Nouvelle membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Claudie Kulak entend bien profiter de cette casquette supplémentaire pour agir à une plus grande reconnaissance des aidants dans la société. Le point sur ses attentes en ce dixième anniversaire de la Journée nationale des aidants le 6 octobre.
« La place des aidants dans les Ehpad doit évoluer »
Vous avez intégré en début d'année le CESE, une manière de mettre les aidants en lumière ?
C'est en effet un grand pas pour la reconnaissance du rôle des aidants. J'ai rejoint le groupe Familles et plus particulièrement la commission Travail et emploi. Il est essentiel de nourrir une réflexion sur la place des aidants dans toutes les sphères de la société, et plus spécifiquement dans le monde du travail. 62 % des aidants sont salariés. Les entreprises, les branches professionnelles et les syndicats doivent prendre conscience du fait qu'ils représentent un atout et non une contrainte pour l'entreprise. L'aidant est par exemple souvent le seul à soutenir financièrement le foyer, il va donc avoir tendance à rester fidèle à son entreprise. Son travail représente aussi une forme de répit, un lieu où trouver du soutien auprès de ses collègues. Nous menons un travail de fond pour que toutes les commissions du CESE intègrent cette thématique dans leur réflexion, notamment le groupe Éducation. La France compte près de 500 000 jeunes aidants. Nous devons sensibiliser le monde de l'éducation aux difficultés qu'ils rencontrent au quotidien en prenant soin de leur proche. Leur situation familiale peut influencer leurs choix d'avenir. Il faut en avoir conscience.
Quel regard portez-vous sur les avancées récentes concernant les aidants ?
Je suis une militante ! Cela fait dix ans que je me bats pour améliorer notre condition. Nous avons gagné l'indemnité de congé du proche aidant, c'est déjà un début. Mais tout le monde s'accorde à dire que son montant est insuffisant, surtout dans une société vieillissante. Il faut continuer à lutter et à co-construire.
Et parmi les thématiques de lutte, les droits de la femme aidante...
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 58 % des aidants sont des femmes, et lorsque la situation avec l'aidé se dégrade, le chiffre passe à 64 %. C'est un fait. Or, les femmes doivent continuer à travailler pour conserver une indépendance financière. La situation va peut-être évoluer. Les salaires des femmes commencent à rejoindre ceux des hommes. En attendant, chacun de nous doit pouvoir garder son emploi. Cela implique de créer des relais pour assurer la continuité au sein des foyers. Les aides à domicile, bien formées et en nombre suffisant, pourraient relayer les aidants. De même, envisager de leur donner une place dans la prise en charge des aidés est créateur d'emplois sur nos territoires. Mais cela impose de revaloriser ce métier et de développer son attractivité. La publication du rapport de Myriam El Khomri sur les métiers du grand âge et de l'autonomie va dans le bon sens. Au-delà de l'entretien de la maison et de la préparation des repas, il faut mettre l'accent sur la notion de care et le rôle joué dans le prendre soin pour conserver la dignité des personnes. Il faut aussi davantage de coordinateurs, de gestionnaires de cas pour les personnes âgées afin de mieux organiser les parcours de vie, le passage des aides à domicile, l'usage du matériel. Ces emplois sont indispensables.
Qu'en est-il de la place accordée aux aidants au sein des structures d'accueil ?
Elle doit évoluer ! Le monde des Ehpad n'a pas suffisamment intégré le rôle essentiel des aidants. Cela s'est vu durant la crise Covid. Quelle souffrance ! Comment a-t-on pu penser que les familles allaient se contenter, sans rien dire, des mesures horribles mises en oeuvre ? L'image des aidants au sein des structures doit changer. On nous considère souvent comme des éternels insatisfaits. Mais rares sont les structures qui prennent le temps d'expliquer aux aidants le fonctionnement d'un Ehpad. Nous ne sommes pas bien intégrés à la vie de l'établissement. Il faudrait envisager la mise en place d'un livret et une réunion d'accueil pour les familles, voire proposer un questionnaire pour mieux comprendre les attentes de chacun. Les aidants sont tous différents, avec des besoins propres. Certains vont culpabiliser de laisser leur proche dans une structure, d'autres se sentir déchargés. Certains vont vouloir s'impliquer, d'autres non. Il n'est pas possible de donner une méthode généralisable. Mais dans tous les cas, le directeur et les équipes doivent échanger, communiquer, informer sur la structure et sur les besoins des personnes aidées afin de permettre aux aidants de rester connectés à la vie de leur proche. Si le directeur d'Ehpad intègre la douleur, l'émotion, la culpabilité, la souffrance dans sa manière de concevoir le fonctionnement de sa structure, il peut faire de toutes les familles des partenaires et des ambassadeurs qui participeront à changer l'image des Ehpad.
Les élections présidentielles approchent. Entendez-vous aborder ces thématiques avec les futurs candidats ?
Je suis responsable du portage politique au sein du collectif Je t'aide. Nous sommes justement en train de préparer une compilation de nos plaidoyers, qui constituent un programme politique avec des recommandations, à destination des candidats. Parmi elles : agir pour la santé des aidants, aborder la question de l'aide sociale et de l'impact financier que représente pour une famille le fait de placer un proche en institution. C'est très injuste car les plus démunis sont souvent les plus concernés. Nous devons obtenir des réponses sur ce sujet. Nous pensions les avoir avec la loi Grand âge et autonomie. Aujourd'hui, nous devons les obtenir d'une façon ou d'une autre. Car tout le monde devrait pouvoir bénéficier d'un accompagnement dans sa fin de vie sans susciter des difficultés majeures, notamment d'ordre financier, au sein des familles.