Dominique Colas, président de l'Association nationale des centres hospitaliers locaux (ANCHL) et directeur du Groupe Gériatrique du Penthièvre (Côtes d'Armor) ne cache pas ses appréhensions concernant la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT). Point de vue.
" L'hospitalisation de proximité des personnes âgées est menacée ! "
" Les Centres Hospitaliers Locaux (CHL) sont des établissements de premier recours, ancrés dans les zones rurales, bien souvent des déserts médicaux. Ils fonctionnent en symbiose avec la médecine de ville et les professionnels de santé libéraux. Ils n'ont en général de relation qu'avec un établissement sanitaire (leur ex hôpital de référence), et pas avec les autres établissements du territoire. Les CHL et les EHPAD font le même métier, la prise en charge de la personne âgée. Ils ont développé un véritable savoir-faire dans la prise en charge de la personne âgée : dans le cadre d'une hospitalisation, d'un hébergement permanent ou temporaire, de services dispensés à leur domicile. Les GHT, fortement hospitalo-centrés et excluant la médecine de ville, vont éloigner les CHL de leurs modes de fonctionnement et décourager leur corps médical.
Les GHT se construisent sans projet médical partagé ou sans partage du projet médicalisé. 80 % des centres hospitaliers locaux n'ont pas été consultés. Il n'y a pas de concertation, tout cela se fait dans la précipitation.
En l'état, le GHT est une vision archaïque de l'hospitalisation à l'heure de la télémédecine, des téléconsultations. Nous nous acheminons vers des Assistances Publiques départementales et à terme, régionales. C'est-à-dire le système le plus coûteux, le plus inefficace et le plus éloigné des relations de proximité des CHL ! Les acteurs du médico-social doivent être considérés comme des partenaires et non comme "des actionnaires minoritaires".
Par ailleurs, le projet de décret prévoit que les systèmes d'information soient les mêmes pour les établissements au sein du GHT alors que les structures n'ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes moyens. La priorité pour les CHL en raison de leur lien avec la ville, est d'avoir un dossier patient partagé avec la ville, et non hospitalo-centré. Pour un CHL, devoir caler son équipement informatique sur celui du plus gros établissement, c'est de 4 à 5 fois plus dispendieux que les solutions actuelles. Or, avec la mise en place des GHT, on ne nous laisse pas le choix de l'équipement. Pour mon territoire, le coût du hardware atteindra 12 millions d'euros sur le territoire dont 2, 6 millions pour mon établissement. 2,2 à 2,4 millions d'euros seront supportés par les lits d'EHPAD et de soins longue durée (SLD). De plus, il nous faut jeter notre système d'information qui convenait très bien. Cela représente financièrement 7 ans de renouvellement des investissements courants, et 22 à 24 ans d'investissements informatiques. Une gabegie !
Incohérence également pour les PUI. Celles des CHL fonctionnent avec un nombre très limité de molécules. Elles n'ont pas besoin d'être ouvertes 24h/24 et 7 jours sur 7, d'autant qu'elles desservent à 90% le secteur médico-social. Leurs besoins et leurs moyens sont très différents des établissements avec des services d'urgence, de réanimation, de cardiologie... Les aligner sur les PUI de ces établissements, c'est sur-dimensionner l'outil.
L'ANCHL proposait la mise en place d'un dispositif pour créer et faciliter des groupes de bassin de vie (CHL, EHPAD...). Au lieu d'inciter les EHPAD territoriaux et associatifs à travailler avec les hôpitaux locaux, et de regrouper les établissements dans le premier recours, on nous colle avec les Centres hospitaliers. Le bon choix était celui de l'hôpital à taille humaine, favorisant les relations avec l'entourage sans arracher la personne à son milieu, avec un circuit de décision court et réactif, une gestion des ressources humaines au plus près des services, une limitation des transports, la reconnaissance du court séjour intermédiaire, la valorisation du rôle pivot du médecin généraliste.
Avec les GHT, c'est l'hospitalisation de proximité de la personne âgée qui est menacée ! "