La toilette intime reste un sujet souvent tabou qui peut mettre mal à l'aise soignants et résidents. Vincent Meillarec, gérontopsychologue et gérant d'Idéage Formation1, répond aux questions de la rédaction.
« La toilette intime est un acte complexe qui appelle à une vigilance de tous les instants »
Quels conseils donneriez-vous au personnel soignant s'agissant de la toilette intime des résidents ?
N'oublions jamais qu'il s'agit d'un acte intime, et même s'il est quotidien, il reste un moment où la personne est nue et particulièrement vulnérable. Il est donc essentiel pour le soignant de demander l'autorisation de procéder à ce soin, même s'il connaît bien le résident, de l'informer ensuite de la manière dont il va procéder, puis de se centrer sur le ressenti de la personne : Est-ce agréable pour elle ? Est-ce qu'elle a mal ? etc. Le risque serait de considérer que cet acte est simple, rapide et sans conséquence. Il faut également veiller à respecter les fondamentaux de l'intimité : vérifier que la porte de la chambre est fermée, ne pas laisser le résident dans une nudité intégrale et, en cas de toilette à deux soignants, se concentrer sur le soin sans évoquer les problématiques du service ou les tâches à venir.
Comment procéder en cas de refus de soin ?
Le premier impératif est d'avoir le recul nécessaire pour arrêter le soin, placer la personne en sécurité avant, en deuxième intention, de réfléchir aux raisons de cette conduite grâce à une grille d'analyse : Pourquoi le résident s'est-il opposé ? Ressent-il une douleur ? Exprime-t-il un réflexe de pudeur ? Cette opposition est-elle générale ou dirigée contre un professionnel ? etc. Cette réflexion doit être menée en équipe pluridisciplinaire afin de déterminer des pistes d'action : changer l'horaire de la toilette, faire coordonner le traitement antalgique avec la toilette intime, mener des examens approfondis sur la recherche d'une douleur... Il faut aussi parler de ce refus avec la personne. Les soignants doivent être attentifs à ne jamais la « chosifier ». Le simple fait de pratiquer une toilette intime en pensant à autre chose peut générer des oppositions.
Comment réagir face à la gêne exprimée par un résident, en cas d'incontinence par exemple ?
Il faut toujours garder à l'esprit que le fait d'entrer dans l'intimité de quelqu'un est une effraction imposée par l'âge ou la maladie. La réaction du résident, qui est liée à son éducation, à son histoire..., peut aussi être le catalyseur de frustrations lorsque l'Ehpad est vécu comme l'aboutissement d'un cheminement douloureux. La toilette intime peut matérialiser la perte d'autonomie, voire la perspective de la mort. Le soignant doit donc être en capacité de « regarder en face » la gêne du résident et apprendre à « re-sexualiser » un corps qui a souvent été désexualisé. Par définition, l'intime est unique. La seule réponse acceptable est celle qui conciliera la réflexion, l'individualisation, le recueil de la parole et l'écoute.