17 années furent nécessaires pour cheminer de la première expérimentation de l'HAD en EHPAD, en Maine et Loire en 2003, à une levée progressive de toutes les restrictions de l'intervention de l'HAD dans l'ensemble du secteur social et médico-social, car le principe de non double prise en charge par l'assurance-maladie faisait obstacle.
L'intervention de l'HAD en EHPAD, les grandes étapes d'une transformation organisationnelle majeure (2003-2020)
Cette évolution graduelle est parvenue à son étape ultime avec la parution de deux fiches ministérielles rédigées dans le contexte de la crise sanitaire du COVID-19, qui autorisent le médecin coordonnateur d'un EHPAD à prescrire une HAD pour un résident de l'établissement dans lequel il exerce.
Le secteur des EHPAD, en dépit des critiques dont il fait souvent l'objet, a ainsi été le creuset de l'impulsion puis du déploiement d'une innovation organisationnelle majeure concernant l'intervention conjointe de l'HAD avec les établissements et services sociaux et médico-sociaux, mais aussi de la dialyse péritonéale.
Dans un article plus développé, accessible sur geroscopie.fr, David Causse1 et Jérôme Pollet2, qui furent ensemble à la fois acteurs et témoins de cette véritable épopée, partagent cette histoire et analysent à la fois le processus de transformation des règles du jeu, mais aussi d'évolution des cultures professionnelles.
Trois phases peuvent être identifiées dans ces 17 années de décloisonnement des repères et des cultures professionnelles des parties prenantes sanitaires, sociales et médico-sociales : Celle de 2003 à 2007, pour l'intuition initiale de Jérôme Pollet en Maine et Loire, et l'impulsion portée par David Causse au plan national. Celle de l'élargissement progressif à d'autres activités de soins, sociales et médico-sociales, de 2011 à 2018. Puis enfin celle de la facilitation de la prescription de l'HAD, dont l'assouplissement était une condition du déploiement plus rapide, de 2017 à la crise sanitaire de 2020.
Il y a lieu de souligner le caractère très transversal, sur le plan statutaire, de cette innovation organisationnelle : imaginée dans le secteur privé de statut commercial (LNA Santé), elle est concrétisée au plan national par l'initiative du secteur public (FHF), puis déployée dans l'ensemble du secteur social et médico-social et à d'autres activités de soins avec une problématique similaire par les démarches du secteur privé non lucratif (FEHAP). Elle est enfin élargie dans ses indications et modalités de prescription par une mobilisation interfédérale (FEHAP, FHF, FHP, FNEHAD, Unicancer) animée par la FNEHAD, puis endossée pleinement par le Ministère des Solidarités et de la Santé dans ses décisions pour la crise sanitaire du COVID-19.
L'intuition et l'impulsion initiales (2003-2007)
2003 : Initiative expérimentale de Jérome Pollet dans le Maine et Loire d'HAD en EHPAD, avec l'autorisation de la DDASS et de la CPAM.
Avril 2005 : Dispositions de la Loi dite Leonetti sur la fin de vie, rendant obligatoire l'insertion d'un volet soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux, à la suite de propositions de la FHF où exerçait David Causse.
Février 2007 : Parution du décret ouvrant les possibilités d'intervention de l'HAD en EHPAD, levant le blocage de l'interdiction de double prise en charge par l'assurance-maladie, mais avec des indications limitatives.
L'élargissement à d'autres activités de soins, sociales et médico-sociales (2011-2018)
Octobre 2011 : Congrès de la FEHAP à Lyon, où l'élargissement de l'intervention de l'HAD aux établissements médico-sociaux du secteur du handicap, enfants comme adultes, est demandée dans son allocution d'ouverture à Nora Berra, ministre de la Santé, par le président de la FEHAP, fédération où exerce David Causse depuis début 2009. Présentation publique de la première édition des études régionales de la FEHAP sur « Les services sanitaires, sociaux et médico-sociaux à domicile »3, dans laquelle la FEHAP avance pour la première fois l'hypothèse et la proposition de l'intervention conjointe de l'HAD et de SSIAD dans certaines situations de soins palliatifs (cette proposition sera enfin concrétisée réglementairement en 2018).
Novembre 2011 : Parution du décret autorisant la prise en charge par l'assurance-maladie de la dialyse péritonéale (DP) en EHPAD, puis dans les Unités de Soins de Longue Durée (USLD), concrétisation des propositions de la FEHAP, reposant sur l'analogie avec l'autorisation de l'intervention de l'HAD en EHPAD, en dépassant la même interdiction de doubles prises en charge par l'assurance-maladie.
Décembre 2011 : Nora Berra confie une mission à Pascal Jacob, dont l'enjeu de la possibilité d'intervention de l'HAD dans les autres établissements sociaux et médico-sociaux.
Février 2012 : Remise du rapport de Pascal Jacob portant comme titre : « Pour la personne handicapée : Un parcours de soins sans rupture d'accompagnement. L'hospitalisation au domicile social ou médico-social ».
Décembre 2012 : Parution du décret ouvrant l'HAD dans l'ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux, du handicap mais également de l'enfance et de l'exclusion.
Décembre 2016 : Congrès de la FNEHAD à Paris, où est annoncée la levée des limitations à seulement certaines indications de l'HAD en EHPAD par Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Solidarités, dans le contexte du plan 2015-2018 de développement des soins palliatifs.
Janvier 2017 : Parution de l'arrêté levant les restrictions, donc ouvrant à toute indication médicale l'intervention de l'HAD en EHPAD, dans un contexte de soutien unanime des fédérations hospitalières (FNEHAD, FEHAP, FHF, FHP).
L'élargissement des prescripteurs habilités de l'HAD en ESMS (2017-2020)
Mai 2017 : Parution du décret ouvrant la possibilité de prescription de l'HAD « au médecin désigné par le patient », expression suggérée par David Causse, en complément à la prescription par le seul « médecin traitant ». En effet, le « médecin traitant » n'est pas toujours mobilisable en urgence pour prescrire et accompagner une HAD ; et il est de plus en plus difficile à trouver pour de nombreux patients et résidents, dans de nombreux territoires.
Avril 2018 : Parution des décrets ouvrant la possibilité d'intervention conjointe à domicile d'HAD et de SSIAD ou SPASAD.
Mars 2020 : Crise sanitaire du COVID-19 : parution d'une fiche ministérielle précisant que l'HAD en EHPAD peut être prescrite par le médecin coordonnateur dudit EHPAD. La boucle est bouclée, 17 ans après.
Mai 2020 : Crise sanitaire du COVID-19 : parution d'une fiche ministérielle qui précise que « lorsque l'urgence de la situation le justifie, l'admission en HAD peut être réalisée sans qu'une prescription médicale n'ait été formalisée ».