Avec la prolifération d'annuaires en ligne et de publications sur les réseaux sociaux, votre établissement peut se voir attribuer des notes ou commentaires négatifs. Si une diffamation, une injure ou un dénigrement est caractérisé, voici comment agir.
La réputation de mon établissement est ternie sur internet : comment réagir ?
Le fort impact que peuvent avoir des notes ou commentaires négatifs publiés sur la toile nécessite de savoir comment réagir de manière rapide et efficace afin de protéger au mieux l'e-réputation de son établissement et de ses collaborateurs.
Diffamation, injure, dénigrement : tracer des frontières entre toutes ces notions est délicat. Mais la palette des outils pour réagir est large face aux écrits répréhensibles et motivés par une volonté de nuire, une concurrence déloyale ou encore par le sentiment d'impunité et d'anonymat qui règne parfois sur internet.
Le droit de réponse
Le droit de réponse [1] est indépendant de tout contentieux et peut être exercé par l'entité ou par le membre du personnel concerné selon que sont visés l'établissement et les services qu'il propose ou qu'est nommée ou désignée une personne physique déterminée.
Des règles strictes encadrent à la fois la présentation de la demande de publication de la réponse et la forme de celle-ci qui doit, si elle est régulière, être publiée par le directeur de la publication dans les trois jours.
Il est par ailleurs recommandé de ne pas citer expressément le nom de l'établissement concerné mais d'utiliser des termes génériques, afin d'éviter la reprise de la réponse sur les moteurs de recherche, ce qui pourrait donner une visibilité accrue au contenu initial.
Enfin, alternativement à la demande d'insertion d'un droit de réponse en ligne, il est possible de demander la suppression ou la rectification de tout ou partie du contenu litigieux.
Les procédures de signalement et de retrait
La loi LCEN du 21 juin 2004 envisage que puisse être demandé à l'amiable, à leur auteur ou éditeur, le retrait ou la modification de publications litigieuses.
Les sites de référencement publiant des avis, tout comme les réseaux sociaux, ont généralement mis en place des dispositifs internes de signalement de propos abusifs. Il est recommandé d'être précis sur les raisons et les fondements juridiques de la demande, ce qui augmente les chances d'être pris au sérieux par les modérateurs du site.
Si ce signalement reste sans effet, l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 prévoit une procédure de notification de l'existence d'un contenu illicite à l'hébergeur, c'est-à-dire à la société qui met à disposition du public les espaces de stockage des contenus qui sont publiés.
A la suite d'une telle notification, qui doit respecter des conditions de formes rigoureuses [2] , l'hébergeur est tenu de procéder au retrait du contenu illicite. A défaut, il expose sa responsabilité civile et pénale.
La voie judiciaire
Face à des évaluations ou commentaires illicites publiés sur internet et portant atteinte à l'image de son établissement ou de ses personnels, il peut également être envisagé d'agir par la voie judiciaire.
Il convient tout d'abord de sauvegarder la preuve des faits litigieux a minima par une capture écran. Mieux encore, un constat devra être réalisé dans les meilleurs délais [3].
L'anonymat éventuel de l'auteur des propos pourra ensuite être paré par la saisine sur requête ou en référé du Tribunal [4] afin d'obtenir une ordonnance enjoignant l'hébergeur, voire le fournisseur d'accès, à communiquer l'identité de l'auteur, son adresse mél et/ou son adresse IP.
Le même fondement pourra également servir, par exemple, à enjoindre à l'éditeur d'un site internet de notations de détailler sa méthode ce, en vue d'une future action au fond en responsabilité et indemnisation du préjudice [5].
Des mesures en urgence visant par exemple au retrait d'avis négatifs relatifs à son établissement peuvent aussi être demandées en référé, sous réserve de pouvoir caractériser un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent [6].
Enfin, le juge pénal et/ou le juge civil pourront être saisis d'une action au fond selon que les faits sont susceptibles d'être constitutifs de délits de presse (diffamation, injure) ou de dénigrement.
La nécessaire qualification juridique du fait fautif
La spécificité du régime procédural applicable aux délits de presse prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, et notamment la brièveté du délai de prescription de 3 mois en la matière (article 65), ainsi que la rigueur devant être observée dans la rédaction de l'acte de poursuites (article 53), doivent conduire à une appréciation minutieuse de la qualification du fait fautif.
Ainsi, doivent être distingués les avis et commentaires diffamatoires ou injurieux (article 29 de la loi sur la liberté de la presse de 1881) de ceux constitutifs d'un dénigrement des produits ou services (article 1240 du code civil).
Le critère permettant de tracer la frontière étant celui de l'objet de l'attaque, selon qu'elle vise directement l'établissement ou un membre du personnel - on est alors dans le champ de la loi sur la presse de 1881 - ou qu'elle vise distinctement la qualité des services proposés - les faits doivent être alors être appréhendés sous l'angle du dénigrement [7].
En tout état de cause, il pourra être demandé au juge du fond la suppression des avis et commentaires fautifs, y compris sous astreinte, ainsi que la réparation du préjudice subi, l'établissement pouvant notamment voir réparer l'atteinte portée à sa réputation [8].
Par Me Yves Claisse, avocat associé gérant, et Me Jérôme Consigli, avocat directeur
Claisse & Associés