Que faire pour renforcer l'attractivité des métiers du grand âge ? C'est à cette question que doit répondre la mission confiée à Myriam El Khomri, début juillet, par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. La conférence nationale des directeurs d'établissements pour personnes âgées et handicapées (CNDEPAH) apporte sa pierre à l'édifice et formule une série de préconisations, dans une contribution remise à l'ex-ministre du Travail.
La CNDEPAH formule une série de préconisations pour la Mission El Khomri
« Les ratios actuels, entamés par un absentéisme globalement en hausse, ont emmené un recentrage insatisfaisant du métier d'aide-soignant (AS) vers les soins de nursing. Les AS déplorent une perte de sens, une course perpétuelle contre la montre, les privant de temps relationnel suffisant. Le métier d'AS est vécu comme potentielle source de frustration », déplore la conférence nationale des directeurs d'établissements pour personnes âgées et handicapées (CNDEPAH) présidée, depuis mai dernier, par Emmanuel Sys.
La conférence représentant les directeurs d'établissements médico-sociaux de la fonction publique hospitalière formule à l'intention de la mission El Khomri une série de préconisations pour mettre fin à « l'extrême précarité d'un modèle » grâce notamment à une « augmentation indispensable » des effectifs.
1 AS pour 7 résidents le matin
En premier lieu, la CNDEPAH considère que le ratio soignant nécessaire au bon fonctionnement des EHPAD correspond à « 1 aide-soignant pour 7 résidents le matin, soit globalement une augmentation de 42% par rapport aux effectifs actuels (1 pour 10 le matin) ».
Cette augmentation des effectifs doit s'accompagner «d'une réforme architecturale des unités des EHPAD », juge la CNDEPAH. Et de proposer d'organiser le travail des équipes au sein d'unités ne dépassant pas 20 lits et placées sous la responsabilité d'un cadre intermédiaire de terrain ». « Les futures unités de 20 lits doivent être composées de 3 soignants, majoritairement aides-soignants, le matin et de 2 soignants l'après-midi, tous les jours de la semaine, week-end compris », précise la conférence représentant les directeurs d'établissements médico-sociaux de la fonction publique hospitalière. « Les petites unités, au personnel soignant stable et dédié, sous l'animation d'un cadre de terrain (de type Infirmier coordonnateur), constituent à la fois une réponse à la demande d'individualisation des usagers et de leurs familles, mais aussi concourent au sentiment d'appartenance du personnel, au renforcement de la solidarité professionnelle et donc à la limitation de l'absentéisme».
Le ratio AS/ASHQ passerait alors de 0.365 (chiffre de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques - DREES ) à 0.528. « En faisant le choix de n'augmenter aucune des autres catégories professionnelles en EHPAD, cette augmentation nécessaire des effectifs soignants permettrait d'atteindre un ratio global par EHPAD en moyenne de 0.8 comparativement à 0.63 actuellement », explique la CNDEPAH. Une proposition qui rejoint le taux d'encadrement préconisé par le Haut Conseil de la Famille, de l'Enfance et de l'Âge (HCFEA) présidé par Bertrand Fragonard. « Si l'on y ajoute un personnel d'encadrement intermédiaire par unité de 20 lits, de type IDEC (ou autre formation), le ratio global serait alors de 0.84 », ajoute-t-elle.
Formation ASG obligatoire
Concernant le volet « formation », la CNDEPAH souhaite voir intégrer la formation d'assistant de soins en gérontologie (ASG) [140 heures de formation] comme « un module obligatoire complémentaire à la formation initiale pour tous les AS travaillant en gériatrie ». « Il n'est pas un préalable obligatoirement à l'entrée en établissement gériatrique, mais un attendu dans un délai relativement court (moins de 5 ans) », ajoute-t-elle. Pour renforcer l'attractivité du métier d'aide-soignant en EHPAD, la Conférence de directeurs estime également nécessaire « d'enrichir le parcours professionnel des AS par la possibilité de valider des modules complémentaires facultatifs, permettant l'approfondissement des connaissances gériatriques. » En particulier sur la nutrition, la prévention des chutes, la contention, les soins bucco-dentaires, la fin de vie, la douleur.
Généralisation de la prime ASG
La prime ASG doit être généralisée ET intégrée au traitement indiciaire, et sortir donc de la logique indemnitaire. Elle peut se faire sous la forme d'une nouvelle bonification indiciaire (NBI), ce qui aurait pour avantage de ne pas créer un corps AS différent et de ne pas générer de phénomène statutairement enfermant.
Avec des deux propositions, la CNDEPAH considère que « le double objectif d'amélioration de la qualification des AS et de la valorisation salariale » serait dès lors atteint, « concourant à l'amélioration très significative de l'attractivité des métiers ».
Enfin, la CNDEPAH souligne ce qu'elle qualifie d'« hypocrisie » cachée derrière les statistiques de la DREES selon lesquelles il y a au sein des EHPAD presque autant de personnel AS que de personnel « agent des services hospitaliers (ASH) ». La conférence de directeurs du secteur public rappelle que pour compenser le manque d'effectifs dans les établissements les ASH effectuent par glissement de tâches des missions « souvent très proches de celles des aides-soignants ». Et de rappeler que ces personnels sont « historiquement majoritairement pris en charge par le tarif hébergement et donc par les usagers et leurs familles ». « D'une certaine manière, et sans que cette question n'ait jamais fait l'objet d'un véritable débat, les usagers se substituent à une Sécurité sociale insuffisamment calibrée », critique la CNDEPAH.
« Les soignants, les résidents et leurs familles, ainsi que les personnels de direction que nous sommes et que nous représentons attendent un engagement politique historique, à la hauteur des enjeux et des attentes », insiste la conférence.