« Les idées ne sont pas faites pour être pensées, mais vécues », écrivait Malraux dans La Condition humaine. L'intergénération existe au-delà de tout discours et affirmations idéologiques.
L'intergénération n'est pas une idée, c'est du vécu !
Elle s'exerce avant toute chose au coeur de la famille. C'est ce vécu partagé par la très grande majorité d'entre nous, au sein de nos propres familles, qui donne son caractère universel et si facilement compréhensible à cette notion d'intergénération.
Le concept d'intergénération étend ce lien à l'ensemble de la société, par l'école évidemment où tout passe par cette transmission entre générations, mais aussi par tous les mécanismes d'entraide et d'accompagnement social, par les petits services que chacun se rend entre voisins, et plus largement par ce sentiment d'une histoire commune à transmettre et à enrichir par les échanges entre les citoyens de tous âges et de toutes conditions. Souvent l'intergénération prend tout son sens, ou tout son manque, sur les territoires de vie, là où le quotidien se déroule.
Au sein de l'entreprise l'intergénération est un combat
Non pas en raison de difficultés entre les âges mais surtout par l'éviction des plus âgés, institutionnalisée pendant plus de 30 ans par les pré retraites et aujourd'hui par le chômage des seniors, et par la difficulté croissante d'une partie des jeunes, en particulier les moins qualifiés, à trouver un emploi.
Dans le monde de l'entreprise, les représentations y restent très lourdes : vision négative des jeunes et forte déconsidération pour les seniors et l'expérience.
Reste que les évolutions sont là
La fracture numérique laisse place à une réciprocité. Les retraités sont aussi des mentors pour les plus jeunes. A l'inverse, les jeunes viennent régulièrement à la rescousse des plus âgés. Qui n'a pas entendu un grand-père raconter admiratif comment sa petite fille a remis en marche en 2 minutes son téléphone portable ?
Pour autant, la tentation est grande d'opposer les générations, d'évoquer des inégalités d'âge plutôt que d'aborder la question sociale, de professer un certain mépris pour les aînés, les moins agiles avec la modernité, les technologies, le nouveau monde, les plus fragiles et malades... Le risque réside aussi dans une forme de ségrégation des territoires, de villes séparées entre quartiers de jeunes et quartiers de vieux. La mythologie des générations et de différences imaginaires entre les générations continuent d'irriguer les discours convenus. Certains parient sur une guerre des générations au risque de la barbarie.
La force de l'intergénération réside dans la valorisation de la réciprocité et de la transmission
La prise de conscience de notre interdépendance et de la nécessité d'être en lien bienveillant avec l'autre, et la satisfaction éprouvée grâce à ce lien entre générations, rendent l'intergénération si précieuse. L'intergénération ne s'impose pas, elle se construit, entre les personnes, sur les territoires...
Serge Guerin
Sociologue, professeur à l'Inseec SBE, dirige le Master « Directeur des établissements de santé » et vient de publier Les quincados, Calmann-Lévy