Les partenaires sociaux de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) sont entrés dans le dur de la négociation d'une future convention collective unique étendue (CCUE). Entretien avec Marie-Sophie Desaulle, présidente de la confédération d'employeurs Axess (Fehap + Nexem).
« La convention collective unique adoptera une logique de parcours professionnels »
Avec une première échéance fin novembre, le calendrier vers la future CCUE n'est-il pas à marche forcée ?
Le premier volet concerne les classifications-rémunérations et temps de travail, un vaste sujet, certes, mais nous en discutons entre partenaires sociaux depuis un an et demi. Les négociations se poursuivent. Elles ne sont pas encore conclusives mais nous progressons. Axess devra aussi tenir compte des enveloppes financières que le ministère accepte de débloquer pour l'évolution de la masse salariale. En fait, notre confédération doit s'asseoir à deux tables de négociations parallèles... Car passer des deux conventions collectives de 51 et 66 à une CCUE coûtera de l'argent. Je prends l'exemple des aides-soignantes en Ehpad, il faudra bien que le privé solidaire redevienne concurrentiel tant le décrochage est marqué par rapport à la fonction publique hospitalière et territoriale : environ 230 euros par mois. Mais pour le moment, et tant qu'un arbitrage politique n'est pas en vue, les partenaires sociaux en sont aux discussions techniques sur le point crucial du nouveau système de positionnement des emplois...
S'agit-il d'emboîter les deux actuelles conventions ?
Non, nous avons décidé de partir d'une page blanche pour construire une CCUE moderne et attractive. Elle adoptera une logique de parcours professionnels avec possible mobilité au sein de l'ensemble du périmètre couvert par notre branche. La Bass compte un million de salariés, et grâce au dialogue social, nous nous sommes mis d'accord sur d'ambitieux objectifs. Ils figurent d'ailleurs en préambule de notre accord du 4 juin. La future CCUE devra contribuer à l'affirmation du rôle de notre secteur dans la construction d'une société plus inclusive, impliquée et solidaire, en particulier envers ses membres les plus fragiles ; favoriser l'adaptation continue de l'offre sanitaire, sociale et médico-sociale ; assurer une attractivité pérenne par un haut niveau de garanties collectives. Enfin, nous allons consacrer un important focus sur la santé au travail. La sinistralité accidents du travail/maladies professionnelles est la plus haute de tous les secteurs économiques, pas en gravité mais en nombre. Nous prévoyons la création d'un organisme paritaire à l'image de celui du BTP, pour déterminer une politique ambitieuse de prévention des risques professionnels, de la pénibilité et d'amélioration des conditions de travail. Le groupe de travail que nous avons constitué a bien avancé et nous sommes proches du consensus.
Enfin, d'un point de vue salarial, le cap est bien évidemment d'inscrire le dispositif de classification-rémunération dans une démarche de revalorisation générale.
Qu'entendez-vous par logique de parcours ?
Là aussi, Axess et les syndicats sont d'accord pour sortir de la logique du point. Le positionnement des emplois reposera bien sûr sur la qualification, prioritairement, mais aussi sur l'environnement professionnel, les compétences mobilisées, les formations, l'expérience, l'autonomie, le niveau de responsabilité... Des métiers-repères aideront à la compréhension du nouveau système mais en aucun cas la CCUE ne sera une liste de grilles par métiers. Le raisonnement en termes de positionnement des emplois permettra d'ailleurs aux employeurs de recruter dans les métiers nouveaux qui se créeront...
Au-delà du principe, tout l'enjeu de la négociation en cours est évidemment de définir les critères transversaux à retenir et leur valorisation salariale. Je reprends l'exemple des aides-soignantes : à même diplôme d'État, la complexité de l'exercice est différente en service de chirurgie, Ehpad ou service de soins infirmiers à domicile, et des rémunérations différentes peuvent être envisagées par le biais des éléments complémentaires de classification évoqués précédemment. Mais le sujet est ardu et le débat avec les syndicats est ouvert. Avec un enjeu que l'actualité rend pressant : l'évolution de tous les salaires.
Pourquoi ?
Axess tient à faire passer un message important : une attention particulière est donnée aux bas salaires, soit, mais il est devenu indispensable à notre branche de faire évoluer tous les salaires. Avec les récentes augmentations du Smic, l'écrasement des grilles est devenu un repoussoir. Jusqu'à présent rémunérés à hauteur de 1,5 smic, des salariés diplômés se retrouvent quasiment au smic. Comment voulez-vous qu'une aide-soignante ou un éducateur spécialisé ne s'interroge sur l'intérêt de sa qualification, le sens de son métier ? C'est l'attractivité du privé solidaire qui est en jeu.