05/10/2020  -  HAD  11361

L'intervention de l'HAD en EHPAD puis en établissement ou service médico-social : le parcours professionnel, législatif et réglementaire d'une innovation organisationnelle majeure

Les nombreux mérites de l'intervention de l'Hospitalisation à Domicile (HAD) en établissement et service social et médico-social ont été largement mis en avant et mobilisés pendant la crise du COVID-19. Peu nombreux cependant sont celles et ceux qui savent comment cette innovation organisationnelle majeure est devenue progressivement une évidence, après avoir été rendue possible.

Dans leurs fonctions antérieures, les deux co-auteurs -qui se sont récemment retrouvés fortuitement à l'occasion d'un autre dossier- ont été à la fois acteurs et témoins de ce cheminement, il y a 17 ans déjà pour la première mise en place expérimentale et 13 ans pour l'intégration officielle dans le code de la santé publique ! Ils ont convenu de faire partager cette histoire instructive.

De l'intuition à l'expérimentation locale dans le Maine et Loire

L'émergence et l'écoute du besoin

Alors directeur opérationnel d'un réseau de trois établissements privés sur Angers, constitué d'une clinique de court séjour, d'un EHPAD et d'un hôpital à domicile, Jérome Pollet a pu vivre au plus près les besoins transverses de soins entre les établissements de santé, le lien avec les EHPAD et la ville notamment sur les retours à domicile ou leurs substituts sociaux et médico-sociaux.

Force était de constater qu'un certain nombre d'hospitalisations de résidents pouvaient être envisagées différemment avec l'intervention de l'hôpital à domicile. Cette approche était pertinente à la fois pour le résident, les soignants et sur un plan sociétal.

Pour le résident tout d'abord, cette approche permet d'éviter les déplacements auprès des structures hospitalières et réduire ainsi les risques accrus de désorientation générés, de bénéficier de l'accompagnement par les mêmes équipes de l'EHPAD auxquelles il est habitué complétée de l'intervention à son chevet d'une équipe hospitalière expérimentée pour des soins aigus et complexes. De la même manière, à l'instar de la plupart des souhaits exprimés en matière de soins palliatifs et lieu de décès, ce dispositif permet pour le patient/résident d'être maintenu dans son lieu de vie habituel jusqu'au dernier moment.

Pour les soignants, ensuite, les équipes de l'EHPAD peuvent poursuivre leur accompagnement des résidents en évitant les coupures de séjours et désagréments liés aux désorientations de ces derniers suscités par les changements spatio-temporels corrélés à des hospitalisations. Cette approche, innovante à l'époque, permettait également de renforcer les équipes médico-sociales de l'EHPAD par un travail collaboratif avec les équipes hospitalières de l'HAD.

Enfin sur le plan sociétal, l'HAD apporte indéniablement une réponse dans l'articulation et la fluidification des actions des acteurs sanitaires, médico-sociaux, sociaux et de ville au service des patients/résidents. En effet, à la fois, comme précisé plus haut, par l'apport d'une réponse adaptée aux souhaits exprimés en matière de soins palliatifs et de lieu de décès mais également en contribuant à la réduction des durées moyennes de séjours et du recours à l'hôpital. Ainsi, les ressources humaines, techniques et logistiques apportées par l'HAD permettent d'offrir à domicile ou son substitut un haut niveau de soins et d'accompagnement pluridisciplinaires. Celles-ci contribuent grandement au maintien des résidents/patients dans leurs lieux de vie quotidienne.

Egalement, en qualité d'alternative à l'hospitalisation, l'HAD concoure à l'efficience du système de santé en favorisant le maintien des patients/résidents dans le lieu le plus adapté, avec les ressources adéquates et sur une durée répondant au mieux à ses besoins.

Le blocage issu de la règle de non double prise en charge par l'assurance-maladie

Une fois ces constats réalisés, la question de la faisabilité se heurtait à plusieurs écueils dont celui notamment du double financement par l'assurance maladie.

En effet, l'EHPAD fonctionne avec un triple financement : celui des soins est établi par l'Etat et assuré par l'assurance maladie, la dépendance est couverte par le conseil départemental, l'hébergement par le résident ou le conseil département dès lors que l'établissement est habilité à l'aide sociale, et si le résident est éligible du fait de faibles ressources.

Parallèlement, l'HAD est financé entièrement par l'assurance maladie sous forme de tarification à l'activité qui couvre tous les actes de soins médicaux & paramédicaux, pharmaceutiques, d'accompagnements psychologiques et sociaux, alors qu'une petite partie est déjà prise en charge et financée par la dotation soins de l'EHPAD. Même modeste, le double financement était indéniable.

La bonne rencontre avec la DDASS et la CPAM 49

Ayant à l'esprit l'ensemble de ces contraintes, Jérome Pollet adressa alors en 2003 à la DDASS du Maine et Loire et à la directrice de l'assurance maladie du département une requête permettant d'explorer, de façon expérimentale, la possibilité de pouvoir faire bénéficier les résidents de l'intervention des équipes de l'HAD au sein de l'EHPAD qu'il dirigeait. Il proposait que cette expérimentation soit complétée d'indicateurs permettant de mesurer la pertinence de ce dispositif et d'en tirer toutes les conclusions possibles.

A sa grande surprise, sa sollicitation a été retenue non seulement pour le périmètre proposé mais également pour l'ensemble des EHPAD présents sur le territoire couvert par l'HAD (Angers et son agglomération à l'époque).

En effet, une réponse favorable de la CPAM 49 dans ce sens venait asseoir cette validation en ayant complètement intégrer la pertinence d'alternative à l'hospitalisation et d'impact sur les durées de séjours et les recours hospitaliers des résidents.

Le partage décisif avec le pôle Organisation sanitaire, sociale et médico-sociale (POSMS) de la Fédération Hospitalière de France (FHF)

Dans le cadre des démarches de déploiement de ce dispositif innovant, Jérome Pollet a pu rencontrer la FHF avec son Délégué Général Adjoint d'alors - David Causse, responsable du POSMS. Convaincus ensemble de la pertinence de cette démarche, ils ont immédiatement convenu de la nécessité d'une communication élargie sur ce sujet afin de faire bénéficier au plus grand nombre de cette « expérience »... et de mobiliser les capacités techniques et tactiques de la FHF, en termes d'inspiration positive des politiques publiques

De l'expérimentation locale à la publication par Légifrance

La dynamique de la Loi dite « Leonetti » sur la fin de vie (2005-370 du 22 avril 2005)

L'innovation organisationnelle du Maine et Loire ne trouva pas immédiatement preneur auprès des administrations centrales, notamment de la Direction de la Sécurité Sociale et de la CNAM qui demeuraient fort timides concernant la promotion de l'HAD. Ces deux instances étaient aussi ancrées sinon un peu engoncées dans leur paradoxe des « alliés-rivaux » avec les professionnels de santé libéraux et leurs organisations nationales : en négociation conventionnelle parfois rude sur certains sujets tarifaires, mais toujours en accord pour en tenir les autres composantes professionnelles ou institutionnelles à l'écart ! Et puis les infirmiers libéraux étaient à l'époque à la fois dans la retenue vis-à-vis de l'HAD, et encore dans un sentiment d'éviction des EHPAD, dont la réforme de la tarification avait conduit progressivement à une substitution par des infirmiers salariés. Bref, HAD et organisations d'infirmiers libéraux se regardaient un peu en chiens de faïence, ce qui faisait la retenue de la DSS et de la CNAM.

Par ailleurs, le périmètre et le contenu des tarifs, d'HAD comme des EHPAD, relevait techniquement (relève toujours) d'une compétence purement réglementaire, donc entre les mains de l'administration centrale, de ses prudences comme de ses habitudes. Même si nous savons aujourd'hui, avec le recul, que le développement de l'HAD comme celui de l'activité des infirmiers libéraux vont de concert, sont en synergie pour la réussite globale du virage ambulatoire. L'expérience de David Causse était qu'un déblocage de cette ampleur allait requérir une dynamique politique de haut niveau. L'opportunité fût apportée par le vecteur législatif de la Loi dite Leonetti : Paulette Guinchard -précédemment secrétaire d'Etat aux personnes âgées et à l'époque vice-présidente de l'Assemblée Nationale- accepta de porter et de faire partager des amendements qui devinrent ses articles 13 et 14 rendant obligatoire notamment la rédaction d'un volet soins palliatifs dans le projet d'établissement d'un EHPAD, comme dans les conventions tripartites (devenues CPOM ensuite). Ces dispositions figurent toujours à l'article L.311-8 CASF, et aussi au I du L.313-12 CASF. Rappelons que cette Loi fût votée à l'unanimité par l'Assemblée Nationale à l'époque, dans la contexte d'une tribune très oecuménique politiquement, parue dans Le Monde quelques jours avant le vote, cosignée notamment par Jean Leonetti, porteur du texte mais aussi par Paulette Guinchard, et Claude Evin, tous deux députés à l'époque ... mais aussi administratrice et président de la FHF.

Dans un communiqué de presse du 13 avril 2005, la FHF salua immédiatement le consensus législatif, avec ces deux articles adoptés dans les mêmes termes par le Sénat, demandant en conséquence la possibilité d'intervention d'HAD en EHPAD. Plutôt que la transhumance souvent regrettable de près d'une centaine de milliers de résidents chaque année vers les services aigus hospitaliers, quelques jours sinon quelques heures avant un décès.

Du projet d'établissement à la nécessité de permettre l'HAD pour les soins palliatifs en EHPAD

La manoeuvre était désormais engagée. Deuxième étage de la fusée : Comment réaliser des soins palliatifs dans les 8.000 EHPAD de notre pays sans les compétences dont ils ne disposaient évidemment pas ? (Et qu'on ne leur donnerait pas). La voix de l'HAD s'imposait donc, sachant que cette composante des soins palliatifs représente près d'un tiers des soins aigus délivrés par des HAD, les pansements complexes et le nursing lourd étant les deux autres composantes.

Dans la foulée, un groupe de travail ministériel a été réuni pour la rédaction de ce qui devint le décret du 22 février 2007 puis la circulaire du 5 octobre de la même année : dans ce cadre, les deux co-auteurs ont été à nouveau amenés à travailler de concert pour rendre disponible cette nouvelle organisation sur l'ensemble du territoire national. Ce n'était pas parfait : des restrictions avaient été posées sur les situations éligibles à l'HAD en EHPAD, levées ultérieurement grâce à l'action conjointe des fédérations hospitalières qui fût animée par la FNEHAD (Arrêté du 26 Janvier 2017), mais la dynamique était bien là, et a fait tache d'huile ensuite.

De l'ouverture réglementaire pour l'HAD en EHPAD à un déploiement similaire pour d'autres modalités de soins d'épuration extra-rénale (dialyse) et pour d'autres ESMS (2007-2012)

En fonctions à la FEHAP quelques années après ses années à la FHF, David Causse y découvrit les activités de dialyse « hors centre », très majoritairement portées par le secteur associatif. Il y constata un blocage analogue à celui rencontré pour l'HAD en EHPAD, concernant la promotion de la dialyse péritonéale. L'enjeu était similaire concernant la qualité des soins et l'efficience, mais il convenait d'y ajouter l'intérêt d'éviter des trajets itératifs pesants (et coûteux) vers les centres lourds d'hémodialyse.

Cette analogie fût heureuse et s'avéra efficace pour le développement de la dialyse péritonéale en EHPAD puis en Unité de Soins de Longue Durée (USLD), avec la parution du Décret n°2011-1602 du 21 novembre 2011 relatif à la prise en charge des actes de dialyse péritonéale réalisés par les infirmiers libéraux en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Pour les USLD, cousins sanitaires issus de germains des EHPAD du point de vue de leur structure tarifaire ternaire, une année supplémentaire fût nécessaire pour que les administrations centrales accueillent favorablement le parallélisme avec la situation des EHPAD, dans le contexte favorable de forts encouragements au déploiement de la dialyse péritonéale en général inscrits dans les Instructions annuelles pour l'amélioration de la gestion du risque.

Concernant les autres établissements médico-sociaux avec hébergement que les EHPAD, pour lesquels la règle de non-double prise en charge faisait encore obstacle à l'intervention de l'HAD, c'est le congrès national de la FEHAP tenu à Lyon en Octobre 2011 qui permit l'avancée suivante. Dans son discours du 7 Octobre en réponse à l'allocution du président Antoine Dubout qui proposait pragmatiquement que l'HAD dans les autres ESMS soit expérimentée, évaluée puis déployée dans quelques territoires avec les accords de participation de la Fondation Santé Service, de l'Association des Paralysés de France France Handicap et de l'Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH), pour se présenter dans un registre de « prise de risque limitée » et d'une « proposition qui ne se refuse pas », Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé lui répondit : « Vous avez évoqué votre souhait de voir se développer l'HAD dans les structures pour enfants et adultes handicapés. Je vais lancer un groupe de travail sur cette question et, bien sûr, vos propositions en termes d'expérimentation sont les bienvenues pour pouvoir évaluer au mieux les conditions de développement de cette offre hospitalière  ».

Quelques temps après et mieux encore, une mission était confiée à Pascal Jacob sur l'amélioration des modalités de soins et d'accompagnement des personnes handicapées, et sa dynamique très consensuelle saluée par un communiqué conjoint APF-FEGAPEI-FEHAP du 15 février suivant permit d'embarquer l'ensemble de la « famille d'activités » non seulement médico-sociales mais aussi sociales avec hébergement dans le bénéfice possible d'une intervention de l'HAD (décrets n°1012-1030 et 1012-1031 du 6 décembre 2012). Il a fallu donc une année entre l'impulsion politique et la concrétisation réglementaire ; la concrétisation dans les cultures et pratiques professionnelles s'inscrit pour sa part dans une temporalité plus longue encore, nous y reviendrons.

A ce même congrès de la FEHAP de fin 2011, intervînt également la présentation publique de la première édition des études régionales de la FEHAP sur « Les services sanitaires, sociaux et médico-sociaux à domicile », réalisées avec le Pr Emmanuel Vigneron et Sandrine Haas (téléchargeables gratuitement sur le site www.fehap.fr /Publications/Etudes), dans laquelle la FEHAP avançait pour la première fois l'hypothèse et la proposition d'autoriser l'intervention conjointe de l'HAD et de SSIAD dans certaines situations de soins palliatifs. La proposition sera émise à nouveau dans la seconde édition de Novembre 2013, constitutive des suggestions de la FEHAP pour la stratégie nationale de santé.

Tous ces petits cailloux blancs mis bout à bout, avec de la suite dans les idées, il ne demeurait donc plus qu'à intégrer les services médico-sociaux à domicile (SSIAD et SPASAD) dans le bénéfice possible pour les usagers de l'intervention conjointe avec l'HAD. Là encore, ce fût la dynamique politique du nouveau plan de développement des soins palliatifs 2015-2018, avec les décrets 2018-271 du 13 avril 2018 et 2018-430 du 1 er juin 2018 (et Arrêté de la même date) portés cette fois-ci par Marisol Touraine et son cabinet qui permit de remettre le couvert pour la FEHAP comme pour toutes les fédérations hospitalières pleinement et solidairement parties prenantes de développement de l'HAD (FNEHAD, FHF, FHP, Unicancer). Les réticences étaient attendues sinon traditionnelles du côté de la DSS et de la CNAM, dans un domaine où les ambiguïtés et difficultés liées aux indus sont fréquentes. Plus inattendues et embarrassantes furent celles des fédérations positionnées sur les seuls soins et aide à domicile, redoutant notamment que le « pot de fer » sanitaire de l'HAD ne vienne défaire ou perturber le « pot de terre » médico-social des SSIAD et SPASAD. La forte présence de la FEHAP sur les deux champs de l'HAD (60 % de l'activité nationale) comme des SSIAD (35 %) joua un rôle rassérénant, car cette fédération est indéniablement la plus hospitalière des fédérations sociales et médico-sociales, comme la plus sociale et médico-sociale des fédérations hospitalières.

L'enjeu de la prescription de l'HAD et sa facilitation

Restait enfin à faciliter pour les usagers des ESMS, comme pour les autres, la prescription de l'HAD, relevant d'un médecin hospitalier ou exerçant en ville. Celle-ci suppose en effet une connaissance des indications, des mérites et des limites de l'HAD, voire une disponibilité qui ne sont pas toujours assurées, notamment pour les médecins libéraux en ville. Le décret 2017-817 du 5 mai 2017 apporta une première simplification que David Causse avait suggérée et fait partager aux autres parties prenantes, en ajoutant à la notion de « médecin traitant » l'expression alternative « ou le médecin désigné par le patient » (D.6124-306 CSP), ce qui rendait alors réglementairement possible la prescription par le médecin coordonnateur de l'HAD, notamment lorsque l'usager ne dispose pas de médecin traitant. Fort heureusement, être coordonnateur d'une HAD ne fait pas perdre la qualité de médecin ! (comme en EHPAD). La FEHAP, la FHF, la FNEHAD, la FHP et UNICANCER s'empressèrent de saluer conjointement la parution de ce texte dans un communiqué de presse le 9 mai, car nous étions ici dans le dernier JO de publication de textes de cette mandature. Après, il eût fallu repartir à zéro, avec de nouvelles équipes à convaincre, soit 18 mois de délai à tout le moins ...

Dans le même esprit, et pour éviter des pertes de chances d'HAD pour les usagers, la crise sanitaire du COVID-19 conduisit les pouvoirs publics à prendre la décision très heureuse de simplifier plus avant encore ses modalités de recours, en précisant dans les Fiches du 30 mars puis du 14 mai 2020 : « lorsque l'urgence de la situation le justifie, l'admission en HAD peut être réalisée sans qu'une prescription médicale n'ait été formalisée » et, et la boucle est alors bouclées avec les premières initiatives en Maine et Loire en 2004, « la prescription de la prise en charge en HAD peut être faite par tout médecin, y compris le médecin coordonnateur de l'EHPAD ».

Quels enseignements de cette petite épopée sanitaire, sociale et médico-sociale, de l'HAD dans les EHPAD et autres ESMS ?

La créativité et la légitimité démonstratives des pratiques de terrain

Cette expérience, comme parmi tant d'autres, démontre la nécessité impérieuse de laisser la possibilité aux acteurs de terrains de disposer d'une certaine latitude d'innovation avec leurs autorités de contrôle et de tarification, sur un territoire donné, pour contribuer à renouveler le regard sur les besoins de santé, les pratiques professionnelles souhaitables en réponse. En effet, étant sur le terrain au quotidien ils sont les mieux placés pour voir quels sont les besoins actuels et à venir et suggérer des solutions adaptées, notamment lorsqu'elles sont décloisonnées.

Ainsi, en permettant aux acteurs de proximité de pouvoir se coordonner en estompant les barrières historiques, statutaires et culturelles, en favorisant la prévention des situations suraigües exigeant une hospitalisation à plein temps, notre système de santé pourrait plus aisément faire face aux enjeux d'aujourd'hui et de demain (pyramide des âges de la population, démographie et attractivité des professionnels, coûts de la santé et besoins d'efficience).

Le rôle possible des corps intermédiaires comme la FHF, la FEHAP ou la FNEHAD

Les corps intermédiaires ont été très critiqués pour leur incapacité à contribuer à la résolution de nombre de difficultés de la société française et de nos concitoyens, au-delà des seules questions sanitaires, sociales et médico-sociales. Ou parce qu'ils privilégient la communication, soit élégiaque soit constamment critique, plutôt que l'implication concrète dans les réformes nécessaires. Les remises en question régulières sont bienvenues pour tous les corps intermédiaires (pas seulement les fédérations) comme pour les pouvoirs publics nationaux et régionaux. Pour autant, il est frappant de constater combien la ténacité indispensable sur cette innovation organisationnelle transversale de l'HAD (et de la dialyse péritonéale) en ESMS a exigé plus de 15 années d'initiatives et de relances continues. Lorsque les corps intermédiaires savent être à l'écoute des frémissements innovants des collègues en charge sur le terrain, puis se comportant un peu comme des organistes sachant jouer du pédalier, des deux claviers et de tous les jeux du grand orgue constitué par le système décisionnel national, avec tous ses tuyaux parfois étanches, alors ils jouent un rôle précieux, dans la modernisation des pratiques au service de nos concitoyens.

Au titre des corps intermédiaires, il est utile également de souligner le rôle d'impulsion joué par la DDASS de Maine et Loire dès 2004, pour souligner qu'il s'agissait d'un maillon d'administration publique et de cadres qui étaient alors dans une réalité authentiquement transversale, à la fois sanitaire (hospitalier et ville), sociale et médico-sociale. Cette transversalité décisionnelle n'existe plus aujourd'hui, à l'exception au plan national de la Haute Autorité de Santé depuis sa reprise au 1 er Janvier 2018 de l'ANESM. Ce constat pourrait utilement interroger, ainsi que celui d'une prise d'écart très importante entre le champ social et médico-social,

La décennie, les réalités et délais de transformation des cultures professionnelles

La patience nécessaire pour inspirer puis faire émerger une politique publique suppose aussi -cette histoire le montre également- la constance indispensable dans la pédagogie pour réussir un déploiement progressif. Si la double prise en charge de l'HAD en EHPAD a été autorisée au plan national en 2007, son décollage dans les chiffres ne s'est manifesté vraiment que 8 à 9 ans après. En dépit de l'impatience compréhensible des gouvernants comme des communicants et des réseaux sociaux, il y a lieu d'écrire c'est souvent le temps de percolation nécessaire à la transformation profonde des pratiques professionnelles, donc ce qui permet la concrétisation d'une politique publique pour les usagers sur le terrain. D'autant qu'aujourd'hui, les obligations de mobilité très rapide des cadres supérieurs des administrations centrales -3 ou 6 ans au mieux- font que la mémoire des fonds de dossiers, comme des voies de passage et des soutiens mobilisables pour surmonter telle ou telle mauvaise passe, se perd très vite. Les corps intermédiaires peuvent parfois suppléer aux trous de mémoire, ou suggérer des analogies utiles dans la longue durée.

Enfin, les interrogations critiques ont été nombreuses concernant le faible recours à l'HAD dans les ESMS hors EHPAD depuis Décembre 2012, et des retards d'appropriation des communautés professionnelles, certes. Mais constatons ensemble qu'on ne les entend plus depuis la crise sanitaire de la COVID-19 et les besoins opérationnels qu'elle a mis sur le devant de la scène ...


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