Où en est l'informatisation de l'étape de la dispensation des médicaments en EHPAD et la préparation des doses à administrer (PDA) ? Etat des lieux avec Jean-Luc Fournival, président de l'Union nationale des pharmacies de France (UNPF).
" L'informatisation du circuit du médicament en EHPAD nécessite du courage politique "
Pensez-vous que l'informatisation du circuit du médicament soit un progrès fondamental pour les EHPAD ?
Dans le domaine de la santé et en particulier pour les médicaments, le maître-mot est traçabilité. Dès lors, l'informatique peut apparaître comme l'outil idéal pour sécuriser la dispensation et suivre au plus près le produit pharmaceutique afin d'être capable de remonter jusqu'à son producteur ou à l'inverse son destinataire final en cas de problème, tant en EHPAD qu'à l'officine. Car ce qui est bon pour le résident en EHPAD est tout aussi bon en ville, en matière d'observance et de limite du risque iatrogène. C'est à ce prix que les pharmaciens pourront répondre point par point aux exigences de qualité et éviter que des médicaments contrefaits puissent pénétrer la chaîne de soins. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de la sérialisation qui va permettre de suivre informatiquement non plus un lot de boîtes mais chaque boîte de médicament.
L'interfaçage des logiciels entre l'EHPAD et la pharmacie d'officine optimise et sécurise la transmission des prescriptions. Est-ce aujourd'hui au point ?
Aujourd'hui, ces logiciels commencent à bien fonctionner. Mais c'est une évolution récente qui devra encore être améliorée pour être optimale, dès lors que les éditeurs de logiciels accepteront de réaliser les investissements nécessaires à ces développements.
Quelles sont les mesures nécessaires pour assurer une traçabilité irréprochable de la préparation des doses à administrer (PDA) ?
Dans le livre blanc que l'Union nationale des pharmacies de France (UNPF) a publié en 2015, nous avons réclamé la mise en place systématique de techniques de traçabilité et de suivi de la prescription jusqu'à l'administration, telles que la photographie systématique du patient, du médicament et de la boîte ainsi que le scan des ordonnances afin de pouvoir les comparer et bien évidemment l'archivage de toutes ces informations et leur transmission à l'EHPAD. Il faudra en outre que les logiciels de planification puissent être contrôlés et contrôlables afin de pouvoir analyser le millefeuille thérapeutique et ainsi vérifier la justesse des dosages et les éventuelles interactions. Sans oublier des robots capables de s'auto-contrôler à partir des informations collectées et conservées en mémoire pendant cinq ans. En cas de problème, un rapport d'intervention pourra ainsi être transmis à l'EHPAD. J'ajouterai que les politiques ne pourront être convaincus de l'intérêt de la Prescription des doses à administration (PDA) sans facturation à l'unité.
Quels sont les freins encore existants à la mise en place d'une prépration des doses à administrer (PDA) sécurisée en EHPAD ?
Selon le livre blanc de l'UNPF*, la préparation des doses à administrer (PDA) automatisée, associée à un protocole de vérification physique et automatisé permettrait de réduire le taux de non-conformité des doses préparées de 15% à 2%o. Appliquée aux maisons de retraite, cette PDA pourrait générer 42,5 millions d'euros d'économies. Les freins à cette évidence économique et sociale sont politiques. J'en veux pour preuve la non parution du décret sur la PDA qui à l'instar de bien d'autres textes - arrêté relatif à la convention cadre EHPAD-officine, arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments - est bloqué par l'administration centrale, depuis 2013, faute de courage politique. Cette situation est d'autant plus regrettable que les directeurs d'EHPAD sont généralement ambitieux et favorables à la qualité et à la sécurisation industrielle. Ils aimeraient opter pour un process à même de renforcer l'observance et de réduire la iatrogénie, mais n'osent pas franchir le pas en l'absence d'un cadre réglementaire bien précis.