Réforme des retraites, loi grand âge, urgences saturées, PLFSS, la rentrée 2019 est particulièrement chargée. C'est dans ce contexte que Marie-Anne Montchamp a réuni mercredi 4 septembre quelques représentants de la presse professionnelle pour une mise en perspective des enjeux à venir.
La loi grand âge sera le marqueur social du quinquennat
L'atmosphère est respectueuse et confiante. C'est à l'étage d'un café du 7e arrondissement de Paris, que Marie-Anne Montchamp, calme et reposée après seulement 15 jours de vacances, se livre à un exercice délicat. Un échange à bâtons rompus avec la presse autour du calendrier social, économique et politique de cette rentrée 2019.
Le PLFSS, un arbitrage difficile
La tension économique est forte. Le gouvernement cherche à rationaliser les dépenses. Pourtant le PLFSS pour 2020 a une autre mission, commente t-elle. « Il doit apporter aux parties prenantes le gage que la réforme grand âge mais aussi la future Conférence nationale du Handicap ne seront pas seulement déclaratives mais commenceront à amorcer des réalisations concrètes, grâce au PLFSS. » Elle reconnaît toutefois que le PLFSS ne suffira pas à définir les contours de cette loi grand âge qui compte des aspects plus sociétaux (logement, investissement...). Pour autant il y a quand même un socle sanitaire comme médico-social qui concerne le PLFSS. Elle confirme ainsi rester attentive à observer dans la fabrique du PLFSS les traces de cet engagement.
Le manque de personnel en EHPAD ou à l'hôpital
Sur cette question, Marie-Anne Montchamp n'y va pas par 4 chemins. « Nous sommes dans un système de réponse à la personne fragilisée par l'âge ou sa situation de santé qui aujourd'hui n'est pas configuré pour répondre à la demande. » Quant au modèle, il ne remporte pas l'adhésion des usagers. Le doute est partagé par tous les acteurs, les professionnels, les familles et les personnes. « On n'est d'ailleurs même pas sûr qu'en réinjectant des financements, cela contribue à résoudre les difficultés, à répondre aux attentes. Aujourd'hui, nous avons besoin d'une vraie réforme. Il s'agit de transformer le système en profondeur, d'accompagner la personne vieillissante, de permettre le virage domiciliaire, de réassurer les services à domicile. Cette loi sera le marqueur social du quinquennat. Ce « Je vous ai compris » doit assurer aux citoyens, qu'ils soient professionnels du grand âge ou non, qu'ils ont été non seulement entendus mais surtout compris. Cette loi ne peut donc pas se limiter à une question de financement. Nous sommes actuellement dans l'expression d'une souffrance, d'un « ça ne va pas être possible ». Il est urgent de changer de modèle. »
Le PLFSS doit indiquer qu'on se préoccupe de ces sujets et le traduire en chiffres avec un niveau d'amorçage des financements. L'exercice consiste à tout mettre en oeuvre pour que le ministre obtienne ces arbitrages pour le secteur médico-social. Il faut aussi bien mesurer la porosité entre la santé, le médico-social et les retraites.
La perte d'autonomie, une perte de pouvoir d'achat
Alors qu'on avait l'habitude de penser que la retraite était un « équivalent salaire » minoré d'environ 20%., cela convenait globalement car la maison était achetée et les enfants élevés. Sauf qu'aujourd'hui, avec l'effet du vieillissement et de la perte d'autonomie, le besoin de pouvoir d'achat repart en flèche en fin de vie. Nous devons évaluer le choc du vieillissement en besoin de pouvoir d'achat. Cela interroge forcément la manière dont on aborde la question des retraites. Nous passons d'un système qui garantissait un niveau de revenu de remplacement à un système qui garantit un niveau de cotisations.
L'attractivité des métiers
Notre structure économique et sociale est aujourd'hui dépassée, confirme la présidente de la CNSA. La mission El Khomri travaille à réinterroger les besoins et métiers de demain. Il s'agit ici de fabriquer la cible à atteindre. « Nous devons aussi poser la question du modèle économique. Comment peut-il supporter une amélioration de la rémunération, le retour de l'attractivité... ? Le Conseil de la Caisse (CNSA) va donc s'intéresser de près au modèle économique et se saisir de cette question. La centralisation dans la fabrique de modèles n'a jamais produit de modèles efficaces. L'équation locale pèse sur le modèle. Cela signifie que ce n'est pas pareil de créer un saad dans le 7e arrondissement de Paris ou à Aurillac, tant en terme formation, de transport, de quartier, d'hyper proximité... Il faut donc se garder d'imposer un dispositif. »
La gouvernabilité, un enjeu d'avenir
C'est aujourd'hui la question à laquelle doit se confronter le gouvernement, insiste Marie-Anne Montchamp. Il faut réorganiser la réponse médico-sociale. La réorganisation structurelle, systémique est indispensable, mais le risque de créer un système de protection sociale « low-cost » persiste. Il faut pour cela réinvestir dans le modèle, mettre en place une autre approche d'impact des mesures de la protection sociale, éviter de raisonner par catégorie, et comprendre que la crise du vieillissement est une crise de la croissance, et pas seulement une crise du médico-sociale ou du sanitaire. Il faut donc proposer une impulsion et retrouver d'autres niveaux de gouvernance pour sortir du face à face entre le citoyen et la puissance publique. Les gens continuent d'en appeler à l'État car ils ne trouvent pas d'autres lieux de proximité pour exprimer leurs besoins. Il faut donc retrouver des niveaux de pouvoirs intermédiaires et vertueux qui permettent de réimpliquer les parties prenantes. Quand l'EHPAD propose un système d'accueil temporaire de nuit pour les personnes qui vivent encore à domicile, il fabrique déjà le modèle d'après. Il nous faut permettre et favoriser cette transformation locale. La vraie question reste d'instaurer une relation de confiance entre un état national et des micros pouvoirs locaux agissant.