Un colloque sur les dérives en santé organisé par l'Agence des médecines complémentaires et alternatives (A-MCA) le 22 février dernier a réuni une grande diversité d'acteurs (médecins, chercheurs, députés...) et de représentants institutionnels (Miviludes, Ligue contre le cancer, Fondation de l'académie de médecine, chaire Unesco...). L'occasion de découvrir la diversité des dérives exercées sur des personnes fragilisées (abus de faiblesses auprès des personnes âgées, soins alternatifs proposés aux patients atteints de cancer, thérapies de conversion exercées auprès des personnes homosexuelles, etc.).
L'abus de faiblesse sur personnes âgées : retour sur le colloque de l'A-MCA
La dérive, souvent associée à la notion de « dérive sectaire », contient en réalité plusieurs facettes. Elle peut être de nature conceptuelle[1], thérapeutique[2] ou encore sectaire[3].
« Avant tout, il convient de rappeler que les personnes âgées représentent une population tout particulièrement visée par les charlatans en tous genres, notamment du fait de leur vulnérabilité », a lancé Joël Jaouen, Président de France Alzheimer en ouverture du colloque. Escroquerie financière, prosélytisme religieux, mouvements sectaires... les personnes âgées sont effectivement souvent la cible de toutes ces formes de charlataneries.
Lutter contre les fausses informations
L'abus de faiblesse des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées est une réalité qui malheureusement, à ce jour, n'est pas assez documentée. On assiste toutefois et de façon inquiétante au développement de théories sans fondements, culpabilisantes et pour le moins farfelues concernant l'origine de la Maladie d'Alzheimer. Une théorie postule par exemple que « cette maladie est un moyen utilisé pour fuir la réalité du présent ». En l'absence de données précises sur le phénomène, prévenir les abus commence avant tout par la lutte contre les fausses informations au sujet de la maladie.
Protéger la liberté de choix
Si les dérives impliquant un abus de faiblesse sont nombreuses, elles restent complexes à définir du fait de la limite parfois ténue entre « liberté » et « abus ». Dans son rapport (2018), la miviludes rapporte le cas d'une femme de 80 ans, isolée et en perte d'autonomie consécutive à son AVC. Une dame qui sera approchée par une inconnue, laquelle lui proposera son aide à la cuisine et au ménage en échange d'un toit de façon provisoire. Elle s'installera finalement de façon définitive et fera de ce domicile son espace de consultation « d'aide psychologique » pour les personnes en détresse. La propriétaire se sentira contrainte d'accepter de peur de perdre « cette aide si précieuse à son quotidien ». Mais une « aide » qui développera une sorte d'ascendant sur la propriétaire : en parvenant à la convaincre de « voler son espace de vie », d'être « une envoyée de Dieu », et même d'arrêter son traitement médicamenteux suite à son AVC pour se soigner exclusivement par des pseudo-soins énergétiques.
Voilà donc une illustration typique des dérives et des abus de faiblesses qui corrobore visiblement avec la réalité de terrain de France Alzheimer : « nous recevons énormément de messages chaque année de personnes malades ou de proches aidants nous demandant notre avis sur des annonces de produits miracles présentés comme la solution à la maladie d'Alzheimer ».
Face à cette réalité, il importe de sécuriser les citoyens, d'autant plus lorsqu'ils sont en position de fragilités. « La mission de surveillance de l'A-MCA est essentielle et nous attendons beaucoup des projets que nous mènerons ensemble dans cette optique », conclura Joël Jaouen.
Pour revoir le colloque : https://m.youtube.com/playlist?list=PLcJdmCv2azj2HbsEyjQXg6oCCbE9JLrTN
Véronique Suissa
Docteur en psychologie clinique et Directrice Générale de l'A-MCA