Taboue et sous-diagnostiquée, l'incontinence urinaire touche 20 à 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans. Ce problème, encore plus fréquent en EHPAD, implique une prise en charge adaptée. Explications.
L'incontinence de la personne âgée
La société internationale de la continence définit l'incontinence comme une perte involontaire d'urine par l'urètre. Le vieillissement peut accroître la fréquence et la gravité de l'incontinence urinaire, qui altère la qualité de vie.
Il existe différents types d'incontinence
- L'incontinence par urgenturie : c'est une perte urinaire accompagnée ou précédée d'un besoin irrépressible d'uriner, sans qu'il soit toujours possible pour la personne de se retenir.
- L'incontinence à l'effort : elle est liée à une augmentation brutale de la pression abdominale à la suite d'un effort de toux, d'éternuement ou encore d'un changement de position.
- L'incontinence mixte est une association des deux (incontinence par urgenturie et incontinence urinaire d'effort).
- L'incontinence par regorgement apparaît sur une rétention urinaire chronique, très fréquemment rencontrée en gériatrie.
- L'incontinence fonctionnelle est, quant à elle, liée à une perte d'autonomie fonctionnelle empêchant le patient de se rendre aux toilettes : contention, habillage inadapté, protections, manque d'éclairage la nuit...
Plusieurs causes sont à l'origine de ces difficultés
On peut citer la constipation, les infections urinaires symptomatiques, une atrophie vulvo-vaginale, une iatrogénie médicamenteuse, un syndrome confusionnel, la dépression, une restriction de la mobilité (problème orthopédique, neurologique, environnement), des pathologies de la prostate chez l'homme ou de prolapsus chez la femme, l'apparition de tumeurs vésicales, le diabète ou les atteintes neurologiques comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson.
Des examens pour confirmer une incontinence urinaire
Le diagnostic de l'incontinence urinaire est clinique. Il repose sur un interrogatoire, un examen et un catalogue mictionnel. Il est réalisé sur une durée de 48 heures au cours de laquelle le professionnel inscrit tous les apports hydriques, les volumes mictionnels et les épisodes de fuites urinaires du patient. Cet examen permet une mesure objective des troubles vésico-sphinctériens et une évaluation de la compliance du patient au traitement. Il s'accompagne toujours d'un examen cytobactériologique des urines pour rechercher une infection urinaire, et d'une recherche d'un résidu post-mictionnel par Bladder scanner ou par échographie vésicale.
La prise en charge
Le traitement - si le patient a un désir de prise en charge et qu'il y a un bénéfice attendu - est essentiellement basé sur les stratégies comportementales et sur la rééducation-réadaptation. Plusieurs thérapies peuvent lui être proposées : un traitement systématique contre la constipation, une oestrogénothérapie locale chez la femme âgée. Il est important de ne pas limiter les apports hydriques. La personne doit boire suffisamment durant la journée en diminuant la consommation de café ou de thé, qui sont des irritants de la vessie, et réduire les boissons en fin de journée, notamment en cas d'incontinence nocturne.
Une rééducation du comportement mictionnel peut être proposée en programmant des mictions toutes les quatre heures, même en dehors de besoins urinaires (excepté la nuit où la personne a besoin d'un sommeil de qualité et réparateur). L'objectif est de permettre à la personne de conserver son autonomie pour déclencher volontairement une miction.
La rééducation pelvi-périnéale si la patiente ne présente pas de troubles cognitifs sévères, la rééducation à la marche, aux transferts et les aides techniques à la marche (déambulateur par exemple), une facilitation de l'accès aux toilettes, une chaise percée ou urinale... sont des alternatives pour maintenir cette autonomie le plus longtemps possible.
Les professionnels conseillent de ne pas utiliser de protection ou de sonde urinaire à demeure (SAD) de manière systématique. La protection doit toujours être adaptée à la nature de l'incontinence, à la quantité des fuites urinaires, au tour de hanche de la personne (pour le change complet). Chez l'homme, l'utilisation d'un étui pénien avec une poche de recueil peut être proposée. Ce dernier doit être adapté à la morphologie du patient (différentes tailles sont disponibles) et peut rester en place jusqu'à 24 heures.
À noter que les anticholinergiques ont très peu d'indication chez le sujet âgé du fait des nombreux effets secondaires qu'ils entraînent.
Si ces mesures sont inefficaces, le patient peut être adressé à un spécialiste de l'incontinence pour une prise en charge spécialisée : stimulation du nerf tibial à la cheville, pose de bandelettes sous urétrales...
Les points d'intention
Il est important de bien connaître les antécédents des patients, leurs habitudes de vie, les traitements prescrits et les pathologies, car ils peuvent être générateurs d'incontinence.
Il faut savoir également bien distinguer l'incontinence de la rétention car si la manifestation est identique, la cause est différente. Le Bladder scanner permet de mesurer le résidu mictionnel et ainsi de différencier l'incontinence de la rétention pour adopter les bonnes mesures.
Il faut aussi surveiller les apports hydriques des personnes âgées, qui ont tendance à moins boire, ce qui favorise les infections urinaires. Or, celles-ci perturbent la vessie et génèrent une envie d'uriner plus fréquente, ce qui augmente les risques d'incontinence.
Il est important de surveiller le transit des patients et de traiter la constipation car elle est source d'incontinence chez 10 % des patients âgés et de continuer d'accompagner aux toilettes les personnes ne pouvant se déplacer seules, pour maintenir l'autonomie au maximum.
Laure Martin avec la collaboration de Sandrine Derville, infirmière spécialiste clinique en consultation et exploration fonctionnelle urodynamique à l'hôpital Corentin Celton (AP-HP), Issy-les-Moulineaux (Ile-de-France) et le Dr Véronique Mangin d'Ouince, gériatre.