionales, création d'outils d'efficacité. Je suis frappé par les difficultés croissantes que rencontrent les directeurs à prendre du recul, à trouver du temps pour des congés ou de la formation. Attention, si un directeur ne va pas bien, c'est toute la structure qui ne va pas bien. Il y a une impérieuse obligation à s'occuper de soi. C'est la condition pour être un directeur innovant et créatif, comme les politiques le demandent encore et toujours ... sans donner les moyens.
Nous allons aussi travailler autour de la prestation d'autonomie, suite à la déclaration de François Hollande, avec comme objectif baisser le reste à charge.
Qu'attendez-vous de la loi Autonomie promise par le Président de la République pour 2014 ?
Nous attendons de la nouvelle prestation Autonomie qu'elle permette l'augmentation des plans d'aide, lesquels dépendent actuellement des départements. Nous attendons également une diminution du reste à charge et l'augmentation du nombre des professionnels. En établissement, on le sait, nombres de troubles du comportement des personnes démentes sont dus au manque de personnel.
Il faut comprendre que la prévention de la perte d'autonomie et la coordination sont des investissements. Dans une entreprise privée, on investit pour gagner de l'argent et de l'efficacité. Dans les politiques publiques, la même logique devrait dominer ! Actuellement, on attend de l'efficacité sans investir. Néanmoins, la qualité est là et les Ehpad et les SAD sont des structures efficientes. Pour 70 euros par jour, une personne âgée est hébergée et bénéficie d'un accompagnement. Comparons ce qu'elle aurait dans un hôtel pour le même prix...
Les Ehpad sont invités à se concentrer sur une population Gir 1 et 2... qu'en pensez-vous ?
Je ne crois pas à la spécialisation de l'Ehpad dans l'accueil des personnes très fragiles. Je ne crois pas à la segmentation des populations : c'est une idée de technocrate ! Le résultat c'est qu'en l'état des choses, quand une personne a besoin de plus d'aide, elle doit changer de structure. Ce modèle n'est pas celui que veulent les Français. Si certains veulent des structures collectives, d'autres veulent rester chez eux et pour cela ils ont besoin d'aide à domicile. La future prestation Autonomie doit permettre de structurer l'aide à domicile. De l'autre côté, il faut faire évoluer les règlementations : on devrait pouvoir entrer dans une structure et y rester ! Quand les hommes et les femmes sont déplacés pour des raisons budgétaires, il faut réagir... Nous avons d'ailleurs écrit en ce sens à Mesdames Delaunay et Fourcade.
Le modèle de l'établissement est dépassé. Quel que soit l'établissement où l'on vit, il doit être un domicile. En résidences-services, en logements-foyers, on peut parler de domicile. En Ehpad, on parle de " quasi-domicile ". Ce n'est pas digne de vivre dans 20m²... D'ailleurs l'AD-PA partage l'idée de la " troisième voie ", c'est-à-dire d'une offre de domicile plus large.
Qui dit élargissement de l'offre dit services à domicile...
Oui et le doublement du fond d'intervention pour les services à domicile est un premier pas. Actuellement, c'est très compliqué pour les familles : les dispositifs sont multiples et variables selon les départements. Pour cacher les carences, les pouvoirs publics n'ont de cesse de publier des textes et d'augmenter les missions des acteurs. Cela renforce à la fois l'incompréhension des utilisateurs et le malaise des professionnels. Il faudrait une mise à plat des dispositifs et elle ne peut passer que par des études de besoins. Dans le secteur des personnes âgées, il est toujours question de lancer d'études de coûts... alors même qu'on sait déjà l'essentiel. Le rapport de 2005 de la Cour des comptes précisait que les besoins des personnes âgées n'étaient couverts qu'à 50%.
Aujourd'hui, il ne s'agit pas de créer des structures supplémentaires mais de mailler le territoire avec des coordinations. Segmenter autour d'une pathologie comme c'est l'esprit dans le dispositif MAIA (Maison pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer) n'a pas de sens. L'intérêt des MAIA réside dans les gestionnaires de cas : ils accompagnent les personnes dans le dédale des dispositifs nationaux et départementaux.
Comment faire avancer la réflexion ?
Il suffit de reprendre les textes fondamentaux :
- le rapport de la Cour des comptes de 2005
- le discours de Dominique de Villepin pour le Plan Solidarité Grand Age, qui prônait un ratio d'encadrement de 1 pour 1 pour les personnes les plus fragiles ;
- le rapport Weber et Vérollet du Conseil économique et social de 2011 ? Pour répondre aux besoins de financement, le CESE préconise l'instauration d'une taxe sur l'ensemble des mutations à titre gratuit et l'alignement du taux plein de la CSG sur les pensions de retraite.
- les rapports des groupes de travail de Roselyne Bachelot
- et récemment, les rapports des missions, demandées par Madame Delaunay, autour de l'adaptation de la société au vieillissement démographique.
Nous sommes donc proches du consensus. Il reste au politique à trouver le moyen de faire. Pour cela, il faut une volonté politique et nous avons la chance d'avoir une ministre engagée, Madame Delaunay.
Vous restez donc optimiste ?
Oui car j'ai une confiance énorme dans la démocratie. Quand une problématique touche un grand nombre de personnes, la société évolue. Désormais, la question majeure dans le champ médico-social et sanitaire est l'accompagnement du handicap et des maladies chroniques. On peut vivre très longtemps avec l'un ou l'autre et cela pose la question du respect, du bien-être et de la fragilité. Ainsi la situation des personnes handicapées vieillissantes est une anomalie bureaucratique due à la barrière de l'âge... barrière dont le Parlement avait voté la suppression en 2005 ! Il n'y a qu'en France que cela existe.
François Blanchard, président de l'Association francophone des droits de l'homme âgé (AFDHA) disait lors du récent Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées qu'intégrer les plus fragiles, c'est agrandir l'humanité. Réintégrer la dépendance, c'est en effet accepter la part de vulnérabilité qui est en nous.
Il reste la question du " quand "...
Les politiques doivent choisir de soutenir les hommes et les femmes. L'économie n'est qu'une technique, sa finalité est d'organiser les biens matériels pour le bien-être des hommes et des femmes. Les organisations professionnelles, les retraités, les médias... à tous de contribuer !