Après 47 ans passés au service du grand âge, dont 30 comme directrice de la FNADEPA, Françoise Toursière passe la main. Retour sur le parcours d'une des figures du secteur.
"Je suis fière de nous, de ce que nous avons fait pour les personnes âgées."
Le 30 juin, Françoise Toursière, directrice de la FNADEPA, prendra sa retraite... et sa voiture pour aller vivre à Alès, après un parcours dédié à la qualité de vie des personnes âgées.
A 16 ans pourtant, la jeune Françoise n'a qu'une idée en tête : "Je voulais m'occuper d'enfants handicapés ! Sur les conseils d'un pédiatre vraisemblablement mal informé, je me suis dirigée vers une formation d'infirmière." A l'hôpital Bichat en l'occurrence. Diplômée, la jeune femme rejoint le service de réanimation pulmonaire et fait connaissance avec le grand âge. Après un an, une annonce affichée dans le hall d'entrée retient son intérêt : la maison de retraite des Epinettes, Paris 17e, recherche un directeur adjoint et offre un logement de fonction. La jeune femme, déjà mère d'un enfant, postule. Motivée par les personnes vieillissantes ? "Oui et non, répond Françoise en riant, motivée par le logement de fonction et l'école maternelle située en face !" S'ajoutent à cela des conditions de travail confortables : résidents autonomes, budget quasi illimité, équipes confortables... Toutefois, la routine s'installe vite et la directrice adjointe veut évoluer. Puisque le poste de directrice n'est pas accessible, Françoise entre à l'AREFO pour un poste à sa mesure. Là elle ouvre le 2e établissement de l'association, à Sevran, puis ceux de Morangis et d'Enghien, et redresse celui de Chatou. Femme de challenge ? "Quand tout tournait bien, je m'ennuyais !", acquiesce Françoise.
Le challenge suivant se profile en 1985 avec la création de la Fédération des directeurs de logements foyers pour personnes âgées (FNAFPA), première structure représentant le secteur. "J'ai participé à l'assemblée générale constitutive, se souvient la pionnière. Nous avons voulu une fédération d'associations pour que les adhérents se rencontrent sur le terrain et fassent bouger les pratiques, au bénéfice des résidents." Françoise intègre - faut-il le préciser ?- le bureau de la fédération, présidée alors par Maurice Leconte. A l'époque, la fédération rassemble une centaine de directeurs de toute la France (celle-ci en compte plus de 1000 aujourd'hui). Pendant 4 ans, elle est bénévole en parallèle de son poste de directrice. Réunions, organisation du 1er congrès à Paris,... les choses s'accélèrent ! Aux côtés de Maurice Leconte, l'adhérente de la première heure apprend beaucoup.
1989 - La FNADEPA ouvre un CDD de directeur, à Marseille. Durée : 8 mois, mission : créer le poste et les financements ad hoc. Un défi idéal. " J'avais 39 ans, je voulais un nouveau challenge!", confirme-t-elle. La Parisienne file donc dans ce midi qu'elle aime depuis toujours. Toutefois, bien qu'ensoleillé, le choc est rude. " Je suis arrivée dans un bureau vide. Plus de résidents, plus de familles, plus d'équipe...!", résume Françoise. Le CDD se transforme en CDI, la petite FNAFPA en FNADEPA, qui s'ouvre aux maisons de retraite, au secteur privé commercial, aux services à domicile... "Chaque élargissement est polémique, sourit la directrice. Cela s'arrange quand les adhérents peuvent se rencontrer. "Au fil du temps, le champ de compétences de Françoise s'élargit aussi : gestion, événementiel, marketing... l'infirmière se met à tout. Son secret ? " Je suis une vraie bosseuse, je me forme, je suis très structurée, voire trop !", répond celle que la franchise caractérise. L'adaptation semble être un point fort aussi : en 30 ans, Françoise aura travaillé avec 7 présidents... du visionnaire Maurice Leconte au bouillant et charismatique Claudy Jarry.
En 2008, la FNADEPA et sa directrice reviennent à Paris. C'est alors l'installation dans les locaux de Saint-Denis, une équipe de 6 personnes, la multiplication des réunions au Ministère et dans toutes les instances qui comptent. En janvier 2012, Françoise, fière et émue, est "élevée au grade de chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur, pour 45 ans au service des personnes âgées". Respect !
A l'heure du départ, Françoise peut être fière de son parcours. "Je suis fière de la FNADEPA, de ce que nous avons fait, tous ensemble, pour les personnes âgées, résume-t-elle. Nous avons amélioré les pratiques au pied du lit du résident. Nous avons apporté le respect, la dignité, la citoyenneté, à la mesure des moyens donnés bien sûr." Sur le secteur, le regard est lucide aussi (voir encadré).
On le voit, l'engagement est intact. Pourtant le 30 juin, Françoise Toursière prendra sa retraite. "J'ai préféré partir en pleine possession de mes facultés, assure-t-elle. J'ai vu trop de gens s'accrocher à leur poste." A Alès l'attendent une maison, un jardin, beaucoup d'amis... Un instant, on imagine une retraite paisible. Non ! "Je vais continuer à faire des évaluations externes, de la formation, des missions de conseil, affirme-t-elle. Beaucoup de choses sont en cours de signature !" Une chose est sûre : le secteur n'a pas fini d'entendre parler de Françoise Toursière. Et ça, c'est bien.
Regard sur le secteur
Pour la future ex-directrice de la FNADEPA, " En 40 ans on est passés du Moyen-âge au 21e siècle. Dans les années 70, à Bichat, les personnes âgées vivaient dans des dortoirs de 30 lits. Elles n'étaient pas habillées, pas levées, et leur dîner était un bouillon chaud censé réchauffer un steak haché cru ! Reste qu'aujourd'hui la déception règne chez les directeurs. Avant la canicule, ils vivaient dans l'ombre et ne demandaient rien... Après la canicule, on leur a donné beaucoup d'espoir. Ils ont fait de la qualité mais n'ont pas obtenu les moyens annoncés."
Derrière la rigueur, la sensibilité
13 mars 2012, avenue Duquesne. Marie-Anne Monchamp, secrétaire d'état, au ministère de la cohésion sociale et la santé fait Françoise Toursière chevalier de la Légion d'honneur. Face à une cinquantaine d'amis et de personnalités, ce n'est pas si facile de lire les phrases préparées pour l'occasion. La voix vacille, les yeux s'embuent... Une phrase spécialement dira beaucoup d'une sensibilité tenue cachée derrière l'organisation, la rigueur et la capacité de travail de la directrice de la FNADEPA. "Ma plus belle réussite, c'est mon fils...", confie Françoise Toursière.