Jacques-Olivier Martin, rédacteur en chef du Figaro Economie, donne sur la dépendance son point de vue d'observateur de la vie écomique.
" Là où il y a des financements, il y a des emplois "
La dépendance serait-elle devenue un sujet incontournable dans les médias ?
En l'espace de quelques années, le débat sur la dépendance et sur son financement est entré dans l'actualité. Le traitement du sujet est désormais récurrent dans les médias et dans les colonnes du Figaro Economie. La dépendance sera le dossier social de l'année 2011. Le débat est passionnant ! Comment la société peut-elle financer la prise en charge des personnes âgées dépendantes ? Je crois que la philosophie est loin d'être arrêtée. Surtout dans un Etat dont la marge de manoeuvre financière est très limitée. La prise en charge publique est pourtant réelle. Elle représente un peu plus de 20 milliards d'euros. Le reste relève du quotidien. On s'interroge beaucoup sur la solidarité nationale mais la solidarité familiale reste incontournable...
Comment considérez-vous les solutions de solidarité nationale ?
Avec le l'augmentation du nombre de personnes très âgées, les dépenses vont croître. Il est donc nécessaire de trouver de nouvelles ressources. Plusieurs pistes vont être examinées et rien n'est arrêté. On a parlé d'une assurance privée. Au passage, à partir du moment où l'assurance est obligatoire, il s'agit d'un impôt qui ne dit pas son nom. Des voix s'inquiètent d'une telle solution, jugeant que le principe de solidarité nationale, qui veut que l'on reçoit en fonction de ses besoins mais que l'on cotise en fonction de ses moyens, pourrait ne pas être garanti avec un tel mécanisme. Les réflexions semblent en ce moment se concentrer sur des ressources publiques, qu'il s'agisse d'une augmentation de la CSG ou d'un prélèvement sur les successions.
Les Français auraient-ils oublié la solidarité familiale ?
Avoir des enfants, c'est en quelque sorte une charge familiale naturelle, admise depuis l'origine. Avec le développement économique de ces dernières décennies, la mobilité familiale, l'exode rural, les enfants ont eu tendance à s'éloigner de leurs parents, abandonnant en partie la prise en charge naturelle de leurs aînés. La dépendance, c'est plus une charge subie, liée à notre modernité. Le rôle de l'état, c'est de faire prendre conscience aux citoyens de la situation, de montrer toute l'importance de cette solidarité familiale... et pas seulement de fournir une aide financière.
Doit-on résumer la dépendance à un débat sur l'arbitrage solidarité nationale/solidarité familiale ?
Non. C'est un phénomène de société, de démographie, de santé et également un sujet économique. Là où il y a des financements, il y a une offre de services, des emplois. Ces offres sont fournies par des acteurs publics, des associations ainsi que des entreprises privées attirées par un marché en croissance. Je note que les groupes privés de maisons de retraite ont bien résisté à la crise. On assiste à un mouvement de concentration du marché, indispensable pour mutualiser les coûts, générer des économies d'échelle et augmenter la rentabilité. Les fonds investissent pour constituer des réseaux de maisons de retraite. C'est un signe de maturité et de potentiel de ce secteur.
Pour le grand public, la rentabilité des groupes privés de maisons de retraite ne peut se faire qu'au détriment de la qualité...
Je voudrais qu'on sorte de la caricature ! L'intérêt de l'investisseur est convergent avec celui de ses clients : sans qualité, la pérennité n'existe pas. Le souci d'optimiser la gestion n'est pas non plus synonyme de baisse de qualité. Il y a vraiment de la place pour tous les acteurs, publics, privés et associatifs.