Les EHPAD enfin sur le devant de la scène ? En tous cas, l'agitation qui entoure le secteur est des plus vives. Entre les auditions menées par la commission des affaires sociales du Sénat, l'annonce d'une nouvelle grève des personnels d'établissements et de services à domicile et la présentation du rapport Iborra le 14 mars, le dossier des EHPAD mobilise l'attention. Un contexte idéal pour évoquer la réforme de la tarification et le financement des EHPAD.
La situation des EHPAD est ubuesque
C'est ainsi que l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS) organisait ce 7 mars une table-ronde réunissant les principaux acteurs du secteur, Florence Arnaiz-Maumé (Synerpa), Julien Moreau (Fehap) et Benoit Calmels (Unccas), autour de Monique Iborra, députée LREM, chargée de la mission d'information sur la situation des EHPAD.
La réforme de la tarification malmenée
La réforme tarifaire ne devrait représenter qu'un des aspects de la réflexion, a attaqué Monique Iborra. " J'avais demandé une intervention sur la question des EHPAD lors des débats de la loi ASV, puis une seconde loi spécifique aux EHPAD. Cela ne s'est pas fait. C'est aujourd'hui la première fois qu'une mission d'intervention sur les EHPAD oblige le gouvernement à traiter le vieillissement de la population de manière globale " , commente Monique Iborra, très remontée. " Les auditions menées lors de cette mission ont révélé une levée de boucliers contre cette nouvelle tarification mise en place dès le mois de janvier 2017" , a t-elle ajouté. La nouvelle tarification provoque des inégalités entre les départements eux-mêmes, puisque le taux du point Gir est aujourd'hui décidé par le seul président du Conseil départemental. Il peut varier ainsi du simple au double d'un département à l'autre. C'est donc bien sur la question du financement de la dépendance que porte le débat.
Et pour aller plus loin, l'énergique députée n'hésite pas à remettre en cause les outils d'évaluation, qu'elle qualifie " d'inadaptés " notamment pour l'évaluation des troubles " démentiels ", ne reflétant plus de manière claire l'état de dépendance d'une personne. " La situation des EHPAD est ubuesque. Comment dans ces conditions, avec des outils obsolètes, peut-on repenser de manière efficiente un système de tarification ? On cherchait l'égalité des citoyens, on est complètement à côté de la plaque ".
Rien de nouveau pour le secteur privé
En effet, pour Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, " cette situation n'est pas nouvelle. En 2000, la situation des EHPAD était catastrophique. Ils ont fourni des efforts considérables pour s'adapter aux nouveaux publics, rénover le parc, humaniser ce qui n'était que des mouroirs. En 10 ans, on a aussi multiplié par deux l'Ondam personnes âgées. Tous les deux ans, des lois sont mises sur la table. Et la réforme de la tarification est dans les tuyaux depuis 2008, pas moins de 10 ans. Arrêtons donc l'Ehpad Bashing et ce discours laissant suggérer que rien n'est fait. C'est faux. Quant aux inégalités entre les départements, elles existent depuis toujours. La réforme n'a fait que les mettre en lumière, rien de plus. " Le Synerpa ne peut de toutes façons que se réjouir des moyens supplémentaires alloués aux établissements (le secteur privé étant le grand gagnant de cette réforme car les gains estimés s'élèvent à pas moins de 104,9 million d'euros sur la dépendance et 88,7 millions d'euros sur le soin).
La Fehap nuance les propos
Julien Moreau, directeur du social et du médico-social, est quant à lui en demi teinte. Il reconnaît que sur le fond la réforme apporte plus de justice à l'échelle d'un département. Au total, c'est pas moins de 400 millions d'euros sur 7 ans, durée de la mise en place totale du dispositif, qui devraient rejoindre les caisses des établissements. Toutefois toutes les situations ne sont pas identiques et certains adhérents vont perdre plus de 200 000 euros. Mais Julien Moreau reste persuadé qu'il faut entamer une réflexion sur le tarif hébergement. Le reste à charge des usagers est un problème auquel il est urgent de s'atteler.
La situation est plus difficile en revanche pour le secteur public. " Au début, nous étions attentifs et en faveur de cette réforme ", entame Benoit Calmels, délégué général de l'Unccas. " Mais aujourd'hui les ehpad gérés par les CCAS vont dans le mur. Peut être est-ce lié à un mauvais timing, on voit des réformes dans tous les sens mais il va falloir réfléchir sérieusement au rôle des collectivités. " Et Benoit Calmels d'insister, " les 6 EHPAD de Clermont-Ferrand ont perdu 375 000 euros à cause de la convergence tarifaire. Il faut dire que le public accueilli est particulier. Il s'agit de personnes très fragiles, avec des grosses problématiques psychiatriques, soumises à de lourdes difficultés financières, et pour lesquelles il n'est pas possible de jouer sur le tarif hébergement. Les élus se demandent aujourd'hui sérieusement s'il va leur être possible de conserver des ehpad publics dans leurs départements. "
Alors que faire ?
Repenser l'EHPAD de demain, répond sans hésitation Monique Iborra, l'adapter aux besoins des publics qui ont évolué. Aujourd'hui les personnes âgées viennent de l'hôpital. Or les établissements ne doivent pas être des lieux de soins, mais des lieux de vie. " On se bat pour ca depuis 15 ans ", confirme Julien Moreau. " Nous manquons aussi de management intermédiaire. Le directeur doit être un professionnel sur tous les sujets mais il n'a plus le temps d'être avec les équipes. "
La tarification devient dès lors un micro-sujet du choix politique de demain.
A quand donc une vraie réflexion et un choix politique assumé ?